Actualit�s : L�ind�pendance de l�Alg�rie : le 3 ou le 5 juillet 1962 ?

Par Pr Abdelmadjid Merdaci
mad.benhacen@yahoo.fr

�Voulez-vous que l�Alg�rie devienne un Etat ind�pendant coop�rant avec la France dans les conditions d�finies par les d�clarations du 19 mars ?� Telle est la question que soumet Abderrahmane Far�s, lors d�une rencontre secr�te � l�Elys�e, au g�n�ral de Gaulle, au cours de laquelle il sugg�re aussi la fixation du r�f�rendum au 1er juillet(1) . Le chef de l�Etat fran�ais, qui adoube les deux propositions de Far�s, souligne : �L�essentiel est que le r�f�rendum puisse se d�rouler normalement.�(2)
De retour � Alger, le pr�sident informe ses coll�gues de l�Ex�cutif provisoire de sa d�marche et obtient l�accord du pr�sident Benkhedda sur la teneur de la question et la date de tenue du r�f�rendum. �Le soir m�me j�annon�ai � la t�l�vision que le r�f�rendum aurait lieu le 1er juillet et qu�une seule question serait pos�e � tous les Alg�riens.�(3) En place au Rocher-Noir depuis le 7 avril 1962, l�Ex�cutif provisoire(4) s�attache, en rapport avec le haut commissaire fran�ais, Christian Fouchet, � mettre en place et � g�rer les institutions d�une transition compliqu�e, marqu�e par la violence et dont l�organisation du r�f�rendum sur l�ind�pendance demeurait l�objectif central. Peu de choses ont �t�, � bien y regarder, �crites sur cette s�quence qui va de l�annonce des accords d�Evian � la proclamation des r�sultats du r�f�rendum du 1er juillet 1962 qui devait conditionner l��mergence formelle de l��tat nation alg�rien. La politique de la terre br�l�e de l�OAS, en application de la circulaire Salan de f�vrier � �leur rendre l�Alg�rie dans l��tat dans lequel nous l�avions trouv�e� disaient les porte-parole de l�OAS �, la mise en avant des d�parts massifs des Europ�ens d�Alg�rie, a largement brouill� la complexit� des missions d�un Ex�cutif provisoire, gouvernement improbable, dont la composition mixte � Alg�riens musulmans et Europ�ens � proc�dait plus du pass� qu�elle ne pr�figurait l�avenir.
1- La transition de tous les dangers
En relation quotidienne avec le Haut Commissariat de la France, le pr�fet de police de la capitale et avec les structures administratives � pr�fectures, sous-pr�fectures � reconduites et partiellement alg�rianis�es, soumis aussi plus ou moins formellement � l�aval du GPRA � le FLN y �tant repr�sent� par un groupe dirig� par le Dr Mostefa� �, l�Ex�cutif provisoire avait notamment en charge la lancinante question de la s�curit�. Alors qu�aux termes des Accords d�Evian les forces arm�es adverses devaient se maintenir dans leur cantonnement � les �l�ments de l�arm�e dite des fronti�res ne pouvant rejoindre le territoire national qu�au lendemain de l�ind�pendance �, la responsabilit� de l�ordre public relevait des �Forces locales� dont la composition comme la direction �taient controvers�es. �J�apprends avec stup�faction que l�unit� de la Force locale stationn�e aux environs d�El-Harrach est command�e par le �colonel� Cherif Sa�di, l�assassin du colonel Ali Mellah et de plus de mille djounoud de la Wilaya VI. Cet ancien sergent de l�arm�e d�occupation, colosse bouffi de graisse et affam� de pouvoir, m�a �chapp� une fois alors qu�il �tait au bout de mon fusilmitrailleur �(5), t�moigne le commandant Azzedine, commandant de la Zone autonome d�Alger. Les institutions de la transition pouvaient-elles aussi � les hommes, les ambitions � �tre � l�abri des projections politiques et des calculs de l�apr�s-ind�pendance d�autant qu�� quelques semaines de la date du r�f�rendum, il �tait difficile tant pour les acteurs que pour les observateurs de dire quel sc�nario pouvait pr�valoir au lendemain du 1er juillet ? Pr�venir les provocations demeurait, dans ce contexte, l�un