Corruptions : D�COLONISATION DE L�AFRIQUE ET CORRUPTION
Briser des mythes et relever des d�fis


Cinquante ans apr�s le d�but de la d�colonisation, en Alg�rie, comme dans nombre de pays africains riches en p�trole et autres produits miniers, si les ressources viennent � manquer ou qu�elles ne sont pas judicieusement redistribu�es, l�instabilit� menace.
Les Etats se transforment alors en Etats purement pr�dateurs, utilisant la force uniquement pour se maintenir au pouvoir et en extraire tous les b�n�fices possibles. Les crises �conomiques, qui se sont succ�d� ces derni�res d�cennies, et les rem�des �conomiques qui leur ont �t� apport�s ont eu pour r�sultat de tarir les ressources de l�Etat qui s�est trouv� ainsi en panne s�che. La crise �conomique s�est alors transform�e en crise politique.
On voit ainsi comment la corruption en Afrique ne correspond pas � des finalit�s uniquement �conomiques d�enrichissement individuel, mais qu�elle a aussi des fonctions politiques et sociales qu�on ne peut ignorer. Elle se greffe sur le sous-d�veloppement, tout en vidant de leur contenu les politiques dites de d�veloppement. On ne voit pas comment un quelconque d�veloppement peut voir le jour dans de telles conditions, non pas que le d�veloppement suppose n�cessairement la disparition de la corruption � les exp�riences asiatiques et occidentales nous montrent le contraire � mais que ce type particulier de corruption, � la fois syst�mique et patrimonial, ne peut qu��touffer tout d�veloppement. En raison de la nature patrimoniale de l�Etat, l�analyse de la corruption ne peut en Afrique se r�duire � une simple analyse de type �conomique. La finalit� de la corruption n�est pas seulement l�enrichissement et la survie �conomiques, elle est aussi profond�ment politique : c�est la survie politique des dirigeants qui est ici en jeu. Il faut insister sur le fait que dans un contexte structurel de raret�, le contr�le du pouvoir politique reste la cl� de l�acc�s aux ressources �conomiques. Les enjeux de la comp�tition politique ne se r�duisent donc pas seulement au simple contr�le de positions de pouvoir pour le pouvoir, ils sont difficilement dissociables d�enjeux �conomiques plus imm�diats, d�o� la difficult� majeure pour institutionnaliser, pacifier la comp�tition politique et donc d�mocratiser la vie politique. Les enjeux �conomiques et politiques sont en fait indissociables, car il faut des ressources �conomiques pour obtenir des ressources politiques et inversement. La corruption politique ne prend pas seulement la forme de la corruption �lectorale au sens d�achat des voix, elle s��tend aussi � l�achat et � la cooptation des opposants, ce qui fausse la comp�tition. Elle s��tend de m�me � l�ensemble du financement politique. Les �lections l�gislatives du 10 mai dernier en Alg�rie illustrent on ne peut mieux ce ph�nom�ne. Le recours intensif � la corruption, combin� avec l�utilisation privative des moyens de coercition et d�administration de l�Etat, a permis effectivement la survie politique d�un grand nombre de dictateurs africains. La corruption politique, en corrompant le syst�me politique lui-m�me, emp�che aux m�canismes d�mocratiques de jouer le r�le qu�on est en droit d�attendre d�eux dans la lutte contre la corruption, dans la mesure o� les m�canismes de responsabilit� jouent difficilement dans un tel contexte.
Le mythe de la culture

