Chronique du jour : LETTRE DE PROVINCE
1962 - 2012 : un incertain demi-si�cle


Par Boubakeur Hamidechi
hamidechiboubakeur@yahoo.fr

L�on n�a pas forc�ment besoin d��tre grand devin pour annoncer, 15 jours � l�avance, que la c�l�bration ne sera pas � la hauteur de l�histoire de ce pays. Quand bien m�me ils s�efforceront d�occulter, pour la circonstance, les d�bats sur cet �Etat avort� et qu�ils voudront, par charit� pour eux-m�mes d�ailleurs, ne pas s�appesantir sur les turpitudes qui ont remarquablement �maill� sa marche cahoteuse depuis 1962, seront-ils encore capables de ressusciter l�adh�sion populaire de la naissance ?
Car dans l�intervalle de ce long cheminement, le nombre des �5 Juillet� escamot�s de la m�moire collective se compte par dizaines. C�est pour cette raison sans doute que les institutions en charge de la c�r�monie se font tr�s discr�tes sur la magnificence qui doit accompagner ce rendez-vous symbolique. La ministre de la Culture, habituellement tr�s prolixe dans la d�magogie, n�a-telle pas justement parl� de �modestes programmes� il y a quelques semaines, ce qui, �tonnement, ne ressemble gu�re � l�inclination dispendieuse dans le faste lorsqu�il s�agissait d�organiser les grandes messes du r�gime. Sauf qu�en ce qui concerne la grande halte apr�s un demi-si�cle d�existence, le pouvoir a trop de choses � se reprocher pour en �tre le chantre aupr�s de l�Alg�rie d�sabus�e. Pourtant, une nation qui boucle une aussi longue vie est toujours l�objet de glorification sans que l�on soit, en tant que dirigeant du moment, tenu � s�approprier tous les m�rites de cette long�vit�. D�ailleurs, les usages des Etats n�ont-ils pas, depuis longtemps, attribu� � certaines c�l�brations plus de sens que de coutume ? A partir de cette symbolique � forte connotation patriotique, c�est la soci�t� tout enti�re qui est invit�e au ressourcement pour peu que l�immersion de son histoire ne soit pas confisqu�e par la d�testable hagiographie. Cela n�est-il pas d�j� le cas de certains c�nacles indig�nes au moment o� les seuls d�bats s�rieux et ouverts ont lieu sur l�autre rive. Et puisque l�histoire de la colonisation s��crit � deux, la France est �videmment dans le bon droit de revisiter une certaine �poque, voire m�me �valuer notre �mancipation � travers ses lorgnettes. C�est dire qu�en ce qui nous concerne, �tions-nous en devoir de faire � cette occasion un examen clinique de notre souverainet� et �tablir l��tat de la soci�t� o� la 3e g�n�ration de l�ind�pendance est non seulement majoritaire en nombre mais arrive � maturit� pour traverser le gu� de l��pop�e et de la l�gende. C�est � elle justement qu�une bonne c�l�bration devrait s�adresser afin qu�elle r�inscrive la nation dans un futur serein o� ni les reniements du pass� n�ont de place ni surtout l�esprit de caste, � l�origine d�un demi-si�cle de fausses l�gitimit�s, ne doit survivre. Car il n�y a pas une once de chauvinisme � s�en aller � la rencontre de son pays dans ce qu�il a de plus �motionnel mais � la seule condition de s��carter de l�exaltation officielle et de la partition musicale qu�il s��crit � sa propre gloire. Le 5 Juillet 1962, dont l��vocation a balis� la m�moire d�une g�n�ration aujourd�hui septuag�naire, ne doit-il pas, en cet an de gr�ce de 2012, �tre f�t� dans une autre disposition d�esprit et avec la perspective d�un passage de t�moin qui rompent avec les faux symposiums destin�s � l�autoencensement ? Mais peut-on esp�rer qu�une telle reconversion se produise � cette occasion et que le syst�me, par lui-m�me, accepte de s�auto-dissoudre afin de ne pas insulter l�avenir qui ne lui appartient plus ? C�l�bration majeure en attendant le lointain centenaire, ne doit-elle pas �tre celle qui cl�t une �re politique et ouvre un autre horizon ? Or, pour que cela soit possible, il n y aura qu�une seule voie que la nation doit emprunter. Celle qui la soumet aux bilans historiques sans concession, voire aux remises en cause et en question des archa�ques th�ses qui l�ont plomb�e. A cinquante ans d��ge, l�Alg�rie, bien que d�sormais mill�sim�e, ne s�est pourtant pas bonifi�e vis-�-vis de son peuple. Us�e par la contrefa�on de ses dirigeants, elle v�rifie � ses d�pens l�implacable sentence qui �nonce que �l�histoire ne repasse jamais les plats�. Faute donc de grandeur de r�f�rences, il ne lui reste, par cons�quent, qu�� tourner rapidement cette page. En effet, comment peut-on s�offrir des r�jouissances au nom d�un demi-si�cle de d�cadence ? Telle est la question !
B. H.

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