Voxpopuli : CERCLE NEDJMA
Une �thique �pour une �thique du d�bat politique en Alg�rie�


Nous ne savons rien, sinon tr�s peu de choses, sur le �Cercle Nedjma�, dont les animateurs se font, de temps � autre, visibles par des �crits sign�s du nom et grade universitaire de quatre personnes.
Dans une de leurs pr�c�dentes contributions intitul�e : �Pour une �thique du d�bat politique en Alg�rie� r�dig�e � Paris en mars 2012 et publi�e par le quotidien national El Watan, elles nous disent en guise de conclusion : �Arr�tons de tuer l�esp�rance et �loignons-nous de cette mentalit� d�assi�g�s, o� tout �crit, parole ou point de vue produits hors d�un cadre national strictement balis�, sont consid�r�s comme transgressifs.� Ces paroles, certainement bien r�fl�chies, se donnent l�allure d�un sermon qui tout en se nourrissant de principes moraux appauvrit la justesse des mots que l��thique exige. C�est dire que nous ne savons pas d�o� ces personnes nous parlent d�s l�instant o� nous sommes dans la difficult� d�identifier la matrice conceptuelle et id�ologique � laquelle se rattacherait leur v�h�mente interpellation. Pensez-vous qu�avec une telle assertion, nous puissions, raisonnablement, arriver un jour � faire na�tre r�ellement un d�bat, paisible et apais�, o� nous cesserons d��tre, enfin, consid�r�s comme les supp�ts du �pouvoir�, chaque fois que nous aurons � vous lire pour vous apporter la contradiction ? Pourquoi une telle posture suspicieuse, plus voisine de l�insulte que de la clairvoyance, vis-�-vis de vos coll�gues qui ne peuvent vous parler d�ailleurs que de chez eux ? Devons-nous, pour cela, nous montrer seulement admiratifs de vos analyses et convaincus de la noblesse de votre militantisme d�sint�ress� ? Rien ne nous emp�cherait de l��tre, vraiment, si vous arrivez � vous lib�rer de cette phobie de voir tapi, en chacun de nous, le �pouvoir� � l'aff�t, pr�t � bondir, sur votre posture, que vous dites �thique, pour la �pr�dater� et la mettre au ban des excommuni�s. Pourquoi avez-vous cette habitude, t�tue, de trouver la langue dont se servent vos coll�gues, pour vous r�pondre quelquefois, faite d�un bois qui, g�n�ralement, est utilis� pour faire des marionnettes ? Comment devons-nous alors vous lire et nous dire � notre tour pour vous rassurer que, d�aucune mani�re, le �pouvoir� ne trouve en nous des clercs chauvins, taillables et corv�ables � merci ? Et pourtant, c�est par monts et par vaux que vous avez certainement pris l�habitude de voir ce �pouvoir� organiser vos multiples d�placements dans les m�tropoles alg�riennes et dans le pays profond aussi, pour vous permettre de r�pandre votre savoir et vos connaissances. C�est sur le tapis rouge qu�il d�roule, souvent, sous vos pieds que vous franchissez le seuil de ses institutions pour participer aux rencontres scientifiques auxquelles vous �tes, tr�s aimablement, invit�s. C�est pour vous dire que vos discours, ici m�me entendus, peuvent avoir co�t� cher au pouvoir que vous semblez donner l�air, aujourd�hui, de vilipender. C�est parce que vous avez convoqu� l��thique que nous sommes, alors, en droit d�attendre de vous que vous lui am�nagiez une place claire et d�sencombr�e, nullement mitig�e ou �triqu�e. Qui accepterait alors de vous r�pondre et, partant, de vous lire, si vous devez, chaque fois, vous donner l�occasion de sermonner l�Autre et d�exercer sur lui votre belliqueuse subjectivit� ? Toujours dans la m�me contribution, vous rapportez : �Un jour, c�est un ministre qui d�nie � un universitaire, sous le fallacieux et populiste pr�texte �d�une vie coconn�e en France�, la libert� de proposer une analyse des fondements autoritaires et r�pressifs du pouvoir en Alg�rie. Un autre jour, c�est un juriste de renomm�e internationale que le pr�sident de la Commission nationale de protection des droits de l�Homme, nomm� par le gouvernement, veut disqualifier pour ses d�nonciations des violations des droits humains sous le pr�texte, d�ailleurs faux, qu�il serait de nationalit� fran�aise.