Chronique du jour : A FONDS PERDUS
L�ind�cence des ploutocrates


Par Ammar Belhimer
ambelhimer@hotmail.com

Si la ploutocratie est un syst�me de gouvernement o� l'argent est la source du pouvoir, force est de constater qu�elle r�gne de fa�on ind�cente partout dans le monde. Le candidat Mitt Romney, qui l�incarne le mieux politiquement dans l�antre m�me du capitalisme mondial, a inspir� au prix Nobel d��conomie, Paul Krugman, nombre de ses r�centes chroniques parues dans le New York Times. Il faut dire que le personnage se pr�te bien � un exercice sur les riches et la richesse aujourd�hui.
Dans �Mitt�s Gray Areas� (Mitt et ses zones d'ombre), parue mardi 10 juillet en cours (*), il revient sur la mani�re dont le candidat r�publicain n�arr�te pas de faire fortune depuis son plus jeune �ge, il y a 44 ans, � l�ombre de son p�re George Romney. Cette heureuse filiation autorise Krugman � oser la comparaison �sur la signification de devenir riche dans l�Am�rique de George Romney (�) avec ce qui se passe aujourd�hui�. �Que faisait George Romney dans la vie ? La r�ponse est imm�diate : il dirigeait une entreprise automobile, American Motors. Et il le faisait tr�s bien : � une �poque o� les trois grands constructeurs automobiles restaient obnubil�s par les grosses voitures et ignoraient la mar�e montante des importations, Romney avait mis l�accent avec un grand succ�s sur des voitures plus compactes qui restaur�rent la destin�e de l�entreprise, sans oublier qu�il sauva ainsi les emplois d�un grand nombre de travailleurs am�ricains. �Cela l�enrichit �galement sur un plan personnel. Nous le savons parce que lors de sa candidature, il rendit publics non pas un, ni deux, mais douze avis d�imposition, expliquant qu�une seule ann�e pourrait n��tre qu�un coup de bol. Gr�ce � ces d�clarations d�imp�ts, l�on sait que lors de sa meilleure ann�e, 1960, il gagna plus de 660 000 dollars � ce qui revient aujourd�hui � 5 millions de dollars en tenant compte de l�inflation. �Ces d�clarations r�v�lent �galement qu�il payait beaucoup d�imp�ts � 36% de ses revenus en 1960, 37% sur la p�riode globale. Ainsi que l�expliquait un rapport de l��poque, ceci est d� en partie � sa fa�on de "profiter rarement des avantages offerts par les niches fiscales pour �chapper � ses obligations fiscales". Mais c�est �galement parce que les imp�ts sur les riches �taient bien plus �lev�s dans les ann�es 50 et 60 qu�ils ne le sont aujourd�hui. �En fait, une fois que l�on inclut les effets indirects des imp�ts sur les profits des grandes entreprises, l�on obtient des imp�ts sur les grandes fortunes deux fois plus �lev�s que les taux actuels�. Tel est le tableau des ann�es 1960 : une Am�rique qui entreprend, s�enrichit et se pr�te au partage. Pour mesurer le chemin parcouru et appr�cier la qualit� des transformations subies par le syst�me, il suffit de comparer entre le p�re et le fils : �A l�inverse de son p�re, Romney ne s�est pas enrichi en produisant des choses que les gens souhaitaient acheter ; il a b�ti sa fortune sur des tractations financi�res qui semblent avoir aggrav� la situation des employ�s dans un grand nombre de cas, et qui ont parfois m�me men� des entreprises � la faillite.� Par ailleurs, Mitt Romney qui est tr�s secret a rendu public, � contre c�ur et avec parcimonie, un avis d�imposition ainsi qu�une estimation pour l�ann�e suivante, qui ont montr� que son taux d�imposition �tait �tonnamment bas. Aussi, le candidat r�publicain � l��lection pr�sidentielle poss�de �un compte en banque de plusieurs millions de dollars en Suisse ainsi que des dizaines de millions investis dans les �les Ca�man, connues pour �tre un paradis fiscal�. Pour couronner le tout, son compte IRA (compte de retraite individuel), cens� �tre un moyen d��conomiser sur ses imp�ts, avec des contributions annuelles limit�es � quelques milliers de dollars par an, plafonne entre 20 et 101 millions de dollars. Partant de �ce qu�un homme fait de son argent est certainement un bon indicateur de sa personnalit�, Krugman trouve que le programme politique de Romney est �r�ellement coh�rent, puisqu�il implique des cr�dits d�imp�ts pour les tr�s riches � ces imp�ts qui ont d�j� baiss� d�environ la moiti� depuis l��poque de son p�re�. �Un homme �uvrant pour une telle politique se doit certainement d��tre clair vis-�-vis des �lecteurs pour expliquer dans quelle mesure il b�n�ficierait personnellement des id�es pour lesquelles il se bat.