des soucis prioritaires du GPRA, et Benyoucef Benkhedda l�exprime sans ambigu�t� � Abderrahmane Far�s lors de leur rencontre du d�but juin � Tunis : �Pour tous nos militants civils et militaires, la consigne doit �tre le calme absolu�(6), qui rappelle aussi les responsabilit�s de l�arm�e fran�aise face aux exactions de l�OAS. Dans la capitale en particulier, cible privil�gi�e avec Oran, de l�OAS, terrain aussi de la lutte contre l�organisation ultra des militants du mouvement pour la coop�ration de Lucien Bitterlin � les fameux barbouzes � en butte avec les strat�gies obliques de la Force locale, les missions de protection des populations musulmanes et de leurs quartiers �taient particuli�rement ardues pour les responsables de la Zone autonome d�Alger. C�est entre tous ces feux contraires � auxquels la crise de plus en plus ouverte et spectaculaire au sein de la direction du Front allait rajouter le poids des incertitudes et des d�chirements � que l�Ex�cutif provisoire devait travailler � assurer les balises de l�ind�pendance, � savoir la tenue dans des conditions acceptables de s�curit� du r�f�rendum d�cisif du 1er juillet. Tout en s�y attachant, l�Ex�cutif provisoire, au travers de commissions paritaires alg�ro-fran�aises, s�attelait � d�finir les cadres juridiques de la coop�ration projet�e entre les deux �tats par les Accords d�Evian � qui devaient �tre sign�s � Paris le 28 ao�t �, ne sachant pas trop par quelle crise ses efforts seront rattrap�s. L�initiative de Abderrahmane Far�s d�engager, � la mi-mai, des contacts directs avec Susini et l�OAS, soutenue du bout des l�vres par le GPRA, d�cri�e et convoqu�e dans la crise du FLN par l�EMG et ses alli�s, aboutira, apr�s moult contacts et suspicions � l�accord du 17 juin(7) qui, quelle que soit la lecture que l�on en fasse, contribuera peu ou prou � lever l�une des hypoth�ques sur l�organisation du r�f�rendum auquel, sans illusion, l�OAS appellera � voter en faveur du oui. L�OAS continuera son �uvre criminelle, notamment � Oran � qui, au passage donne une indication claire sur les dissensions entre les dirigeants d�Alger et la branche oranaise de l�organisation � alors que les d�parts massifs des Europ�ens frappent d�j� d�obsolescence certaines des hypoth�ses politiques de l�apr�s-ind�pendance li�es � la place et au r�le de la communaut� europ�enne dans les institutions et l��conomie du nouvel �tat. Comment alors ne pas relever qu�aux lourdes hypoth�ques politiques pesant sur la tenue du r�f�rendum pouvaient s�ajouter des soucis plus v�niels comme en t�moigne Abderrahmane Far�s : �Il a fallu des prouesses pour obtenir en temps voulu les enveloppes (introuvables en Alg�rie, elle furent achemin�es de Hollande) et bulletins de vote destin�s aux pr�fectures et sous-pr�fectures pour �tre distribu�s aux communes.�(8)
2- L�ind�pendance : Une irr�pressible maturation
C�est en juin 1926 que l�objection d�ind�pendance de l�Alg�rie est pour la premi�re fois assign�e comme objectif par une organisation politique, en l�occurrence l�Etoile nord-africaine, cr��e sous influence du PCF, mais c�est en f�vrier 1927 qu�il est publiquement d�clar� � Bruxelles devant le congr�s tenu par �La Ligue contre l�oppression coloniale.