Soirmagazine : L�ENTRETIEN DE LA SEMAINE
PROFESSEUR NOURIA BENYAKHLEF, SP�CIALISTE EN PSYCHIATRIE, EHS DRID-HOCINE, AU SOIR MAGAZINE
�Les TOC restent sous-�valu�s faute d��tudes �pid�miologiques nationales�


Par Nadia Salemi
Comment reconna�tre un TOC ? Quelle est la diff�rence entre TOC et tic ? Comment se soigner de cette maladie ? Et surtout existe-t-il une prise en charge de cette maladie en Alg�rie ? Il s�agit d�autant de questions li�es � ce trouble, certes rare, mais qui touche des Alg�riens. Dans cette interview, le Pr Nouria Benyakhlef r�pond � tous ces questionnements.
C�est quoi le toc ?
C�est un trouble obsessionnel compulsif qui est lui-m�me la traduction du mot anglo-saxon Obsessive Compulsive Disorder. Le toc est caract�ris� par la survenue d�obsessions et de compulsions. Dans l�obsession, la pens�e est assi�g�e par des id�es absurdes et va tenter de s�en d�fendre par des actions (les compulsions et les rituels). C'est une maladie qui, comme la plupart des maladies mentales, arrive sans raison. Dans le cas du TOC, la cause est inconnue. La fr�quence est estim�e entre 2 et 3% et touche autant les hommes que les femmes. Le trouble d�bute entre 10 et 40 ans, g�n�ralement avant l��ge de 25 ans, et une proportion importante de troubles survient chez l�enfant. Dans les formes juv�niles, il peut �tre associ� � des tics. Les formes les plus fr�quentes associent des obsessions et des compulsions. Les obsessions isol�es restent fr�quentes alors que les compulsions isol�es sont rares. L��volution est souvent chronique, �maill�e de rechutes. La principale complication est la d�pression.
Quelle est la diff�rence entre les toc, les tics et des petites manies ?
Les petites manies sont normales. Toute la population en a, comme v�rifier la porte d'entr�e quand on part en vacances, ou se laver consciencieusement les mains apr�s avoir utilis� les toilettes publiques. Dans le cas du TOC, il y a un envahissement dans la vie du sujet qui est perturb�e dans son quotidien pendant plus d'une heure par jour. Cette dur�e est un crit�re reconnu dans le monde entier. Le trouble obsessionnel compulsif est d�crit comme des obsessions ou des compulsions r�currentes suffisamment s�v�res pour entra�ner une perte de temps, ou un sentiment marqu� de souffrance ou de handicap. Les personnes qui en souffrent reconnaissent que leurs r�actions sont irrationnelles ou disproportionn�es. Une obsession se d�finit comme une id�e qui fait irruption de fa�on brutale et r�p�titive dans la pens�e d�un sujet, dont le caract�re absurde ou d�plac� est source d�angoisse et de malaise incontr�l�. On d�crit plusieurs types d�obsessions :
� Les obsessions id�atives : pens�es d�sagr�ables envahissant le champ conscient du sujet (id�es grossi�res, sacril�ges�) ;
� les obsessions phobiques : peur obs�dante de la maladie ou de la salet�, crainte de la contamination, en dehors de la pr�sence d�un risque r�el et en dehors de la pr�sence de situations d�clenchantes ;
� les phobies d�impulsion ou obsessions : peur obs�dante de r�aliser un acte incongru ou irr�v�rencieux (blesser, pr�cipiter dans le vide, agresser, etc.). Souvent, pour tenter d�apaiser cette angoisse, le malade est contraint de r�aliser une ou plusieurs s�ries de compulsions, actes d�lib�r�s et st�r�otyp�s dont l�objectif est de neutraliser les id�es obs�dantes. Il peut s�agir de t�ches mentales (arithmomanie : calculs mentaux � accomplir de mani�re r�p�titive, ruminations) ou comportementales (lavage, v�rifications) � accomplir. Elles apaisent tr�s temporairement le sujet qui �prouve bient�t un doute quant � leur caract�re salutaire et se sent contraint de remettre en �uvre ses compulsions. On appelle rituels l�ensemble des comportements r�p�titifs ou de fa�on plus restrictive ceux qui n�ont pas de rapport logique avec les obsessions (rituels d�habillage ou de rangement par exemple). Les principales obsessions et compulsions chez l�adulte pr�sentant un TOC sont :
� Pour les obsessions : contamination, doute pathologique, somatique, sym�trie, impulsions agressives ou sexuelles ;
� pour les compulsions : v�rifications, lavages, d�nombrement, interrogations ou confessions incessantes, rangement, comparaisons, etc. Le plus souvent, le patient pr�sente des obsessions et des compulsions, moins fr�quemment des obsessions isol�es et rarement des compulsions isol�es. Dans la majorit� des cas, les patients pr�sentent plusieurs obsessions et compulsions. Les signes �vocateurs sont les suivants :
� Lenteur avec perte de temps pour des activit�s de la vie quotidienne ;
� questions incessantes ;
� retards fr�quents ;
� maniaqueries ;
� m�ticulosit� extr�me.
