Chronique du jour : ICI MIEUX QUE LA-BAS
�loge post-mortem de Ben Bella !


Par Arezki Metref
arezkimetref@free.fr

Immense h�sitation : y vais-je ou n'y vais-je pas ? Corn�lien, le dilemme me turlupine grave depuis que, l'autre jour, j'ai appris la nouvelle de la mort de Ben Bella. Un banal sms de source anonyme m�a affranchi : �BB dcd 7 aprem alger�. Voil�, c�est tout !
Peu de mots et quels mots. Presto, j�ai allum� la t�l� pour en savoir un chou�a mieux. Pendant que les sujets �taient d�j� ficel�s, images d�archives et interviews, et passaient en boucle sur BFMTV, iTel�, France-2, TF1 et m�me Agouni-Ahmed Network, pouss� par une curiosit� patriotique, j'ai voulu voir ce qu�avait � nous montrer l'ENTV qui poss�de, me suis-je dit comme �a, tout seul, comme un grand, des tombereaux d�images d�archives h�rit�es du temps o� la RTA �tait tenue de filmer le moindre hoquet pr�sidentiel. Sur les quatre ou cinq cha�nes que je passe au fil de la zapette, le m�me minaret dodelinait dans les nuages. D�coiffant ! Peut-�tre qu�en louc�d�, l�Unique avait d�j� exp�di� une webcam dans le royaume des cieux pour filmer et montrer en live les premiers pas de Ben Bella dans l�Au-del� comme nagu�re la Nasa ceux du cosmonaute Armstrong sur la Lune ? Pour le reste, de Ben Bella, rien ! Les mecs devaient attendre que le Prince �dicte ce qu�il convient de faire avec ce sujet. Comme quoi, quand il s'agit d'info et pas d'aplaventrisme, les derniers ne sont pas forc�ment les premiers. Et inversement. �a ne r�sout en rien mon probl�me : j'y vais ? Ou pas ? Parler de la mort de Ben Bella dans plusieurs jours, �a avance et rime � quoi ? Il y aura eu, entre-temps, la pompe des fun�railles nationales, et au moins trois des huit jours de deuil seront pass�s, et tout le tralala avec� Apr�s le feu d�artifices, tu te la ram�nes, toi, qui plus est avec un brin de perfides allusions !... Non, �a ne colle pas. Et puis, est-ce un �v�nement ? Je veux dire s�agit-il d�un de ces faits qui t�obligent toutes affaires cessantes � poser les outils par terre et saluer sinc�rement et humblement le cort�ge mortuaire ? Eh oui, mon vieux, c�est bien un �v�nement ! Que tu le veuilles ou pas ! La preuve ? Depuis que la nouvelle s'est confirm�e, tout, radio, t�l�, ne parle que de �a : la mort d'un h�ros de l�ind�pendance alg�rienne, au paletot duquel jadis de Gaulle lui-m�me a �pingl� une m�daille ! Macha Allah ! Les t�l�s fran�aises rappellent ad nauseum les faits d�armes de l�adjudant des Tabors au 14e RTA sauvant la vie de son capitaine, ce qui lui vaudra une cascade de d�corations. Du coup, le probl�me inverse surgit : que pourrais-je ajouter ? Ben Bella a d�j� le r�gime de dattes g�n�reusement pos� sur sa tombe qui n'est pas encore creus�e et qui le sera sans doute au carr� des h�ros � El Alia, ce carr� auquel n'ont eu droit, ni Amirouche, rel�gu� au sous-sol d'une cave gard�e par le nec plus ultra de la Gendarmerie nationale, et encore moins Abane Ramdane, la b�te noire, dont on ne sait m�me pas o� se trouvent les restes. Je n�ai encore rien d�cid� lorsque j�entre dans une boutique de fringues tenue par mon ami Ahmed qui me demande in petto et en VO :
- Wach, men, kach news ?
- Ben Bella imouth, Allah yarahmou ! Dis-je, m�langeant tout avec tout ! La formule rituelle, culturelle, sort de ses gonds un septuag�naire qui farfouillait dans le rayon chemises section XXL :
- Il est mort de sa belle mort dans son lit � 96 ans.