� Messali Hadj �nonce les objectifs de l�Etoile qui, note Andr� Nouschi, �frappait par la nouveaut� des th�mes, notamment celui de l�ind�pendance de l�Alg�rie que Messali �tait le premier � revendiquer �(9). Le discours de Bruxelles peut �tre tenu � tous �gards comme fondateur de la d�marche ind�pendantiste qui devait largement cliver les d�bats politiques sur le destin de l�Alg�rie, particuli�rement au sein des formations et des �lites indig�nes. L�ind�pendance s�inscrivait clairement en contrechamp des demandes des autres acteurs du mouvement national alg�rien � F�d�ration des �lus, communistes, association des Oul�mas � portant sur la promotion des droits civiques et politiques des indig�nes dans le cadre de la R�publique fran�aise. L�ind�pendance comme horizon du combat politique devait �tre spectaculairement rappel�e lors du meeting d�ao�t 1936 du stade municipal d�Alger par le m�me Messali qui, s�adressant aux Alg�riens et � ses contradicteurs, une poign�e de terre � la main d�clarait : �Cette terre n�est pas � vendre. Elle a ses propri�taires et ses h�ritiers.� Au lendemain de la dissolution de l�Etoile, la cr�ation en mars 1937 du Parti du peuple alg�rien (PPA) et de son enracinement en Alg�rie, la question de l�ind�pendance s�ancre de mani�re marqu�e dans la conscience collective et l�espace public. Les travaux de Omar Carlier, entre autres, rendent compte de mani�re fine et document�e sur l�acculturation ��toiliste � des acteurs pl�b�iens dans les villages et bourgs alg�riens(9), et l�adh�sion aux th�ses du PPA trouvera sa spectaculaire validation dans le cadre des AML, Association des amis du Manifeste et des libert�s, regroupant tous ceux qui adoubaient la d�marche du Manifeste initi� en mars 1943 par Ferhat Abbas et des �lus indig�nes et � laquelle le PPA clandestin avait donn� son aval. C�est � l�appel des AML que les Alg�riens sortiront manifester le 8 mai 1945, et tous les historiens s�accordent, � dater de l�insoutenable r�pression du Constantinois �qui s��tait poursuivie jusqu�� octobre 1945 � � reconna�tre la fracture d�cisive devant aboutir � l�insurrection de novembre 1954. La formation du MTLD, vitrine l�gale du PPA, comme celle, en f�vrier 1947, de l�Organisation sp�ciale (OS) indiquent, au-del� des querelles qui allaient marquer l�organisation, la r�alit� politique de la nationalisation de l�id�e de l�ind�pendance d�une part, et d�autre part son inscription dans les diverses strates de la soci�t� alg�rienne. L�histoire, qui aura � trancher la question de Messali et de ses rapports avec la guerre d�ind�pendance, doit d�ores et d�j� lui reconna�tre le m�rite d�avoir port� la revendication de l�ind�pendance des cercles parisiens et des milieux de l��migration dans le c�ur des campagnes et des viles alg�riennes, et les fondateurs du Front de lib�ration nationale, reprenant � leur compte l�objectif de l�ind�pendance et d�cidant du recours aux armes, rompront plus avec l�homme, ses m�thodes qu�avec l�esprit qui avait anim� ses combats. Il reviendra � Abane, alors le moins messaliste d�entre eux, de n�gocier le consensus historique autour de l�ind�pendance avec les autres acteurs du mouvement national, faisant du FLN un v�ritable front chevill� � l�objectif port� comme un r�ve sur les bords de la Seine un demi-si�cle plus t�t.
3- Une marche fran�aise vers l�ind�pendance alg�rienne
Le cours de la guerre d�ind�pendance aura t�t montr� que l�adh�sion des Alg�riens au FLN ne fut ni imm�diate, ni unanime, ni par la suite d�nu�e de calculs, alors que du c�t� fran�ais l�opposition � la guerre d�Indochine � encadr�e alors par un puissant parti communiste fran�ais � ne s�est que peu report�e sur un conflit alg�rien bien plus proche. C�est m�me le rassemblement des gauches qui imprimera un virage d�cisif � la guerre avec le vote des pouvoirs sp�ciaux en mars 1956. Le rappel du g�n�ral de Gaulle par les insurg�s alg�rois de mai 1958 se fera sous le signe de l�ambigu�t� et des �quivoques. L�homme du �Vive l�Alg�rie fran�aise � de Mostaganem se donne le temps de mesurer l��tat des lieux, et l�une de ses convictions demeurait que quels que fussent les choix de la France, ils ne pouvaient s�appuyer que sur une position forte sur le terrain. Ce fut les grandes op�rations du g�n�ral Challe � Jumelles, Pierres