Chronique du jour : LETTRE DE PROVINCE
Constantine : faces de car�me dans le noir !


Par Boubakeur Hamidechi
hamidechiboubakeur@yahoo.fr

Ce fut une semaine d��pouvante pour le demi-million de Constantinois r�sidant encore sur le rocher. Une �preuve d�enfer que seules quelques malices du climat auxquelles viennent s�ajouter les canons de la pi�t� religieuse et la malfaisance humaine sont capables d�infliger � une population. Eh ! Quoi de plus qu�un thermom�tre ayant d�cid� de s�installer � 40� depuis 15 jours, d�un car�me dont l�observance ne souffre d�aucune �d�rogation� selon les suppos�s directeurs de conscience et d�une malvenue panne �lectrique g�n�rale ?
Rien de plus � rajouter, en effet, pour faire de cette ville l�antichambre de l�apocalypse et cela durant une interminable semaine. Elle est d�cid�ment ainsi cette cit� qui ne se manifeste dans l�actualit� que par le c�t� tragique. Une sorte d�inaptitude � se concevoir dans le bien�tre jusqu�� inspirer de la frayeur � tout �tranger qui l��voque. Certes ce dernier ne d�clinait, dans ses �reproches� bienveillants, que certains aspects de sa topographie et quelques images frappantes qui ont contribu� � lui fa�onner une atmosph�re tout en rudesse. Ce seraient donc ses vieux remparts limoneux et inutiles ; ses murs l�preux ; ses rues �troites et pentues ; sa voirie incertaine ; ses ponts angoissants surplombants des gorges vertigineuses ; son Rhumel moribond et pollu� et ses semblables bidonvilles qui nagu�re en �taient la cause. Or, nous dit-on officiellement, elle commence � se refaire une sant� et � soigner son image. Et ce n�est pas tout � fait faux. Sauf que l�effort tardif de sa restauration et la modernisation de ses infrastructures est en train d��tre men� dans un d�sordre indescriptible dont il est ais� d�imaginer la somme de d�sagr�ments. M�me s�il est �galement injuste de faire de mauvais proc�s � l�Etat, au moment o� il daigne enfin se pencher sur une importante m�tropole longtemps marginalis�e, il n�en demeure pas moins qu�� travers la simultan�it� de multiples projets en route l�on peut mesurer l��tendue du d�sastre dont celle-ci a �t� le th��tre durant plusieurs d�cennies. En effet, il est encore possible d�illustrer r�trospectivement la lente d�cadence de ce rocher majuscule qui s�en est all� par petits morceaux. Retour sur un pass� r�cent, lequel ne fut pas du tout glorieux pour elle� A-t-on imagin� une ville � l�agonie, victime de la gangr�ne irr�pressible, insidieuse mais ravageuse qui s�attaque � la guerre et la ronge patiemment avec la complicit� du temps et surtout l�oubli et l�incivisme de ses habitants ? A-t-on surtout imagin� une ville qui se vide lentement de son humus humain sans que l�on y prenne garde et que de stupides politiques de �d�placement des populations� vers des banlieues de bannissement acc�l�rent sa d�sertification ? Autrement dit, s�est-on un instant m�fi� des cons�quences des d�marches bureaucratiques qui n�ont gu�re su prendre en compte les crit�res de la sociabilit� ancienne et avaient envoy� par charrettes enti�res des populations bivouaquer dans les ghettos des �nouvelles villes� ? En deux d�cennies, la funeste corruption de la totalit� des codes urbains a fini par livrer l�espace de la cit� � toutes les formes de la sp�culation. Bien que mal v�cue par les citadins de vieille souche, cette irr�m�diable mise � sac du patrimoine de leur ville les �meut � peine lorsqu�elle est �voqu�e. C�est, presque dire, que depuis les ann�es 1980, Constantine a cess� d��tre un rep�re visible � travers les traces de son riche pass� et se contente d�sormais de ne nourrir que de la nostalgie � de rares c�nacles qui se r�chauffent � son �vocation. Longtemps l�on s�est demand� pourquoi et comment la plus vieille ville d�Alg�rie (23 si�cles) subit-elle cette fatalit� cr�pusculaire dont les premiers signes sont paradoxalement apparus d�s l�ind�pendance du pays ? Peu de r�ponses fiables ou d�explications rationnelles sont venues fixer les s�quences de ces cinquante ann�es durant lesquelles elle n�a cess� de p�ricliter. M�me les talents de ses po�tes qui l�ont magnifi�e durant les premi�res d�cades paraissent ringards de nos jours. De m�me que les militants associatifs de la sauvegarde de son patrimoine se trompent souvent dans la recension de ses richesses. Reste enfin l�Etat qui, par d�finition, a peu d��tat d��me et seulement des objectifs. Celui-ci a d�cid� que cette vieille pierre avait besoin d�un tramway et d�un �ni�me pont pour, � la fois voyager dans ce nouveau si�cle et, �galement, enjamber un pass� r�volu. �L��uvre� s�est alors mise en marche dans le fracas des bulldozers et dans une pagaille sans nom. Mais peu leur importe � ses placides habitants, rompus � tous les d�sagr�ments. Sauf qu�ils n�avaient pas pr�vu que la paternelle condescendance de la puissance publique cachait d�abord la pire des incomp�tences. Celles de priver une ville enti�re de lumi�re et de ne m�me pas faire l�effort de s�en expliquer. A Constantine, le Ramadan de l�an 2012 est d�j� marqu� d�une pierre noire.
B. H.

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