Culture : 2e BIENNALE MÉDITERRANÉENNE D’ART CONTEMPORAIN À ORAN
Originalité, formes et couleurs


Ce jeudi, l’immense salle de la médiathèque d’Oran était méconnaissable et s’était transformée à l’occasion de la 2e Biennale méditerranéenne d’art contemporain, en un espace où se côtoie l’art contemporain sous toutes ses formes et symboliques.
Pas moins de 200 œuvres exposées par des artistes algériens et d’autres pays, notamment de Tunisie, de France, de Grèce, d’Espagne, de Palestine, de Syrie, d’Italie et d’Allemagne, étaient offertes au regard du public et des spécialistes de cet univers. Ainsi l’on peut trouver des toiles peintes, des portraits photographiés artistiquement, des objets anodins mis en scène avec subtilité… Une biennale riche en couleurs et en imagination artistique contemporaine, qui vaut le détour. Des conférences et des tables rondes ayant pour thèmes : «Le marché de l’art en Algérie», «L’art contemporain», «L’art dans l’espace public», «L’art émergeant et la jeune création contemporaine en Algérie» ainsi que des soirées artistiques figurent au programme de cette édition organisée par l’association Civ’œil et la commune d’Oran, la clôture était prévue hier, samedi 31 mars. En contemplant le travail proposé par le photographe de presse algérien, Hamid Aouragh, nous avons du mal à croire qu’il ne s’agit pas du tout de peinture, mais uniquement de prises de photos que l’artiste a superbement réalisées, offrant au regard une plastique figurative très colorée. «C’est lors d’un voyage à Amsterdam que j’ai été attiré par les reflets sur l’eau. Ces œuvres à la limite de l’abstraction sont des œuvres de beauté, de sensibilité et d’émotion. Cette expérience m’a permis d’explorer d’autres tendances comme ici l’abstrait lyrique et mon souci a surtout été de dégager une esthétique à partir d’éléments peu agréables. J’ai voulu opposer des paysages à travers ces rêveries aquatiques», dira Hamid Aouragh. Venu de Tlemcen, le jeune artiste Bestaoui Arslane, amateur de photographie, s’intéresse au regard que dégage chaque individu. Durant sa première participation à cette biennale, il a exposé une dizaine de portraits grand format de personnes anonymes. «Chaque personne a son propre regard profond intérieur que j’essaye de faire ressortir à travers mes photos. J’essaye à chaque fois à travers mon travail de travailler sur l’identité de la personne. » Ce qui l’intéresse c’est le regard des gens, les émotions qu’ils expriment à travers leur regard il tente de les faire ressortir à travers ses portraits photo. L’artiste laqueur Chérif Ahmed-Chaouch expose des œuvres d’une éclatante luminosité. Cet Algérien, installé en France, participe à cette édition en exposant des œuvres réalisées avec une technique ancienne de 5 000 ans, inventée par les Chinois. Inscrit parmi les traditions les plus anciennes, le travail des laques réclame technicité, patience et conditions climatiques particulières, nous dira l’artiste. Les œuvres proposées expriment des thèmes contemporains, inspirées de ses origines (paysages, traditions, calligraphies).
Une installation «virus» pièges à souris… par l’artiste Karim Sergoua !
Partout dans le hall de la médiathèque on aperçoit des clins d’œil à tout ce qui peut se rapporter à des pièges. «C’est un acte d’engagement de ma part», dira Sergoua. Mis en couleur, des pièges à souris éparpillés dans hall de la médiathèque et mit en évidence attirent la curiosité du public. «L’art contemporain nous permet toutes ces tentatives et ne pas rester uniquement dans la peinture, qui a justement des salons qui lui sont consacrés. Nous devons assumer l’art contemporain et montrer au public un travail auquel il n’est pas habitué. » Il s’agit d’installation d’objets anodins, inattendus et parfois illisibles, mais leur mise en valeur est tellement astucieuse et artistique qu’elle ne peut qu’attirer le regard curieux. La Tunisienne Myriem Zahra peint le corps féminin. De prime abord, on est face à des formes d’un corps féminin entremêlé d’un fruit parfois exotique et reflète un extérieur et un intérieur féminin complexe, mais captivant. «Il s’agit d’œuvres qui expriment l’intérieur et l’extérieur de la femme et du fruit. Il y a un rapport entre les deux, car les deux symbolisent la fécondité et je m’intéresse à la texture qui met en valeur quelques détails du corps de la femme. Cela nous fait penser aussi à l’utilisation de la femme de cosmétiques souvent à base de fruits, souvent présents dans nos plats : orange, kiwi…» Une approche surréaliste mais originale. Trois portraits peints dans le même ton et qui symbolisent les trois singes : ne rien dire, ne rien faire, ne rien voir, peint d’un bleu attirant captivent le regard du public. «Mon travail est très instinctif, il s’agit d’un style figuratif, actuel, contemporain, je travaille beaucoup sur le thème de portrait, parce que l’expression est importante pour moi. Je ne choisi pas forcément de beau visage, jeune, j’aime bien laisser parler ceux qui n’ont pas droit à la parole, les délaissés, les pauvres… Je les affiche en grand pour les imposer et rappeler aux autres qu’ils existent, qu’ils sont là et eux aussi ont droit à la parole», dira l’artiste algéro-tunisienne Lamia Guemara. Pour le commissaire de la biennale, M. Ali Chaouche Tewfik, malgré les difficultés rencontrées pour l’organisation de cette deuxième biennale, notamment le refus de la direction de la culture d’Oran d’accorder une quelconque aide aux organisateurs et le mutisme du ministère de tutelle, la biennale a eu lieu et affiche une réussite. «Ce qui nous réconforte, le wali d’Oran qui nous a reçu et félicité a promis que pour la troisième édition, une contribution financière sera accordée à cette biennale.» Parmi les projets qui tiennent à cœur à notre interlocuteur, la réappropriation d’un des lieux oubliés à Oran, tels l’ancienne église Saint-Louis, les Abattoirs, ou encore l’une des salles de cinéma fermées… et transformer ces lieux oubliés en carrefour pour accueillir les arts..
Amel Bentolba



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