pr�cieuses, Couronnes � contre les maquis de l�ALN, les d�placements de populations, la cr�ation des camps de regroupements, dont l�objectif restait de couper le FLN et l�ALN des populations musulmanes et de tout soutien logistique et politique. Le tournant historique du 16 septembre 1959 et de la reconnaissance publique par le pr�sident fran�ais du �droit des alg�riens � l�autod�termination � ne proc�dait ainsi pas d�une forme de sympathie du g�n�ral de Gaulle envers la cause alg�rienne mais s�inscrivait dans une strat�gie de d�sengagement du �bourbier alg�rien� dict�e par des consid�rations g�opolitiques. La d�gradation continue de l�image de la France dans le concert international, la perte de ses soutiens traditionnels, son isolement aux Nations unies, le d�sir gaullien de reconqu�te d�une position d�influence dans le monde, tous ces facteurs p�seront sur la politique alg�rienne fran�aise dont les int�r�ts des Europ�ens d�Alg�rie � et les pressions concomitantes des ultras de l�Alg�rie fran�aise � constituent un inextricable volet. Entre tourn�es des popotes alg�riennes et d�placements provinciaux en m�tropole, le chef de l��tat fran�ais affine ses positions sur l�Alg�rie et lance des petites phrases sur �l�Alg�rie alg�rienne� puis sur �une r�publique alg�rienne qui n�existe pas mais qui existera� qui suscitent le rejet violent des Europ�ens d�Alg�rie dont les �pisodes de la semaine des barricades (janvier 1960) et le putsch des g�n�raux (avril 1961) pr�figuraient la s�quence de l�OAS. Le 8 janvier 1961 le g�n�ral de Gaulle voit sa politique alg�rienne pl�biscit�e en France (75% des suffrages) et largement soutenu en Alg�rie m�me (69% des voix). En d�pit de man�uvres dilatoires, c�est bien avec �les repr�sentants ext�rieurs de la r�bellion� que les autorit�s fran�aise entament de laborieuses n�gociations dont l�objectif � terme est bel et bien la reconnaissance formelle de l�ind�pendance alg�rienne, d�marche qui sera, au demeurant, tr�s largement soutenue � travers le r�f�rendum du 8 avril 1962.
4- L�ind�pendance � l�ombre de la crise
De quoi sera faite l�ind�pendance alg�rienne ? Cette question, tous les observateurs de la guerre d�ind�pendance se la posent. Elle �voque, pour certains d�entre eux, le spectre de la guerre civile. Les motifs d�inqui�tude les plus manifestes puisent d�abord dans les travaux du Conseil national de la r�volution alg�rienne, instance supr�me du FLN, (CNRA) r�uni � Tripoli depuis le 27 mai, marqu�s par un climat de violences verbales, de diatribes et de mises en cause qui mettent � mal l�unit� et la cr�dibilit� du GPRA. Le CNRA se s�pare dans la confusion dans la nuit du 5 juin, livrant le destin du FLN � la course au pouvoir dont l�alliance entre Ahmed Ben Bella et l�EMG constitue l�un des axes. Le constat reste que le cr�dit du CNRA, celui du GPRA, symboles aux yeux des Alg�riens et du monde du combat pour l�ind�pendance, �tait d�finitivement entam� alors que sur un autre registre des f�d�rations du FLN signalaient les agissements des �l�ments militaires relevant de l�autorit� de l�EMG remettant en cause les instances r�guli�res du Front. �On savait que Boumedi�ne, chef de l��tat-major, avait, par l�interm�diaire de Si Abdelkader, sollicit� l�appui de Boudiaf dans le conflit qui, depuis quelques mois, l�opposait au GPRA. Face aux r�ticences de Boudiaf, il se r�sout � convaincre Ben Bella dont le soutien fut aussi acquis�(10), rel�ve Ali Haroun, dirigeant de la F�d�ration de France du FLN.