Actualit�s : AFFAIRE ALG�RIE T�L�COM-HUAWEI
Le jeu trouble de Natixis


La banque luxembourgeoise Natixis Private Banking aurait enfreint la loi et la r�glementation en mati�re de lutte contre le blanchiment d�argent en acceptant d�ouvrir des comptes � un haut fonctionnaire alg�rien et en g�rant seule deux soci�t�s offshore.
Tarek Hafid - Alger (Le Soir) - L�affaire des commissions vers�es par les entreprises chinoises ZTE et Huawei dans le cadre du contrat de fournitures du syst�me de t�l�phonie WLL n�a pas encore livr�e tous ses secrets. Au c�ur de ce scandale, se situe la filiale luxembourgeoise d�une banque fran�aise : Natixis Private Banking. C�est � travers cet �tablissement financier que les commissions � qui seraient en fait des r�tro-commissions � ont �t� effectu�es. L�affaire remonte � l�ann�e 2003. Mohamed Boukhari, alors conseiller du ministre des T�l�communications de l��poque, est approch� par des responsables de ZTE et Huawei, deux entreprises engag�es dans le projet WLL. Ils lui proposent d�ouvrir un compte bancaire en Europe devant accueillir des sommes d�argent. �Mohamed Boukhari �tait charg� de la communication au niveau du d�partement minist�riel. Il n�avait pas le pouvoir d�influer sur le processus d�attribution du march�. Au d�but, il avait refus� cat�goriquement cette proposition. Puis, il a fini par accepter partant du principe que l�argent en question ne provenait pas des caisses d�Alg�rie T�l�com ou de toute autre institution publique�, explique une source au fait de ce dossier. Le haut fonctionnaire opte pour le Luxembourg. Il est introduit par une de ses connaissances aupr�s de Natixis Private Banking. Son dossier est pris en charge par Dominique Fermine, qui deviendra son conseiller. Ce dernier fait donc le n�cessaire pour permettre � son client d�ouvrir un compte personnel. Une faute grave qui va � l�encontre de la loi luxembourgeoise du 12 novembre 2004 relative � la lutte contre le blanchiment d�argent et le financement du terrorisme. �Fermine n�aurait jamais d� accepter d�ouvrir ce compte car, de par son statut, Boukhari �tait consid�r� comme ��politiquement expos钒. De plus, il �tait �vident qu�il activait alors dans le m�me secteur que les deux entreprises chinoises. La responsabilit� de la banque est �galement engag�e puisqu�elle �tait dans l�obligation de respecter la proc�dure de conformit�, ou compliance�, note notre source. Mais Natixis et son employ� ne s�arr�teront pas l�. Apr�s avoir remport� le march� du WLL, les responsables de ZTE et de Huawei mettent en �uvre leur plan. Mais il y a un hic : pour des raisons de justification, l�argent ne peut �tre vers� sur un compte personnel. Boukhari est donc tenu d�ouvrir un compte professionnel. Il se tourne une nouvelle fois vers Fermine qui lui propose de r�gler son probl�me � travers une soci�t� offshore. En fait, le recours � des soci�t�s offshore est une pratique courante dans le monde de la finance puisque ce type d�entit� permet de b�n�ficier d�avantages fiscaux int�ressants. Il est �vident que les soci�t�s offshore sont elles aussi soumises au strict respect des lois relatives � la lutte contre le blanchiment d�argent.
Secret bancaire

