Chronique du jour : KIOSQUE ARABE
Fictions et r�alit�s sur petits �crans


Par Ahmed Halli
halliahmed@hotmail.com

En dehors du truculent Chems-Eddine qui s�vit sur la cha�ne priv�e Al-Nahar et des rares sitcoms de saison digestes, il n'y a pas grand-chose � se mettre sous la r�tine c�t� t�l�vision. Alors, on est bien oblig�s d'aller voir ailleurs, et cet ailleurs ne va pas plus loin que le bout du nez de Cl�op�tre, � d�faut de l'appendice n�cros� du sphinx de Giseh. On a beau faire : ils sont toujours meilleurs que nous, les �gyptiens, que ce soit pour nous divertir, nous informer, ou nous mettre au diapason de leurs angoisses.
Ils d�ploient aussi la m�me adresse pour accompagner ces longues somnolences et siestes quotidiennes, qui s'installent d�s le premier saut du lit. Pour lire un journal vous devez garder les yeux ouverts, mais plus indulgente la t�l�vision ne vous oblige pas � faire violence � votre envie de piquer un somme. Du c�t� des cha�nes satellitaires �gyptiennes, ce qu'il y a de bien, c'est le nombre et la vari�t�, ce qui vous laisse l'embarras du choix. Honneur aux po�tes : les deux grands d'�gypte, Abderrahmane Abnoudi et Fouad Negm ont de nouveau la cote. Le premier fait des apparitions quotidiennes sur Al-Kahira Oualnass pour des r�flexions et des �vocations sur fond de r�volution inachev�e, ou avort�e. Le second, qui a encore du souffle en d�pit du haschich, a d�j� eu deux fois les faveurs du petit �cran, l'une sur l'ONTV, pour �Wassat-al-balad� (�Centre-ville�) et l'autre sur Mehwer, et le plateau de �Al-Khataya al-sab'a� (Les sept p�ch�s capitaux). Du c�t� des p�ch�s, Fouad Negm pouvait se pr�valoir d'en avoir commis, et plus que de raison, mais sur cette �mission people, il n'y avait pas lieu de trop insister sur le volet de la luxure. Fouad Negm ne renie rien de ses fantasmes pass�s et pr�sents, m�me si le mauvais �H� et l'�ge se dressent comme un mur devant ses d�sirs. Fouad Negm, le po�te du peuple, le tribun harangueur des foules, �tait plus � sa place dans �Centre-ville�, plus pr�s de la r�alit� quotidienne et des luttes du pass�. Le po�te, accompagn� sur le plateau par son chanteur favori, Ahmed Isma�l comme nagu�re sur Dream TV, a chant� l'�gypte des combats : �R�veille-toi l'endormi !�, �Gu�vara est mort�. Puis, apr�s un vibrant hommage � l'autre grand po�te disparu, Salal Djahine, la plus belle histoire de Negm, celle de Cheikh Abdelaziz, un pauvre parmi les pauvres d'�gypte qui se demandait o� il allait trouver l'argent pour marier sa fille. Fouad Negm, alors recherch� et sachant qu'une r�compense �tait offerte � toute personne qui le d�noncerait, est all� trouver Cheikh Abdelaziz : �Livre-moi � la police, lui dit-il, ainsi tu toucheras la prime pour ma capture et tu pourras marier ta fille.� Sur ce, l'�mission ne pouvait se terminer que par la c�l�bre chanson �B�tis tes palais�, sans Cheikh Imam, mais avec la participation enthousiaste du jeune animateur. Du c�t� des deux cha�nes Al-Kahira Oualnass, on a mobilis� deux grosses pointures, d'un c�t�, le journaliste vedette libanais Tony Khalifa, et d'un autre, Ibrahim A�ssa, ex-r�dacteur en chef du quotidien Al- Destour. Dans l'�mission de Tony Khalifa, au titre annonciateur d'intentions �Zaman- Al-Ikhouane� (le temps de fr�res), il s'agit d'interroger un invit� prestigieux sur ce qu'il pense du nouveau pouvoir islamiste. Se sont d�j� essay�s � ce jeu des artistes de renom telles Samia