� A ce niveau, il serait, pensons-nous, utile de rappeler les derni�res propositions du philosophe Adorno, dans son ouvrage R�signation o� il souligne fortement que celui qui pense n�est jamais en rage dans la critique. �La pens�e, disait-il, a sublim� la rage. Comme celui qui pense ne doit pas se l�infliger. Il ne veut pas non plus l�infliger aux autres. Le bonheur qui point dans l��il du penseur est le bonheur de l�humanit�. La tendance universelle � la r�pression va contre la pens�e en tant que telle. La pens�e est bonheur, m�me encore l� o� elle d�termine le malheur : en s�exprimant, c�est ainsi seulement que le bonheur p�n�tre jusque dans le malheur universel. Celui qui ne laisse pas prendre ce bonheur, celui-l� ne s�est pas abandonn� � la r�signation. � Il se trouve qu�au sein de ce �cercle�, dont nous saluons, du reste, la naissance, car la libert� de parole doit absolument voir ses sources jaillir, nombreuses, de partout et surtout de tous les endroits les plus inattendus, pour irriguer la pens�e, trop longtemps en jach�re chez nous, il est des animateurs qui ont eu � nier, publiquement, l�existence d�intellectuels en Alg�rie au point o� il devient l�gitime de nous poser alors la question de savoir avec qui mais �galement comment le �Cercle Nedjma� aura, donc, � faire �merger l��thique dans le d�bat politique en Alg�rie ? Cette question est fondamentale car elle engage �le Cercle Nedjma�, pour sa propre p�rennit�, � plus de retenue et de vigilance sur les mots qu�il emploie pour �viter de tailler, sur mesure, des pierres tombales aux rares r�actions qu�il re�oit, contradictoires, � ses prises de position. Le premier de ces mots est le �pouvoir� que ce �cercle� utilise, dans sa forme la plus g�latineuse, comme des �repr�sailles�, comme une accusation infamante pour mieux d�classer ceux qui ont eu tendance � le classer d�une mani�re qu�il a estim�e outrageante. Mais entre nous, ne pensez-vous pas que vous faites usage de j�r�miades �cul�es pour avoir trop servi de pr�texte d�s l�instant o� vous �tes toujours les bienvenus, ici, chez vous ? Ne voyez-vous pas que de mani�re insidieuse vous voulez nous inscrire et nous circonscrire dans une relation asym�trique dans laquelle vous cherchez � trouver votre confort mat�riel et intellectuel ? Chaque fois que vous �tes ici, chez vous, vous �tes l�objet d�une sinc�re hospitalit� car tout simplement naturelle. Parce que vous pensez �tre d�Ailleurs, vous �tes ici dans l�accueil �indomiciliable� de l�Autre qui est rest� le M�me. Parce que, vous croyez habiter l�Ailleurs vous �tes ici dans l�h�bergement de �l�inabritable� car tout un chacun peut refuser d��tre enferm�, par autrui, dans un lieu qui l�emp�cherait d��tre ensemble. Mais il reste cependant d�plorable de trouver, violemment soulign� dans vos propos, l�inconvenance d�un d�s�quilibre entre le chez Soi et l�Ext�rieur, o� vous semblez situer les intellectuels alg�riens dans deux tranch�es de combat, redoutablement oppos�es l�une � l�autre. Cette mani�re de dire, par la m�chancet� � peine ma�tris�e, l�extr�me passivit� dans laquelle pourrait se trouver, selon vous, l��thique aux contours d�une seule rive, hypoth�que sinon rend difficile la mise en �uvre de ce d�bat, pourtant n�cessaire, que vous appelez de vos v�ux mais dans un climat sinon guerrier du moins plein de tension et de malintention. Si, au contraire, nous voulons voir ce d�bat prendre forme et r�ussir, nous devons nous appliquer � traduire sans lamentation aucune et sans l�ombre de la moindre d�robade, l�envers et l�endroit de la responsabilit� �thique. Sans cette exigence de justice et de clart�, Michel Haar aurait raison de se demander : �Ne faut-il pas r�habiliter le M�me contre l�exc�s litt�ralement insupportable de l�Autre ?� En d�finitive, il semble qu�entre nous sont en train de se d�velopper deux discours qui ne parlent pas d�un m�me lieu herm�neutique. Deux discours qui semblent se d�rouler plut�t dos � dos que face � face. L��thique trouverait ainsi beaucoup de peine et de difficult�s � �tre pr�sente, � se reconna�tre quand s�absentent les visages o� chacun pourrait se voir en l�Autre comme dans un miroir. C�est dire que le d�bat a pour condition justement d��tre, en lui-m�me, un LIEU pour qu�il soit tenu �loign� des possibles malentendus. C�est dire qu�il est n�cessaire de d�signer ce LIEU pour esp�rer voir ce d�bat recherch�, s��tablir sur une �thique perdue ou jamais venue. Seul ce LIEU pourra r�unir ces deux lign�es d�intellectuels dont la coh�sion aura �t� boulevers�e par des reniements, �quitablement partag�s, qui, aujourd�hui, semblent, inutilement, en faire sinon des adversaires, du moins des concurrents. De A�n Ghrour, au pied des monts de Sfahli, je choisis, pour conclure, de paraphraser Levinas pour dire aux animateurs de ce �Cercle Nedjma�, auquel je souhaite bon vent, plus vous vous croyez justes et vous vous satisfaites de cette croyance et moins vous le serez.
Kennouche Tayeb, sociologue, Universit�-Alger2, kennouchet@yahoo.fr

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