� Krugman revient sur le m�me sujet une semaine plus tard, le 17 juillet, avec une chronique titr�e : �La vie politique et l'histoire personnelle� (**) dans laquelle il nous apprend que, selon des estimations du Tax Policy Center, un organisme non partisan, compar� � celui d�Obama, le programme de Romney r�duirait de 237 000 dollars les imp�ts annuels pay�s par le petit r�duit social des 1 pour cent les plus riches; ce chiffre s��l�ve � 1,2 million de dollars pour les 0,1% les plus riches. Dans ces conditions, observe Krugman, �il ne faut pas s��tonner que les rencontres visant � r�colter des fonds pour Romney et organis�es dans les Hampton (Hampton Inn, est une cha�ne h�teli�re hupp�e) attirent tellement de donateurs enthousiastes que cela provoque des embouteillages de voitures de luxe�. C�est pourquoi, cette �lection lui semble opposer �au sens propre, les riches contre les autres�. Un autre texte, �Pathos of the Plutocrat� (La souffrance des ploutocrates - ***), dat� du samedi 21 juillet 2012, ach�ve le tableau �lectoral am�ricain. Evoquant la sensibilit� ou la souffrance d�un grand nombre de gens tr�s riches, il constate que leur richesse �les rend sensibles l� o� nous nous sommes endurcis�. �Ce n�est pas un secret qu�aujourd�hui beaucoup des hommes les plus riches d�Am�rique � y compris certains anciens soutiens d�Obama � d�testent, mais d�testent r�ellement le pr�sident Barack Obama. Pourquoi ? Eh bien, selon eux, c�est parce qu�il "diabolise" le monde des affaires � ou comme Mitt Romney l�a dit plus t�t cette semaine, il "attaque le succ�s". A les �couter, l�on pourrait penser que le pr�sident est la r�incarnation de Huey Long, pr�chant la haine des classes et la n�cessit� de faire payer les riches�. Le rapprochement tient probablement � ce que l��lection de ce populiste qui fut gouverneur de Louisiane en 1928 avait marqu� un transfert des forces politiques dans cet Etat, auparavant domin�es par les grands propri�taires terriens, les hommes d'affaires et les repr�sentants de l'industrie p�troli�re, vers les petits propri�taires et les fermiers. Les ploutocrates et la nouvelle droite victorieuse renvoient �galement une image d�enfants g�t�s : �Non seulement les super-riches sont terriblement bless�s que quiconque appartenant � leur classe soit critiqu�, mais ils insistent �galement sur le fait que c�est parce qu�Obama ne les aime pas que notre �conomie a des probl�mes. Ils pr�tendent que les entreprises n�investissent pas parce que les chefs d�entreprise ne se sentent pas valoris�s. Romney a, lui aussi, r�p�t� cet argument, en pr�tendant que c�est parce que le pr�sident attaque le succ�s que �nous avons moins de succ�s�. Le moral des affaires a cependant des limites et les choses finissent toujours par retrouver leur cours naturel : �Puisque les riches sont diff�rents de vous et moi, beaucoup d�entre eux sont incroyablement �gocentriques. Ils ne voient m�me pas � quel point c�est dr�le � � quel point ils sont ridicules � lorsqu�ils attribuent la faiblesse d�une �conomie qui repr�sente 15 000 milliards de dollars � leur fiert� bless�e.�
A. B.

(*) Mitt�s Gray Areas, New York Times, 8 juillet 2012. http://www.nytimes.com/2012/07/20/opinion/krugman-pathos-of-the-plutocrat.html?ref=paulkrugman
(**) Policy and the Personal, 15 juillet 2012.
(***) Pathos of the Plutocrat, 19 juillet 2012.

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