Quels sont les facteurs d�clenchants de ces TOC ?
Certains facteurs semblent jouer un r�le pr�disposant et pr�cipitant sans pouvoir r�ellement dire dans quelle mesure ils repr�sentent d�authentiques facteurs de risque. Le terme de facteur associ� est pr�f�rable.
� Sexe f�minin La pr�valence des troubles anxieux chez les femmes est deux fois plus �lev�e dans toutes les �tudes. Pour le toc, le sexe ratio est proche de 1.
� Mode de vie La pr�valence des troubles anxieux est plus �lev�e en milieu urbain qu�en milieu rural. Le fait de vivre seul, d�avoir peu de liens familiaux et sociaux est associ� � tous les troubles anxieux et peut �tre consid�r� comme un risque de complication d�pressive.
� Facteurs h�r�ditaires et familiaux Le mode d��ducation intervient tr�s certainement, et bien qu�il soit difficile de d�finir un style parental anxieux, on retrouve souvent des m�res surprotectrices, des parents peu chaleureux et rigides r�duisant les exp�riences de socialisation, favorisant la d�pendance.
Existe-t-il des cas en Alg�rie ? Et pouvez-vous nous indiquer les TOC les plus r�pandus en Alg�rie ?
Les tocs les plus rencontr�s restent ceux relatifs aux rites de lavages, de v�rifications, id�es obs�dantes concernant les maladies (et surtout le sida), les sacril�ges religieux, etc.
Cette maladie est-elle prise en charge en Alg�rie ? Si c�est le cas, o� ? A qui s�adresser pour se soigner ?
Nous traitons ce type de trouble, il reste cependant sous-�valu� faute d��tudes �pid�miologiques nationales. Il est rare que ces patients consultent au d�but de leur maladie. Le plus souvent, ils atterrissent suite � une d�compensation anxio-d�pressive, voire d�pressive s�v�re d��puisement. Tout psychiatre est habilit� � traiter ces patients, cela fait partie de notre pratique habituelle.
Y a-t-il des traitements chimiques pour soigner les TOC ?
La prise en charge repose sur une alliance th�rapeutique � un moment donn� de l��volution du trouble. Le traitement est adapt� � chaque cas, associant diff�rentes composantes que sont l�information, les prescriptions et le suivi psychoth�rapique.
Information du patient...
L�information du patient est un temps primordial de la prise en charge afin d��tablir � la fois un climat de confiance et un authentique contrat th�rapeutique. Beaucoup de patients ont une repr�sentation m�dicale de leur trouble, d�o� une surconsommation de soins, de consultations m�dicales sp�cialis�es et d�examens compl�mentaires. Il n�est pas toujours simple de faire accepter le fait qu�aucune pathologie organique n�est en cause et qu�il existe une participation psychologique aux sympt�mes. L�information permet de reconna�tre l�origine psychologique du probl�me et aussi d�aborder les possibilit�s th�rapeutiques et les b�n�fices qui peuvent en �tre obtenus. Dans la plupart de ces troubles anxieux, diff�rents traitements ont fait la preuve de leur efficacit� : les psychoth�rapies, notamment les th�rapies cognitivo-comportementales, les antid�presseurs et l�association de ces deux modalit�s th�rapeutiques. L�efficacit� des traitements antid�presseurs par ISRS (inhibiteur s�lectif de la recapture de la s�rotonine) et des th�raphies cognitivo-comportementales (TTC) est aujourd�hui clairement �tablie dans la prise en charge du TOC. Les antid�presseurs capables de moduler la neurotransmission s�rotoninergique ont pris une place de premier choix dans l�arsenal th�rapeutique actuellement � notre disposition pour lutter contre la symptomatologie obsessionnelle et compulsive. TCC :
� Exposer le patient aux conditions qui d�clenchent les obsessions anxieuses (exposition in vivo) ;
� emp�cher toute compulsion (observable ou mentale) ;
� apprendre au patient � faire face � l�anxi�t�, � apprivoiser les �motions suscit�es par les obsessions et � d�velopper son sentiment d�efficacit� personnelle face � celles-ci. Cette technique consiste donc � confronter progressivement le patient aux stimuli anxiog�nes (id�e ou repr�sentation obs�dante) sans recourir � ses rituels qui sont con�us comme les strat�gies d��vitement de l�angoisse.

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