(10) La crise prend le pas sur le proche r�f�rendum et, de l�int�rieur, se met en place une initiative d�appel � �rester unis jusqu�� l��lection de l�Assembl�e nationale constituante pour la sauvegarde de l�unit� territoriale et des int�r�ts de la nation�(11). Cette r�union des 24 et 25 juin, dite Zemmorah, rassemblait les responsables des Wilayas II, III, IV, de la Zone autonome d�Alger et de la F�d�ration de France du FLN et appelait � la d�nonciation des membres de l��tat-major. Le 30 juin, un communiqu� du pr�sident du GPRA rendait publique la d�cision de destitution de l�EMG et de d�gradation du colonel Boumedi�ne et des commandants Mendjeli et Slimane. D�cision aussit�t d�nonc�e par Ben Bella et d�clar�e ill�gale par les �l�ments de l�EMG. C�est en Alg�rie m�me que la crise se transportera dans la violence qui aura, miraculeusement, �pargn� ce dimanche 1er juillet. �Alger s�est r�veill�e de bonne heure ou peut-�tre n�a pas dormi toute � son attente fi�vreuse. Les Alg�riens s�appr�tent � se rendre dans les bureaux de vote comme � une f�te religieuse, silencieux, graves et disciplin�s. Nous allons tous sceller notre serment du 1er Novembre�, �crit le commandant Azzeddine(12). Le �non� remporte seize mille cinq cent trente-quatre voix, le �oui� six millions. Le mardi 3 juillet, le Conseil des ministres fran�ais, r�uni sous la pr�sidence du g�n�ral de Gaulle, prend acte officiellement des r�sultats du r�f�rendum et rend publique sa reconnaissance officielle de l��tat alg�rien, ind�pendant et souverain. Le g�n�ral de Gaulle adresse un message en ce sens au pr�sident Far�s qui en accuse r�ception et fait lever officiellement le drapeau national dans le ciel d�Alger. Le GPRA fait son entr�e � Alger.
A. M.

NOTES
1- Far�s (Abderrahmane) : La cruelle v�rit�. Casbah Editions � Alger 2000.
2- Far�s op cit�
3- Far�s op cit�
4- Far�s op cit�
5- Commandant Azzedine : Et Alger ne br�la pas, Enag Editions � Alger 1997.
6- Far�s op cit�
7- Merdaci Abdelmadjid : L�accord FLN-OAS,in Le
Soir d�Alg�rie 16 juin 2012.
8- Far�s op cit�.
9- Nouschi (Andr�) La naissance du nationalisme alg�rien,Editions de Minuit Paris 1962.
10- Haroun (Ali) L��t� de la discorde,Casbah Editions �Alger 2000.
11- Haroun (Ali) op cit�
12- Commandant Azzedine op cit�.

Les confusions du 5 juillet
La journ�e du 5 juillet est officiellement inscrite au calendrier des f�tes l�gales en Alg�rie au titre de �F�te de l�ind�pendance et de la jeunesse�. Le fait est que l�ind�pendance ne peut se f�ter qu�� la seule date de son av�nement et de sa pleine reconnaissance par la communaut� internationale, � savoir le 3 juillet. Quel serait en effet le statut de l�Alg�rie entre le 3 et 5 juillet, dans quel no man�s land juridique la placent ceux qui ont pris la d�cision d��riger le 5 juillet en symbole en rapport avec les d�buts de l�entreprise coloniale ? Les arm�es fran�aises d�barquent � Sidi Fredj le 14 juin 1830 et le 5 juillet le Dey Hussein, repr�sentant de la Sublime Porte, signe sa reddition aux autorit�s militaires d�occupation, leur livre Alger, d�clar�e ville ouverte et prend la mer avec sa smala. Comment justifier que la chute de la r�gence puisse devenir un symbole national alg�rien ?

Lettre du g�n�ral de Gaulle � A. Far�s
Paris le 3 juillet
Monsieur le Pr�sident,
La France a pris acte des r�sultats du scrutin d�autod�termination du 1er juillet 1962 et de la mise en vigueur des d�clarations du 19 mars 1962. Elle a reconnu l�ind�pendance de l�Alg�rie. En cons�quence, et conform�ment au chapitre 5 de la D�claration g�n�rale du 19 mars 1962, les comp�tences aff�rentes � la souverainet� sur le territoire des anciens d�partements fran�ais d�Alg�rie sont, � compter de ce jour, transf�r�s � l�Ex�cutif provisoire de l�Etat alg�rien. En cette solennelle circonstance, je tiens � vous exprimer, Monsieur le Pr�sident, les v�ux profond�ment sinc�res, qu�avec la France toute enti�re, je forme pour l�avenir de l�Alg�rie. Je vous prie de croire, Monsieur le Pr�sident, � ma haute consid�ration.