L�un des arguments avanc�s pour justifier la corruption est le �relativisme culturel �. La corruption est souvent pr�sent�e dans les pays d�velopp�s comme un fait culturel de beaucoup de pays en d�veloppement. Le fait que les gens tol�rent dans tel ou tel pays la demande d�une petite r�mun�ration en �change de la fourniture de services administratifs (d�livrance de permis, de licences, etc.) ne signifie pas n�cessairement qu�ils l�approuvent. Il se peut simplement qu�ils �la consid�rent comme le moyen le plus efficace pour obtenir ce qu�ils veulent ou ce dont ils ont besoin... (ce) sentiment pouvant �tre progressivement �branl� par la hausse des prix... ou an�anti plus brutalement lorsque les consommateurs en viennent � penser que la p�nurie justifiant cette pratique est d�origine artificielle ou que d�autres solutions sont possibles �. Que, dans le pass�, le colonialisme ait contribu� ou non au d�veloppement de la corruption, il semble n�anmoins y avoir un lien tr�s fort dans ce domaine entre un certain nombre d�ex-colonies et leurs anciens �ma�tres� coloniaux d�Europe. On peut citer � titre d�exemple ce que l�on appelle la �Fran�afrique �, expression dont l�inventeur fut F�lix Houphou�t-Boigny, pr�sident de la C�te d�Ivoire pendant 43 ans. Fran�ois- Xavier Verschave a �crit dans Noir Silence que F�lix Houphou�t-Boigny donna de la �Fran�afrique� une expression achev�e : �Lui et les r�seaux fran�ais, (�), ont engrang� �norm�ment de �fric� (�), il �tait devenu, probablement, l�homme le plus riche d�Afrique noire. A sa mort, son pays croulait sous les dettes.� Ce ne fut pas le seul grand b�n�ficiaire de la �Fran�afrique�. Toujours, selon le m�me auteur, Omar Bongo, pr�sident du Gabon pendant plus de 40 ans et �remplac� par son fils, a �t� �peut-�tre l�auteur de la d�finition la plus explicite du client�lisme n�ocolonial : �L�Afrique sans la France, c�est une voiture sans chauffeur. La France sans l�Afrique, c�est une voiture sans carburant�.
Dans la continuit� des luttes pour la lib�ration
Une conclusion constituant une riposte aux tenants de l�explication culturelle � la corruption pourrait �tre celle-ci : �Les hommes publics sur lesquels la richesse est descendue tel un torrent imp�tueux et impr�visible ne sont pas les h�ritiers d�une tradition de comptes en banque confortables et de responsabilit� publique ; ce sont les nouveaux riches de l�administration publique... Ceux qui se sont trouv�s au bon endroit au bon moment.� (John Githongo, journaliste kenyan et militant anti-corruption). La lutte contre la corruption n�cessite des moyens juridiques nationaux et internationaux, mais elle est avant tout politique. La dynamique citoyenne contre la corruption en Afrique, d�intensit� in�gale d�un pays � un autre, doit prendre plus d�ampleur, s�inscrire dans la continuit� et d�velopper des pratiques unitaires, les plus larges possibles, vers d�autres secteurs de la soci�t� concern�s ou acquis � la lutte contre la corruption, en direction notamment des institutions de l�Etat et du secteur priv�. L�objectif incontournable et � ne pas perdre de vue est de mettre en place des coalitions, seul instrument en mesure d�enregistrer des succ�s contre la corruption. Pour ce faire, l�ensemble des partenaires de la coalition � dont le but � terme est de b�tir un syst�me national d�int�grit� � doivent se doter des moyens pour lutter efficacement contre la corruption, dont ceux qui leur permettront de s�informer et de se former, et surtout de diffuser ces connaissances sur la corruption et les moyens de lutter contre. Ce combat devrait permettre d�aider � poursuivre le rapprochement entre l�ensemble des militants africains qui luttent notamment contre la corruption et � encourager les contacts et les actions de solidarit�, jetant ainsi les bases d�un vaste mouvement de lutte contre la corruption en Afrique. Beaucoup l�ont pay� de leur vie, qu�ils aient �t� militants de la d�colonisation de l�Afrique, ou d�fenseurs de la d�mocratie apr�s l�ind�pendance, ou de courageux journalistes qui ont tout donn� pour la libert� de la presse. Rien de surprenant que le combat de ceux qui luttent contre la corruption aujourd�hui s�inscrive dans la continuit� des luttes pour la lib�ration, l��mancipation et le d�veloppement de l�Afrique.
Djilali Hadjadj

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