Chronique du jour : ICI MIEUX QUE LA-BAS
Mieux vaut Qatar que jamais ?....


Par Arezki Metref
arezkimetref@free.fr

C'est l'histoire d'un trou perdu dans le d�sert o� les gens vivaient d'un peu de p�che et de beaucoup de fatalisme. Un jour, on y d�couvre du p�trole et surtout du gaz, beaucoup de gaz. Le Qatar, c'est 1,7 million d'habitants pour les troisi�mes r�serves du monde en gaz naturel apr�s l'Iran et la Russie. L��mirat se pr�lasse sur une bonbonne de gaz de 6 000 kilom�tres carr�s, le North Dome Field. C'est dire le fric � une rente de 520 milliards d�euros � que g�n�re cette richesse du sous-sol au petit �mirat coll� � la roue de l'Arabie saoudite.
Si en plus, il est le premier exportateur mondial de gaz naturel liqu�fi�, on peut comprendre que la famille r�gnante, les Al-Thani, ait les yeux plus gros que le ventre. En 2011, le FMI classait ce royaume de Lilliput comme pays le plus riche du monde. Rien que �a ! Domin� pendant des milliers d�ann�es par les Perses, le Qatar subira la botte tour � tour de Bahre�n, des Ottomans et enfin, des Britanniques. �tat ind�pendant en septembre 1971, il refuse de devenir membre des Emirats arabes unis, pas plus que de l�Arabie saoudite. Sous la houlette de l'�mir Khalifa ben Hamad Al Thani, il entend garder sa marge de man�uvre tout en cultivant des rapports polis avec la puissante Arabie saoudite frontali�re avec qui il partage le wahhabisme, soutenu et financ� partout � travers le monde. Le fric monte vite � la t�te des �mirs du Qatar. L'argent, la puissance, �a d�r�gle, c�est connu. En 1995, tandis que son p�re Khalifa ben Hamad Al Thani, �mir du Qatar, s�journe en vacances en Suisse, Hamad ben Khalifa Al Thani, le fils, ministre de la D�fense et des Forces arm�es, ne trouve rien de mieux � faire qu'� s'installer sur le tr�ne. �a s'appelle un coup d'Etat ! Eduqu� � l'Acad�mie militaire de Sandhurst au Royaume-Uni, le nouveau cheikh putschiste entend moderniser le royaume miniature en entreprenant des r�formes dont un certain int�r�t, tactique, pour la libert� d�opinion. Dans le fond, le pouvoir reste exclusivement dans les mains de l��mir qui ne tol�re pas chez lui les partis politiques et l�opposition qu�il va fallacieusement encourager et financer chez les autres. L'objectif est, aux yeux de l�Occident, de supplanter l'Arabie saoudite � laquelle �tait identifi�e cette partie du monde. La volont� de ce leadership est � l'origine du lancement le 1er novembre 1996 de la cha�ne Al Jazeera, surnomm�e la �CNN arabe�. Selon Thierry Meyssan, le journaliste fran�ais �dissident�, Jean Frydman, un homme de communication francoisra�lien, associ� � son fr�re David, auraient �t� les concepteurs d�Al Jazeera. Il faut prendre � l�Occident sa ma�trise de la communication. �a tombait bien, justement. A l��poque, une soixantaine de journalistes de la BBC Arabic Television se retrouvent au ch�mage � Londres. Hamad embarque tout ce beau monde � Doha. Tant�t �voix des islamistes�, tant�t tant�t pro-am�ricaine, quand les deux positions n�en font pas qu�une, Al Jazeera, qui �met depuis Doha, ne tarde pas � bousculer le ronron qui tient lieu d'information arabe sur le monde arabe. De passage � Doha en octobre 2001, Hosni Moubarak, le pr�sident �gyptien, visite les modestes locaux de la cha�ne et s'�crie : �C'est donc de cette bo�te d'allumettes dont provient tout ce vacarme !� Avec cette cha�ne, l'app�tit d'influence et de puissance du petit �mirat s'aiguise. Le Qatar devient en quelque sorte le c�ur battant m�diatique d'un monde arabe frapp� de catalepsie. Ajout�e au flot d'argent charri� par les gazoducs, cette puissance tourne � l'ivresse. Le petit Qatar, boost� par l'argent du gaz, va se mettre � investir � tout-va, un peu � la mani�re d'un enfant qui h�rite d'une fortune dont il ne sait trop que faire. Et � la mani�re de cet enfant, il va se retrouver dans des �coups� o� il n'aurait aucune raison d'�tre. C'est ainsi qu'en 2011, l'�mir du Qatar met � la disposition des troupes qui agressent la Libye de Kadhafi, des Mirages achet�s � la France, premier fournisseur du Qatar en mati�re d'armement. Il engage 5 000 mercenaires et compose les Forces sp�ciales qu�il envoie, en violation de la r�solution de l�ONU, combattre sur le sol libyen. Apr�s quoi, il transf�re ces troupes en Syrie. Dot� d'un puissant fonds d'investissement souverain, le Qatar rach�te � tour de bras, en tout lieu. Si le rachat