Culture : PREMIERS PAS DE MAHMOUD OURABAH
La belle �pop�e des jeunes cadres du plan


De notre bureau � Paris Khadidja Baba-Ahmed
Ce ne sont pas ses premiers pas � lui seul, dans cette grande aventure de la planification post-ind�pendance, mais ceux de tous ces jeunes cadres, souvent sans exp�rience mais arm�s d�un enthousiasme et d�une utopie sans pareille que raconte Mahmoud Ourabah dans Premiers pas, souvenirs d�un projet de d�veloppement de l�Alg�rie 1963- 1980, paru aux �ditions l�Harmattan. Histoire d�une �quipe que l�on chercherait vainement � trouver aujourd�hui, galvanis�e par un enjeu de taille, l��laboration d�un certain nombre d�objectifs strat�giques � m�me de mettre le pays sur les rails de la modernit� et leur traduction en plans de d�veloppement.


C�est toute cette aventure que raconte l�auteur, un pionnier de cette �quipe constitu�e de jeunes venus d�horizons divers qui se sont vu prendre � bras-le-corps la politique �conomique du pays, sorti tout juste de guerre, d�pourvu du minimum mais arm� de l�essentiel, �la conviction qu�il fallait suivre, au travers de la strat�gie globale du d�veloppement de f�vrier 1966� qu�ils mettaient en place, une �politique qui ambitionnait une �l�vation culturelle et mat�rielle g�n�ralis�e des Alg�riens et dont l�emploi et l��ducation-formation professionnelle pour le maximum de citoyens constituaient l�axe central�. Et lorsque les lecteurs, notamment les jeunes, qui n�ont pas connu cette p�riode, se livreront � la lecture de ces pr�cieux souvenirs de ce pionnier de la planification, ils d�couvriront ou se rem�moreront, pour les plus �g�s, que l�ambition de cette �quipe �tait d�autant plus noble, d�autant plus folle qu�elle concernait une population alg�rienne laiss�e par la colonisation � 90% analphab�te. C�est alors le cheminement de tout ce qui allait constituer la concr�tisation de cette politique, � savoir la mise sur pied des plans de d�veloppement triennal 1er et 2e plan quadriennal et le quinquennal, mis en perspective dans la strat�gie globale du d�veloppement � l�horizon 1980 que Mahmoud Ourabah va raconter, livrant au fil des pages des souvenirs de cette �quipe qui se cherchait, qui tentait d�expliquer aux politiques ses productions et ce qui animait ses projections. Le rapport entre fonctionnaires � planificateurs du plan � et politiques, on s�en doute, n��tait pas toujours serein, sans emb�ches. Il a failli y avoir des renoncements. Le 19 juin, par exemple, �branla l��quipe et faillit amener certains � la d�mission : �Nous �tions donc bien perplexes au lendemain du 19 juin pour savoir si nous allions continuer � chercher � planifier le d�veloppement (�) Il paraissait normal de quitter cette administration, au motif de la non-l�galit� du r�gime r�ajust� par ce coup d�Etat. D�autant qu�avec la constitution du nouveau gouvernement, le Plan semblait avoir �t� oubli�.� Il n�y aura pas de d�mission, mais beaucoup de chamboulements dans le rattachement de l�institution de planification qui aura, tout au long de son existence, � conna�tre rattachements et d�tachements. Il y aura aussi, et l�auteur le raconte avec tout ce que permet ce long recul, les retournements de situation de certains qui s�opposaient � cette d�marche de planification parce que pour eux �sans doute synonyme � leurs yeux de socialisme� et d�autres tout aussi m�fiants pensaient, � l�image de ce tr�s haut responsable, que ces pr�visions � long terme ne pouvaient concerner que les pays riches, la Su�de par exemple. La mission du Plan �tant intersectorielle, des r�cits nombreux jalonnent l�ouvrage des rapports qu�entretenait le Plan avec les autres acteurs. �(�) Le dialogue avec les coll�gues des minist�res, des entreprises et autres administrations �tait d�un apport consid�rable. Cette poign�e de cadres alg�riens des ann�es 1960- 70, le plus souvent form�s sur le tas, s�est beaucoup donn�e pour assurer la continuit� de l�administration du pays et de son �conomie. Ce fort engagement de nombreux cadres alg�riens sup�rieurs ou moyens a permis sans doute � l�Etat alg�rien de (re)na�tre avec des structures modernes ; et sans doute aussi de permettre � ce jeune et fragile Etat de survivre les d�cennies suivantes malgr� les graves troubles politiques et s�curitaires qui allaient suivre.� Sur ce dernier point, l�on peut avoir une autre appr�ciation notamment sur la qualit� et le degr� de cette survie, mais l�on ne peut imputer la d�liquescence de cet Etat au travail de planification effectu� alors et qui a eu le m�rite d�entra�ner toute une g�n�ration de jeunes cadres dans l�aventure du d�veloppement. De l��chec, tout � fait lucide et objectif, l�auteur explique : �Cet horizon � 15 ans (1980) nous paraissait comme un laps de temps suffisant pour accomplir l�irr�versible (quelle na�vet� !) sur la route de la prosp�rit�. Le progr�s et la modernit� ne pouvaient que triompher. Jamais, pensions-nous, l�obscurantisme n�avait de chance de l�emporter malgr� des signaux contraires, ou indices que nous ne percevions pas, ou seulement consid�r�s � l��poque comme de simples p�rip�ties.� L�auteur s�interroge sur les raisons profondes qui ont fait l��chec de la politique de d�veloppement, celle consistant en la volont� d�une �dification progressive d�une ��conomie productive bas�e sur une agriculture capable de mieux nourrir les hommes et une industrie susceptible dans la dur�e d�offrir des emplois qualifi�s �, le tout devant �tre soutenu au plan politique par �une juste r�partition des revenus�. Rien de cela : �Des vents contraires �taient l� : �Corruption des march�s publics, recours syst�matique � l�importation et � l�appel excessif � l�expertise �trang�re et aux cl�s en mains.� Et de citer l��conomiste Maurice By� : �On aurait pu r�ussir si on avait su semer le p�trole.� Beaucoup d�anecdotes, de rencontres, de situations bien cocasses v�cues par l�auteur ou dont il a �t� le t�moin sont racont�es par Mahmoud Ourabah dans cet ouvrage qui, comme il le dit lui-m�me et comme il est loisible de le v�rifier, ne contient aucune animosit�, aucun d�nigrement de personnages ou de responsables de haut niveau avec lesquels il a eu, lui et l��quipe du Plan, � travailler. Pas de nostalgie pu�rile non plus, mais juste le d�sir de l�auteur de faire partager ou rappeler � ceux qui sont de sa g�n�ration, que beaucoup avaient cru en ce pays et beaucoup se sont sacrifi�s pour son d�veloppement et l��panouissement de ses enfants. Mais tout � leur engagement et � leur impatience � r�ussir l��pop�e, ils n�avaient pas vu les loups qui guettaient.
K. B.-A.
Premiers pas, souvenirs autour d�un projet de d�veloppement de l�Alg�rie 1963-1980, �ditions l�Harmattan, mars 2011.

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