C. de Gaulle

Lettre du pr�sident Far�s au g�n�ral de Gaulle
Rocher Noir le 3 juillet
Monsieur le Pr�sident,
J�ai l�honneur, au nom de l�Ex�cutif provisoire alg�rien, de vous accuser r�ception de votre message et de prendre acte de la reconnaissance officielle, par la R�publique fran�aise, de l�ind�pendance de l�Alg�rie. Conform�ment au chapitre 5 des d�clarations d�Evian du 19 mars 1962, l�Ex�cutif provisoire a ainsi re�u � ce jour le transfert des comp�tences aff�rentes � la souverainet� sur le territoire alg�rien. Je vous remercie des v�ux sinc�res que vous formez � l�adresse de l�Alg�rie, et j�exprime, � mon tour, au nom de l�Ex�cutif provisoire, en cette journ�e historique, les v�ux sinc�res pour la France et pour une coop�ration f�conde entre nos deux pays. Je vous prie de croire, Monsieur le Pr�sident, � l�expression de ma haute consid�ration.
A. Far�s

L�Ex�cutif provisoire
Pr�sident : Far�s Abderahmane
Vice-pr�sident : Roth Roger
Finances : Manoni Jean
Affaires g�n�rales : Mostefai Chawki.
Agriculture : Cheikh M�hamed.
Ordre public : El Hassar.
Affaires sociales :Hamidou Boum�diene.
Travaux publics : Koenig Charles.
Affaires culturelles : Cheikh Bayoud.
Postes : Benteftifa Mohamed.
Affaires �conomiques : Abdesselam Bela�d
Affaires administratives : Chentouf Abderrazak

Le GPRA (septembre 1961-ao�t 1962)
Benkhedda Ben Youcef : pr�sident.
Krim Belkacem : vice-pr�sident, ministre de l�Int�rieur.
Ben Bella Ahmed : vice-pr�sident.
Boudiaf Mohamed : vice-pr�sident.
A�t Ahmed Hocine : ministre d�Etat.
Bentobbal Lakhdar : ministre d�Etat.
Bitat Rabah : ministre d�Etat.
Khider Mohamed : ministre d�Etat.
Mohammedi Sa�d : ministre d�Etat.
Boussouf Abdelhafid : ministre de l�Armement et des Liaisons g�n�rales.
Yazid M�hamed : ministre de l�Information.
Dahlab Sa�d : ministre des Affaires Etrang�res.

Les dispositions du chapitre V de la d�claration g�n�rale du 19 mars 1962
Chapitre V : Les cons�quences de l�autod�termination
D�s l�annonce officielle des r�sultats pr�vue � l�article 27 du r�glement de l�autod�termination, les actes correspondants � ces r�sultats seront �tablis. Si la solution d�ind�pendance et de coop�ration est adopt�e :
- l�ind�pendance de l�Alg�rie sera imm�diatement reconnue par la France ;
- les transferts de comp�tence seront imm�diatement r�alis�s ;
- les r�gles �nonc�es par la pr�sente d�claration g�n�rale et les d�clarations jointes entreront en m�me temps en vigueur ;
- l�Ex�cutif provisoire organisera ,dans un d�lai de trois semaines, des �lections pour la d�signation de l�assembl�e nationale alg�rienne � laquelle il remettra ses pouvoirs.