C�est l� qu�intervient Chani Medjdoub, � la t�te d�ADC Conseil, une fiduciaire dont le si�ge est au Luxembourg, sp�cialis�e dans la gestion de patrimoines. �Fermine a fait appel au patron d�ADC Conseil afin qu�il mette � la disposition de Natixis deux soci�t�s offshore. A son tour, Chani Medjdoub prend attache avec un cabinet d�avocats londonien qui lui propose une liste de soci�t�s bas�es aux Iles Vierges britanniques. Il en s�lectionne deux : Doney Business Corp et Traco Business Limited. L�acquisition se fait au nom de Chani Medjdoub qui en devient l�unique administrateur, rien ne peut se faire sans lui�. Au regard de la loi, Chani est consid�r� comme le �general power of attorney�, le d�tendeur du pouvoir de d�cision. Il est important de pr�ciser qu�ADC Conseil a mis ces deux soci�t�s offshore � la seule disposition de Natixis Private Banking. Fermine et sa banque n�ont � aucun moment �voqu� avec Chani Medjdoub l�existence m�me de Mohamed Boukhari. Cela �tait impossible puisque l�identit� de ce dernier �tant prot�g�e par le sacro-saint secret bancaire. L�argent des commissions a commenc� � �tre vers� sur les comptes de Doney Business Corp et Traco Business Limited d�s 2004. Une somme estim�e � 10 millions de dollars. Mais voil�, pour en profiter, cet argent doit sortir des comptes. Th�oriquement, la r�alisation de ces op�rations est du ressort exclusif de Chani Medjdoub. Il n�en fut rien. Natixis Private Banking s�est arrog� le droit de signer des documents, en impliquant son client Mohamed Boukhari, afin de permettre des mouvements de capitaux vers d�autres soci�t�s. Une pratique totalement ill�gale qui va avoir de graves cons�quences pour Boukhari et Medjdoub. Cette affaire a finalement surgi en 2010, dans le sillage du scandale de l�autoroute Est-Ouest. Dans le cadre de proc�dure intent�e contre Chani Medjdoub, qui figure parmi les principaux inculp�s, la justice alg�rienne transmet une commission rogatoire au parquet g�n�ral du grand-duch� de Luxembourg afin de faire la lumi�re sur les activit�s du patron d�ADC Conseil. Le dossier Natixis-Boukhari est transmis par la justice luxembourgeoise. La banque d�cide de se d�marquer de son client Boukhari. Elle cesse toute relation avec lui et transf�re les avoirs restants aupr�s de la Caisse des d�p�ts et consignations du Luxembourg. La partie alg�rienne transmet une seconde commission rogatoire qui donnera lieu � l�interrogatoire de Dominique Fermine. Celui-ci reconna�t avoir ouvert un compte personnel � Mohamed Boukhari malgr� son statut puis avoir fait appel � Chani Medjdoub pour la mise � disposition des deux soci�t�s offshore. �En tant qu�employ� de banque, on avait des objectifs de nouveaux clients�, a-t-il affirm� � la police lors de son audition. Des objectifs que Natixis a atteints en bafouant les dispositions l�gales et les r�gles �thiques. Au cours des ann�es 2000, il semble que cette banque ait port� un int�r�t particulier pour la client�le alg�rienne. Plusieurs de ses cadres se sont d�plac�s jusqu�� Alger dans le but de proposer � des hommes d�affaires l�ouverture de comptes. Des missions auxquelles ont particip� Dominique Fermine et St�phane Hanot, directeur adjoint de Natixis Private Banking et charg� des op�rations de v�rification de conformit�.
Bon point

Fait �trange, la justice luxembourgeoise n�a pas daign� r�agir. Pourtant, ces agissements p�nalement r�pr�hensibles se sont d�roul�s sur le sol du grand-duch�. Mais il y a mieux. Apr�s l�ex�cution de la commission rogatoire, le parquet g�n�ral du Luxembourg a demand� � la cour d�Alger de lui adresser un �bon point� dans le seul but de faire face au Groupe d�Action Financi�re, le gendarme mondiale du contr�le de la finance. �Je vous prie de bien vouloir nous confirmer que la demande d�entraide judiciaire a �t� ex�cut�e de fa�on compl�te et conforme � vos attentes et ce, afin de faire face aux critiques du GAFI � l��gard du Luxembourg�, pr�cise le Premier avocat g�n�ral de cet Etat. Sur le plan judiciaire, la situation devrait changer ces prochaines semaines puisque Chani Medjdoub a d�cid� de d�poser plainte contre la banque Natixis. L�action vise �galement toutes les personnes ayant particip� � la gestion des comptes des deux compagnies offshore. A Alger, les choses se sont pr�cipit�es pour les deux mis en cause. Accus�s de blanchiment d�argent, le procureur de la R�publique du p�le judiciaire sp�cialis� du Centre a requis contre eux 20 ann�es de prison ferme. Le tribunal du p�le judiciaire sp�cialis� du Centre rendra demain son verdict. Quant aux trois dirigeants chinois de ZTE et de Huawei, le parquet a requis contre eux 10 ann�es de prison ferme par contumace. Envol�s dans la nature, il est peu probable qu�ils soient un jour inqui�t�s. Cette affaire, qui reste tr�s complexe, l�ve cependant le voile sur les pratiques de certaines entreprises �trang�res. Aujourd�hui, il serait judicieux de savoir � quoi devait servir l�argent des commissions. Quel a �t� le pr�judice r�el subi par l�Etat alg�rien ? La justice a-telle engag� une proc�dure pour r�cup�rer les avoirs d�pos�s aupr�s de la Caisse des d�p�ts et de consignations du grand-duch� de Luxembourg ? Des questions qui restent encore sans r�ponses.
T. H.



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