Ce qui n'est pas le cas de tous ceux qu'il a fait tuer lorsqu'il �tait pr�sident. Certains sortaient � peine du maquis pour se faire zigouiller par ses sbires. Ils avaient tenu t�te � l'arm�e fran�aise pour se faire trucider in fine par za�ma leurs fr�res d'armes. Ses hommes ont sem� la terreur dans nos villages. Ce n�est pas moi qui le gratifierais d�un merci. La messe est dite, si l�on ose. Voil� un des souvenirs qui resteront de Ben Bella ! Pas tr�s reluisant et pas le seul ! Un autre : les man�uvres pour prendre le pouvoir, le feu ouvert par ses s�ides sur les maquisards de l�int�rieur qui feront au moins 500 morts. Et j�en passe� Un tableau de chasse, oui ! Avec du sang tout plein ! Pourtant, la mort d'un homme reste toujours triste ! La compassion ne se marchande pas. Qu'il s'agisse d'un ancien chef d'Etat ajoute � la densit� dramatique de la sc�ne. Un concours de circonstances, dont la lecture du d�m�lement ne suscite pas l�unanimit� chez les historiens, a fait de Ben Bella le premier pr�sident de l'Alg�rie ind�pendante. Un croisement de courbes entre Nasser et de Gaulle l�aurait mis en vedette. De l�avoir impos�, on ne sait plus s�il faut l�attribuer r�troactivement � Boumedi�ne ou � Fethi Dib, patron des moukhabarate �gyptiens qui avait la mainmise sur le pouvoir alg�rien d�alors. Du haut du monticule, Ben Bella avait, � l��chelle internationale, la visibilit� que m�ritait le combat des maquisards de l�int�rieur qui ont �rig� la guerre de lib�ration en mod�le pour les mouvements ind�pendantistes � travers le monde. Tout le prestige de l�Alg�rie combattante rejaillissait sur lui. En ext�rieur, il joue les r�volutionnaires, amis de Fidel, de Mao dont il adopte en tout cas le col, alors qu�en interne, il a d�j� �cart� tous ses rivaux et ceux qui lui faisaient de l�ombre. Il fait bannir et mettre en r�sidence surveill�e quand ce n�est pas carr�ment en taule, Krim Belkacem, Mohamed Boudiaf et d�autres, beaucoup d�autres. Il pourchasse A�t Ahmed, Mohand Oulhadj et le FFS, d�j� au maquis. Tous ceux qui ont une l�gitimit� suscitent son courroux. Bon, essayons des choses positives ! A l�ind�pendance, j��tais un gosse fier de voir que l�Alg�rie avait un pr�sident qui �tait non seulement �alg�rien� mais qui, de plus, aimait le foot car il avait �t� footballeur. C�est pourquoi, je ne pige rien lorsque, ce 19 juin 1965, il est renvers� par un putsch. J�apprendrai plus tard que le gosse que j��tais n�y comprenait que dalle. Ben Bella est arriv� au pouvoir de lui-m�me, par une sorte de coup d�Etat contre le GPRA. Boumedi�ne, son alli�, ne fera que lui rendre la pareille deux ans plus tard. Il s��tait, dit-on, comport� comme un ca�d au congr�s de Tripoli. Pour faire plaisir � ses tuteurs �gyptiens autant que par conviction personnelle, il d�gomme le pass� berb�re de l�Alg�rie l��triquant en province arabe. Ce sera son fameux : �Nous sommes arabes, nous sommes arabes, nous sommes arabes.� Joignant l�acte � la parole, il fait venir toutes sortes d�artisans �gyptiens proscrits par Nasser au motif de sympathie aux Fr�res musulmans, et met les �l�ves alg�riens entre leurs mains. Ce fa�onnement, on en verra le d�sastreux r�sultat quelques ann�es plus tard. Il instaure un r�gime sonore et muscl� vis-�-vis des opposants, au point qu�Hassan II lui-m�me, qui n��tait pas un parangon de d�mocratie, le qualifie de �dictature temp�r�e par l�anarchie�. Ben Bella s�accommode bien d�un syst�me policier et militaire qui finira par le d�vorer. Un coup socialiste, un coup islamiste, sa seule fid�lit� est, en d�finitive, une d�testation chronique et r�dhibitoire des combattants de l�int�rieur, en particulier d�Abane Ramande et un rejet durable des r�solutions du Congr�s de la Soummam qui remettait en cause l�architecture du pouvoir et de l�Alg�rie, tels que les imaginait l�arabo- islamiste socialisant qu�il �tait. Il y a encore quelques mois, il s�en prenait � Abane Ramdane, Boudiaf et A�t Ahmed dans un entretien � Jeune Afrique. Il faisait de l�un �un agent du colonialisme�, du deuxi�me un mauvais r�volutionnaire! Le troisi�me �tait �kabyle avant d��tre alg�rien�. Bon, on ne va pas finir sur une note mauvaise ! Il semble que, dans un tout tout r�cent entretien, il a r�vis� son opinion sur Abane Ramdane. J�ai voulu, comme il se doit � la mort de quelqu�un, en faire l��loge. Je n�ai pas trouv� mieux.
A. M.

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