Alkhachab ou la Syrienne Reghda, et des intellectuels comme Georges Itshak et Mustapha Bakri. Plus didactique que politique, Ibrahim A�ssa entend tordre le coup � certaines id�es re�ues concernant notamment le fait religieux, dans sa chronique quotidienne �Ibrahim Oualnass�. Il s'est notamment inscrit en faux contre la tendance actuelle � imposer le hidjab comme sixi�me pilier de l'Islam. Quant � ceux qui revendiquent la restauration du califat, il leur rappelle que la p�riode de la guidance sage, �clair�e et juste en Islam n'a dur� que treize ann�es environ sur quatorze si�cles. �Comment peut-on vouloir reconstituer un r�gime politique qui n'a offert que treize ann�es de justice et de bonne gouvernance sur une aussi longue p�riode ?�, a-t-il demand�. Il y a deux ans, Ibrahim A�ssa s'�tait illustr� avec une �mission sur les califes �clair�s, inspir�e de l'ouvrage de l'�crivain �gyptien Abbas Mahmoud Al-Akkad Al-Abkariates. Cette fois-ci, il se renouvelle et se fait plus critique devant la mont�e des p�rils. �Al-Kahira Oualnass� se distingue aussi par la diffusion des fameux feuilletons du Ramadan, dont le controvers� �Firqat Nadji Attallah�. La controverse tient autant aux p�rip�ties du feuilleton qu'� la personnalit� de l'acteur principal, Adel Imam. Ce dernier joue le r�le d'un officier �gyptien en retraite qui mobilise un groupe d'anciens soldats sous ses ordres pour cambrioler une banque isra�lienne. D'ores et d�j�, les �pisodes concernant l'�tape de Ghaza on t �t� tr�s mal appr�ci�s des Palestiniens de l'enclave qui reprochent au feuilleton de d�former la r�alit�. Parmi les critiques les plus acerbes faites � l'�uvre, on a relev� celle de montrer un groupe de r�sistants palestiniens conduit par une femme� Ce qu'on ne dit pas ouvertement, c'est que la t�l�vision �gyptienne a consacr� un tr�s gros budget au projet, initialement un film, du temps de Moubarak. Adel Imam se targuait notamment de ses amiti�s avec le clan du pr�sident d�chu, � qui il avait ouvertement manifest� son soutien. Le feuilleton �Bab- Al-Khalq� raconte, pour sa part, l'histoire d'un ancien �mir d'Afghanistan repenti, mais poursuivi par son pass�. Dans l'un des �pisodes, le h�ros jou� par Mahmoud Abdelaziz met fin � des affrontements entre musulmans et coptes dans son quartier cairote de �Bab-Al- Khalq�. Mais ce qui marche dans la fiction ne se produit pas n�cessairement dans la r�alit� : � Dahchour, une localit� proche du Caire, des maisons et des commerces ont br�l� lundi dernier. Des affrontements ont oppos� musulmans et coptes, � cause d'un banal incident : un repasseur copte ayant br�l� la gandoura qu'un musulman lui avait donn�e � nettoyer. Comme d'habitude, en pareil cas, la police a mis du temps � intervenir, et quelque cent familles ont �t� oblig�es de fuir le village. Jeudi dernier, les Coptes ont organis� une manifestation de protestation devant le si�ge de la pr�sidence de la R�publique, mais ils �taient �trangement seuls. En dehors du propri�taire de la cha�ne �Les Pharaons�, Tewfik Okacha, qui a appel� ses partisans � se joindre � la manifestation, les chantres de l'unit� musulmans-chr�tiens sont rest�s muets. Encore un �incident isol� � ajouter � la liste des actes destin�s � laisser les musulmans entre eux en �gypte, et ailleurs, dans l'attente de la grande guerre qui soldera le contentieux entre chiites et sunnites.
A. H.

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