Chronique du jour : KIOSQUE ARABE
Vestiges d'�gypte et haine d'autrui


Par Ahmed Halli
halliahmed@hotmail.com

Comment les �gyptiens ont-ils fait pour se retrouver devant un dilemme aussi cruel d'avoir � choisir entre une dictature annonc�e, celle des �Fr�res� musulmans, et une tyrannie ancienne, incarn�e par un baron du r�gime honni. � moins que le candidat de gauche, annonc� en troisi�me positon dans le classement de voix, ne vienne brouiller les cartes en se qualifiant in extremis pour le second tour. Ce qui obligerait les �gyptiens � faire clairement le choix de l'avenir, ou du pass�, mais le prochain duel devrait opposer le candidat du syst�me et le vieux complice du syst�me.
Dans les deux cas, il s'agit d'un retour en arri�re inexplicable et tragique, si on �limine l'acte d'envo�tement collectif en isoloirs, et la fraude �lectorale plus que probable. La manipulation des r�sultats n'�tant pas av�r�e, bien que soup�onn�e, on en est r�duit � penser que les �gyptiens ont opt� pour la marche � reculons. Et l�, il faut introduire cette nuance de taille : plus de la moiti� des �lecteurs ont boud� les urnes. Ce qui est une donn�e importante pour mieux appr�cier le niveau d'inconscience, ou l'intensit� de la crise de masochisme, de l'�lectorat. Que proposera-t-on aux �gyptiens les 16 et 17 juin prochain ? D'un c�t�, il y aura le candidat des �Fr�res� qui pr�dit un mandat pr�sidentiel idyllique, avec le paradis � la cl� pour les fid�les �lecteurs. Toutefois, Mohamed Morsi se garde bien de vouloir tordre le cou � la d�mocratie, une fois �lu. Il n'entend pas faire taire les voix discordantes et ne s'engage pas � changer les habitudes alimentaires et vestimentaires des �gyptiens. Ce baratin-l� marche ailleurs, chez les peuples aux �lites ralli�es ou trop timor�es pour se poser en alternative. Le candidat islamiste Mohamed Morsi glose m�me sur la d�mocratie, et sur les moyens de la renforcer, il faut bien rassurer les nouveaux alli�s am�ricains. Ce n'est pas un hasard, si le Washington Post, relay� par les m�dias �gyptiens, a salu� samedi l'arriv�e en t�te de Mohamed Morsi et s'est montr� rassurant sur l'avenir de la d�mocratie en �gypte. Mieux encore, Saadeddine Ibrahim, directeur de l'Institut Ibn-Khaldoun du Caire, qui s'inqui�tait il y a quelques semaines de l'�ventualit� d'un pouvoir islamiste, exulte. Sur la cha�ne satellitaire Sada-al-Bilad, lanc�e apr�s la chute de Moubarek, il revendique sa part du g�teau, sa parcelle de gloire dans la victoire islamiste in�luctable. Du temps de Moubarek, dit-il, les �Fr�res musulmans� m'ont demand� de leur servir d'interm�diaire avec le gouvernement am�ricain, mais Washington avait refus�. �Je suis l'architecte de cette nouvelle relation des �Fr�res musulmans� avec l'Occident. Je les ai pr�sent�s � tous les pays europ�ens, et aux Occidentaux en g�n�ral.� Face � Mohamed Morsi, nous avons l'ancien Premier ministre du r�gime, Ahmed Chafik, qui aurait les faveurs du Haut-Conseil militaire. Malgr� sa promesse de gascon de rompre avec les habitudes du temps de Moubarek, le candidat des �vestiges� (al-fouloul) a contre lui son pass�, et surtout la loi sur la mise � l'�cart (Azl). Cette loi, promulgu�e en avril dernier par le Haut-Conseil militaire, interdit aux anciens collaborateurs de Moubarek d'�tre �lecteurs, et surtout �ligibles, ce qui est le cas de M. Chafik. Or, par un tour de passepasse politico-juridique, la loi a �t� mise sous le boisseau par saisine du Conseil constitutionnel �gyptien, qui ne se prononcera qu'apr�s le second tour de la pr�sidentielle. Ce qui a permis ainsi � Ahmed Chafik de franchir l'�cueil de la validation des candidatures et de devenir pr�sident en cas de victoire �lectorale. Comme quoi, nous avons toujours � apprendre des �gyptiens, surtout en mati�re de coups tordus. Pour l'heure, il s'agit de savoir ce qu'il faudra faire si la loi sur la mise � l'�cart est d�clar�e constitutionnelle apr�s l'�lection du pr�sident. Une majorit� de juristes affirme que s'il �tait �lu, Ahmed Chafik devrait se d�mettre, mais d'autres soutiennent qu'il sera couvert par son immunit� pr�sidentielle. Quant aux jeunes de la place Al-Tahrir, qui ont fait la r�volution, ils ne sont plus d'actualit� mises � part les condamnations des derniers agitateurs et les chroniques de Ala Aswaniqui continue � y croire. Un autre �vestige� moins compromis, Hassane�n heykal avait pr�dit, au lendemain du 25 janvier 2011, qu'on ne retrouverait aucun des jeunes acteurs de la r�volution sur les listes des �lections. L'avenir lui a donn�, en effet, raison, tout comme il a confort� les appr�hensions de la communaut� copte qui a choisi Chafik comme valeur refuge. Cependant, la presse �gyptienne d'opposition est persuad�e que tous les courants politiques, y compris les plus hostiles � l'islamisme, vont se liguer contre le retour des �vestiges�. Ce qui confirmerait l'avanc�e irr�sistible de l'hiver islamiste dans les pays arabes, sauf en Alg�rie o� il est d�j� install� dans l'attente du d�gel. On en a eu la preuve, samedi dernier, lors de la rencontre-d�bat r�unissant Addi Lahouari et Abderrahmane Hadj-Nacer, et anim�e par notre confr�re Noureddine Azzouz. Le d�bat autour du th�me �R�flexions sur une nation en construction � a �t� d'excellente facture, concision et pr�cision du propos ayant jou� pleinement leur r�le. A l'encontre de l'id�e re�ue, et d'inspiration religieuse, selon laquelle l'homme est �fonci�rement bon�, Addi Lahouari s'est �vertu� � dire le contraire en expliquant que seul un �tat de droit pouvait dissuader, canaliser l'homme �fonci�rement mauvais�. Il a aussi mis en cause la haine de l'autre comme frein � l'�mergence d'un v�ritable �tat de droit, o� serait consacr�e la s�paration du religieux et du politique. Imm�diatement apr�s, un membre de l'assistance a donn� raison au sociologue en manquant ouvertement de respect aux dames non voil�es pr�sentes dans la salle. Le monsieur qui s'exprimait en arabe classique a utilis� le terme de �moutabaridja� pour celles qui ne portent pas le hidjab. Or, volontairement ou involontairement, l'intervenant a fait sien le terme en vigueur, et non d�nu� de m�pris, utilis� par les islamistes. Pour ces derniers, la femme non voil�e est une femme qui s'exhibe pour s�duire l'homme. Je suppose qu'avec un syst�me pileux plus abondant, et avec l'�volution en cours, notre homme traitera bient�t de p� l'assistance f�minine non voil�e.
A. H.

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