Actualit�s : Me WILLIAM BOURDON, AVOCAT DE CHANI MEDJDOUB :
�Le Luxembourg aurait d� d�clencher une enqu�te pour blanchiment d�argent�


Entretien r�alis� par Tarek Hafid
Me William Bourdon a rejoint le pool d�avocats charg� de d�fendre Chani Medjdoub dans le proc�s en appel de l�affaire des commissions vers�es par les entreprises chinoises ZTE et Huawei. Rencontr� � Alger, l�avocat au barreau de Paris et pr�sident de Sherpa (association d�aide et de d�fense des populations victimes de crimes �conomiques), Me Bourdon estime que la condamnation de son client cache de graves dysfonctionnements du syst�me de contr�le financier au Luxembourg.
Le Soir d�Alg�rie : Me Bourdon, vous �tes constitu� dans l�affaire Alg�rie T�l�com au profit de M. Chani Medjdoub. Quel a �t� votre apport dans le cadre du proc�s en appel qui s�est ouvert mardi ?
Me Bourdon :
J�ai une certaine exp�rience des dossiers internationaux et il m�arrive souvent de travailler aux c�t�s de confr�res, notamment sur le continent africain. Dans ce cas pr�cis, nous avons un homme qui proteste de son innocence, inlassablement et depuis la premi�re seconde o� il a �t� incarc�r�. Rien n�est plus noble pour un avocat que de d�fendre un homme qui est totalement innocent des charges retenues contre lui. L�examen que j�ai fait du dossier me convainc du fait que Chani Medjdoub est innocent et qu�il n�aurait jamais d� �tre inculp� et, a fortiori, condamn� � une peine de 18 ans de r�clusion. C�est une peine de mort sociale, d��limination. Les charges retenues contre lui sont extraordinairement faibles. Quiconque les examine de fa�on objective se convaincra du fait que la seule d�cision possible est une d�cision de relaxe. Chani Medjdoub �tait install� au Luxembourg depuis plus de 25 ans et dirigeait une soci�t� de conseil. Il n�a jamais attir� l�attention ou suscit� la moindre r�serve. Il est �tonnant de constater le rapprochement intellectuel qui a �t� fait par le tribunal entre le fragment de la d�claration d�un t�moin, M. Dominique Fermine en l�occurrence, et un document bancaire o� le nom de mon client appara�t aux c�t�s de M. Boukhari. Le fait que les deux pr�venus ne se connaissaient pas est une v�rit� acquise dans le dossier. On peut consid�rer que Chani Medjdoub a �t� pris en m�choire entre une commission rogatoire de la justice alg�rienne, l�attitude ambigu� du Grand Duch� du Luxembourg qui a agi en connivence avec un syst�me bancaire de plus en plus critiqu�, et enfin la banque Natixis qui n�a pas rempli ses obligations ni appliqu� la r�glementation en vigueur. C�est cette triade-l� qui a fabriqu� la m�choire qui s�est referm�e sur Chani.
La banque Natixis est responsable�
Il n�existe aucune obligation l�gale pesant sur Chani Medjdoub pour v�rifier l�identit� du b�n�ficiaire des soci�t�s off-shore. Il n�est ni banquier, ni commissaire aux comptes. Cette obligation p�se sur la banque. Il y a des obligations tr�s pr�cises qui p�sent sur les banques et qui ne sont pas les m�mes qui p�sent sur les autres professions. Non seulement Natixis n�a pas rempli ses obligations, mais, la cupidit� aidant et vu l�importance des sommes en jeu, a accept� d�ouvrir des comptes bancaires au profit d�un haut fonctionnaire alg�rien sur la simple pr�sentation d�un passeport. Il est �vident que Natixis a offert des facilit�s � une personnalit� politiquement expos�e. Apr�s avoir �t� ouverts, ces comptes ont �t� mouvement�s sans que Chani Medjdoub ne le sache, dans le cadre d�un abus de mandat. La banque a ferm� les yeux. Elle l�a fait car l�argent n�a pas d�odeur. Voil� la martingale de cette histoire ! Le Grand Duch� du Luxembourg aurait d� �tre alert� par ces dysfonctionnements. Une enqu�te pour blanchiment d�argent aurait d� �tre d�clench�e. Si ces investigations �taient all�es jusqu�au bout, il serait apparu que Chani Medjdoub est une victime collat�rale d�une s�rie de dysfonctionnements � l��chelon du Luxembourg et d�une proc�dure judiciaire un peu trop orient�e du c�t� alg�rien.
Dans le traitement de cette affaire, n�y a-t-il pas un probl�me de m�connaissance des m�canismes qui r�gissent le syst�me financier international ?