ALGER LE 4 JUILLET 1962
La d�claration de Benkhedda pr�sident du GPRA
Apr�s un long s�jour impos� par les n�cessit�s de la guerre, le Gouvernement provisoire de la R�publique alg�rienne, d�tenteur de la souverainet� nationale, rejoint le sol alg�rien au moment o� notre patrie acc�de � l�ind�pendance. Ces trente-deux ans d�occupation coloniale prennent fin. Ces trente deux ans de lutte h�ro�que, de sacrifices incalculables et de souffrances, sept ans et demi de guerre atroce nous ont �t� impos�s pour arracher le droit le plus sacr� pour un peuple : celui de vivre libre et ind�pendant. C�est gr�ce � l�unit�, p�trie dans la lutte et l��preuve, au sein du Front de lib�ration nationale, et autour du gouvernement provisoire de la R�publique alg�rienne, que le peuple a gagn� la bataille de l�ind�pendance. Nous tenons � exprimer, au nom du gouvernement et du peuple alg�rien, notre gratitude profonde aux gouvernements et aux peuples fr�res et amis qui n�ont pas cess� de nous accorder leur appui durant les longues et dures ann�es de notre combat. De m�me, nous n�oublions pas le r�le qu�ont courageusement jou� les d�mocrates de France et d�ailleurs. L�Alg�rie est aujourd�hui ind�pendante, mais la lutte est loin d��tre termin�e. L�ind�pendance n�est pas une fin en soi, elle est un moyen qui permet d�atteindre les objectifs �conomiques et sociaux sans lesquels on ne peut parler de r�volution. A ce titre, des t�ches immenses nous attendent. Il faut reb�tir le pays, cr�er une �conomie nationale au service du peuple, r�duire la mis�re et l�analphab�tisme, recaser les regroup�s et les r�fugi�s. Il faut donner � l�Alg�rien et � l�Alg�rienne les moyens de vivre d�cemment et d��panouir leur personnalit� dans le cadre de notre culture nationale. Par ailleurs, nous sommes li�s aux Accords d�Evian conclus entre le Gouvernement provisoire de la R�publique alg�rienne et le gouvernement fran�ais et ratifi�s par le vote massif du peuple alg�rien le 1er juillet. Ces accords, qui ont mis fin � la guerre atroce, constituent une grande victoire. Ils consacrent l�int�grit� du territoire et l�ind�pendance politique de l�Etat alg�rien. Nous les appliquerons loyalement. A c�t� des objectifs � terme, se posent des probl�mes plus imm�diats dont la solution conditionne imp�rativement la r�alisation de ces objectifs. Il s�agit d�assurer le fonctionnement normal dans tous les secteurs de l��conomie et de toutes les activit�s sociales et humaines. Le probl�me de l�heure, c�est l�Etat. Il est fondamental que l�Etat alg�rien repose sur des institutions d�mocratiques saines et solides. Il est capital pour la r�volution de restaurer le cadre l�gal de l�ordre public, de la justice et de la d�fense nationale. La souverainet� nationale ne peut s�exprimer que dans le cadre de l�Etat. L�Etat aura la charge de garantir le droit des gens et des libert�s fondamentales. Il aura la charge de promouvoir la politique �conomique, sociale et internationale, conform�ment aux objectifs de la r�volution et aux v�ux intimes du peuple. Il aura la charge d�assurer la d�fense de l�int�grit� du territoire gr�ce � notre glorieuse Arm�e de lib�ration nationale. Nos institutions �tatiques seront le reflet fid�le du peuple alg�rien qui aspire profond�ment � l�ordre int�rieur, � la paix pour s�adonner aux t�ches immenses de la reconstruction. L�Etat sera le serviteur du peuple, et non son gendarme. Il doit s�appuyer sur le peuple, sans lequel il n�est rien. Nul gouvernement ne pourra op�rer la reconstruction s�il n�est aid� par la discipline des citoyens, en g�n�ral, et des militants, en particulier, et sans le respect de tous ceux qui vivent sur cette terre, quelles que soient leur origine et leur confession. Nous devons assurer la s�ret� des biens et la s�curit� des personnes. En cette circonstance solennelle, et au nom du GPRA, je tiens � rappeler ce que nous n�avons cess� de d�clarer depuis le 1er novembre 1954 et concernant les Europ�ens, � savoir qu�ils ont leur place en Alg�rie. L�Alg�rie est une R�publique d�mocratique et sociale. Telle a �t� la volont� du peuple. Elle sera ce que le peuple lui-m�me voudra qu�elle soit dans la d�mocratie et la libert�. La volont� populaire constitue le barrage le plus solide contre la dictature militaire dont r�vent certains, contre le pouvoir personnel, contre les ambitieux, les aventuriers, les d�magogues et les fascistes de tous bords. La volont� populaire a �t� le moteur du combat pour l�ind�pendance. Elle est la garantie de la victoire dans la bataille pacifique mais gigantesque de la reconstruction.

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