du club de foot PSG par Qatar Sport Investments est connu, d'autres OPA sont plus discr�tes mais non moins r�elles. Le Qatar a rachet� le palace parisien Royal Monceau. Il est pr�sent au capital de V�olia (5%), Vinci (5,8%), Lagard�re (13%), Total (3%�)... Il vient �galement de racheter Paris Handball, et l'acquisition par un priv� qatari, Ghamin Bin Saad Al Saad, du prestigieux Carlton de Cannes ne constitue que l'un d'une cinquantaine de projets immobiliers d'une valeur de 40 milliards de dollars que le Qatar m�ne dans une trentaine de pays. Autre lubie, le rachat avec le groupe immobilier britannique Delancey, pour une valeur de 634 millions d'euros, du village olympique de Londres qui jouxte le stade o� auront lieu les JO de l'�t� prochain. Ces derniers jours, l'ambassadeur du Qatar � Paris a r�uni des �lus fran�ais originaires des banlieues pour leur annoncer la cr�ation d'un fonds d'investissement de 50 millions d'euros pour financer �des projets �conomiques port�s par des habitants des banlieues de France�. Il n'�chappe � personne que l'op�ration vise � favoriser des coreligionnaires. Mais s'il n'a pas d'odeur, l'argent n'a pas davantage de religion. La France est pour le moins un pays ami pour la famille r�gnante du Qatar. Si Nicolas Sarkozy �l�ve en 2010 le prince h�ritier du Qatar, fils de l��mir, � la dignit� de Grand officier de la L�gion d�honneur, ce n�est pas la premi�re marque d�int�r�t pour la monarchie autocratique de la p�ninsule arabique. L��mir du Qatar est per�u comme �francophile et francophone�. En juin 2007, il est le premier chef d�Etat arabe re�u � l�Elys�e par Nicolas Sarkozy nouvellement �lu. En 2008, Sarkozy fera par deux fois le voyage de Doha. On raconte que, g�n�reux, l��mir pr�te volontiers un avion priv� � Carla Bruni. Les accointances avec l�Occident font miroiter au Qatar le mirage de jouer dans la cour des grands. Cette posture va valoir � l��mir une d�convenue diplomatique. En visite officielle en Mauritanie au mois de janvier 2012, l��mir du Qatar se fait �conduire par le pr�sident Abdel Aziz, ayant menac� d�utiliser la cha�ne Al Jazeera pour �faire �clater une r�volution en Mauritanie, comme en Tunisie et en Egypte�. Il se m�le naturellement de ce qui se passe en Syrie. Mesure de r�torsion prise � l�encontre de la Syrie conjointement avec les Etats Unis : la fermeture le 30 mai dernier du syst�me financier qatari et US � la Syria International Islamic Bank (SIB). Cette mesure est destin�e � exercer une pression �conomique sur la Syrie d�Al Assad. Mais l'actualit� scabreuse du Qatar, ce sont surtout les r�v�lations de l'hebdomadaire satirique fran�ais Le Canard encha�n� sur le financement du terrorisme dans le Sahel. Ce n'est pas parce que le Qatar, � travers le Qatar Steel International, a investi dans la sid�rurgie alg�rienne qu'il se garde de d�stabiliser le pays. D�j�, le 23 d�cembre 2007, Doha commettait un acte hostile � l'encontre de l�Alg�rie par la voix d�Al Jazeera en posant sur son site Web la question : �Soutenez-vous les attentats d�Al-Qa�da en Alg�rie ?� Les Alg�riens �taient encore traumatis�s par les attentats du 11 d�cembre 2007. Selon l�hebdomadaire fran�ais citant des analystes de la Direction du renseignement militaire (DRM), le Qatar est �un nouveau sanctuaire du terrorisme�. Le Qatar ne s�est pas, selon ces sources, content� d�aider financi�rement et parfois en livrant des armes, les r�volutionnaires de Tunisie, Egypte, Libye. Il finance les mouvements islamistes Aqmi, An�ar Dine, Mujao, et le MNLA. Il a fait venir au Nord Mali des Nig�rians de la secte Boko Haram et des instructeurs pakistanais sp�cialistes de la gu�rilla. Il entretient un climat de guerre aux fronti�res du Niger, du Burkina Faso et de l�Alg�rie. L�une des explications se fonde sur la certitude que le p�trole du Sahel int�resse le minuscule Qatar. �Des n�gociations discr�tes ont d�j� d�but� avec Total�, croit savoir Le Canard encha�n�. La d�mesure des app�tits qataris rappelle �trangement la Libye d�une certaine �poque o�, avec la b�n�diction sonnante et tr�buchante de l�Occident, l�autocrate de Tripoli se croyait invincible et finan�ait tout ce qui bougeait. On conna�t la suite. Comme le disait le g�n�ral de Gaulle pour la France, l�Occident �n�a pas d�amis, il n�a que des int�r�ts�. Kadhafi l�a appris au prix de sa propre vie.
A. M.

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