Il y a de formidables magistrats et des avocats tr�s comp�tents � Alger. Mais le savoir-faire et des techniques sont de plus en plus sophistiqu�s. L�avanc�e des moyens de dissimulation fait que le gendarme court toujours derri�re le voleur. Quand on lit le jugement rendu dans cette affaire, on constate qu�il existe une surinterpr�tation de certains fragments des propos tenus par Dominique Fermine. Mais le fait d�habiter le Luxembourg ne fait pas de vous une personne sulfureuse. Si l�on poursuit Chani Medjdoub, il faut poursuivre les milliers d�avocats, de juristes et d�agences de conseil qui, tous les jours, cr�ent des soci�t�s off-shore. Tous les jours, ce sont des milliers de soci�t�s offshore qui sont ouvertes � travers le monde. Une grande partie de ces soci�t�s ne fonctionnent pas automatiquement dans l�ill�galit�. Ce n�est pas forc�ment de l�argent sale. Les soci�t�s off-shore sont indispensables pour le capitalisme financier mais aussi pour les Etats. Dans le cadre de grands contrats internationaux, les Etats europ�ens et m�me des pays comme l�Alg�rie ont, de fa�on transparente, recours � des structures offshore. Il ne faut pas raisonner par amalgame sinon ce sont des milliers et des milliers de personnes qui doivent �tre envoy�es en prison. Ce n�est ni le sens de la loi alg�rienne ni celui de la loi internationale. Pour condamner quelqu�un pour blanchiment, qui est une infraction tr�s conceptualis�e et tr�s pr�cise, il faut autre chose que de simples impressions.
Comment voyez-vous l�issue de ce proc�s ?
Je dois dire que je suis tr�s honor� de plaider devant la justice alg�rienne. Je suis tr�s sensible par la confiance qui m�est faite par M. Chani et ses avocats. Personnellement, je m�inscris dans une d�fense technique avec comme sous-jacent les d�fis de la lutte contre la corruption. Je fais confiance en la cour d�appel d�Alger, au professionnalisme et � l�int�grit� du magistrat.
Pensez-vous que Dominique Fermine sera convoqu� par la cour d�appel ?

Nous avons propos� qu�il soit entendu en vid�oconf�rence. Il est important de dire deux choses � propos de Dominique Fermine. La premi�re est que le pacte civil et politique de 1966 de New York, ratifi� par l�Alg�rie, fait que l�on ne peut prononcer une condamnation sur la base d�une d�claration �crite qui n�a pas �t� discut�e contradictoirement et d�battue publiquement. Le t�moignage de l��tre humain est fragile et c�est parce qu�il est fragile qu�il faut le discuter contradictoirement pour en appr�cier l�essence de l�authenticit�. Deuxi�mement, quelles que soient les interpr�tations qu�on en fait, ce t�moignage est � d�charge pour Chani Medjdoub. Fermine explique bien que tous les m�canismes de contr�le de la banque ont totalement �chou�. Je pense que cette situation arrange bien des personnes au Luxembourg que Chani apparaisse comme le bouc �missaire et que Boukhari joue le r�le de fusible, pour �viter les investigations qui auraient �t� tr�s embarrassantes. Donc il y a une forme de connivence de fait entre la banque Natixis, le Grand Duch� du Luxembourg et ceux qui esp�rent que jeter � la vindicte populaire tel et tel nom suffira � faire croire qu�il y a une volont� de lutter contre la corruption.
Les proc�s que traite ces derni�res ann�es la justice alg�rienne d�notent-ils d�une volont� de lutte contre la corruption ?

La lutte contre la corruption est une d�marche difficile, elle doit aller de paire avec le renforcement de la d�mocratie et la consolidation de l�ind�pendance de la justice. La lutte contre la corruption est l�affaire de tous, sans manipulation ni instrumentalisation. Il n�y a pas de lutte contre la corruption sans ind�pendance de la justice. Malheureusement, la dimension tr�s morale et populaire de la lutte contre la corruption conduit parfois � de graves effets pervers. Nous nous retrouvons donc dans une situation de manipulation de la lutte contre la corruption. Ceux qui la m�nent ont la plus noble des intentions, mais en fait, ils peuvent servir un double int�r�t : cr�er une illusion de l�impartialit� de l�Etat et r�gler des comptes en �cartant ceux que l�on estime �tre des g�neurs. L�exemple le plus caricatural est celui de la Chine o� des condamnations � mort sont prononc�es tous les mois alors que la corruption au plus haut niveau du Parti communiste chinois n�a jamais �t� aussi �tendue.
T. H.

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