Actualit�s : QATAR
Les ambitions d�mesur�es d�une p�tromonarchie (1re partie)


En moins de deux d�cennies, le Qatar a acquis une visibilit� � l��chelle internationale. Sa d�pendance vis-�-vis des hydrocarbures l�incite � s�autonomiser par le biais de ses investissements � l��tranger. Sanctuaris� par des bases am�ricaines, il se permet d�asseoir une politique �trang�re agressive qui veut �tendre son pr� carr� bien au-del� des fronti�res nationales. Pendant que les avions US d�collaient de Doha pour aller bombarder l�Irak, Al Jazeera se pr�tendait antiam�ricaine. Pendant que l��mir du Qatar accueillait premiers ministres et ministres isra�liens, Al Jazeera larmoyait sur le sort des Palestiniens� Et lorsque survient le �printemps arabe�, ce pays, qui n�a ni partis politiques, ni assembl�e, ni syndicats, devient le h�raut de la d�mocratie ! Pion des Etats-Unis, il fait avancer leur strat�gie dans l��chiquier arabe, ajoutant au ch�quier une v�ritable arm�e des ondes � travers Al Jazeera qui veut refaire le monde � coups de fetwas wahhabites et de propagande. Dans un document en vingt et une parties, �labor� par notre collaborateur Ali El Hadj Tahar, nous analyserons les arcanes de la politique, l��conomie et la diplomatie de ce pays, en insistant sur sa tendance � l�ing�rence dans les affaires des Etats-nations et les mani�res peu orthodoxes qu�il emploie pour atteindre ses objectifs.
LSA
Par Ali El Hadj Tahar
Grand comme un mouchoir de poche (11 437 km2), ind�pendant depuis 1971 et peupl� de deux millions d�habitants, dont 80% sont des travailleurs �trangers, le Qatar est situ� sur une petite p�ninsule s'avan�ant dans le golfe Persique, en face de l�Iran avec qui il partage son principal tr�sor : la r�serve gazi�re de North Field qui en fait le troisi�me producteur de gaz naturel du monde.

Lorsqu�il acc�de � l�ind�pendance en 1971, le Qatar a refus� d��tre int�gr� dans la F�d�ration des Emirats arabes unis (regroupant sept �mirats : Duba�, Sharjah, Ajman, Oum-Al-Qaiwain, Fouja�rah, Ras-Al-Kha�mah) qui ont vite d�coll� et laiss� l��mir de Doha � ses casinos et ses frasques. Cheikh Zayed bin-Sultan Al- Nahyan, le fondateur des Emirats arabes unis, faisait profiter son peuple de l�or noir et construisant routes, �coles, h�pitaux et gratte-ciel. Lorsque le prince et premier ministre qatari, Hamad bin Khalifa Al-Thani, d�posera son p�re, l'�mir Khalifa bin-Hamad Al-Thani en 1995, il essaiera de rattraper le retard de son pays par rapport � ses voisins. Les coups d�Etat sont une vieille histoire de putschs car le p�re Hamad avait lui-m�me d�pos� son cousin, l'�mir Ahmad bin-Ali Al-Thani, en f�vrier 1972. Les Etats-Unis et la Grande- Bretagne ont aid� ce coup d�Etat de Hamad bin- Khalifa Al-Thani contre un p�re qui avait pourtant soutenu la guerre de l�Irak contre l�Iran. En prenant les r�nes au Qatar, Hamad bin-Khalifa Al-Thani suivra la voie du d�veloppement initi�e aux E A U. Tombant � pic, l�embellie du cours des hydrocarbures lui permet de lancer des projets pharaoniques dans tous les secteurs, en se concentrant sur les investissements, notamment dans les infrastructures (urbanisme, routes, r�seau ferroviaire, ports, a�roports, infrastructures �ducatives, de sant�, de loisirs�) et dans les nouvelles industries (aval p�trolier, acier, aluminium�) Hamad a aussi not� les cons�quences d�sastreuses de l��puisement du p�trole au Bahre�n, devenu d�pendant de l�aide saoudienne et de son diktat. Le Qatar ne jouera pas � la cigale ; son ambition cr�e une comp�tition stimulante entre les pays du Golfe, un peu comme celle qui a engendr� les quatre dragons en Asie. Certains disent que les think tanks �trangers sont derri�re les programmes �conomiques qataris, mais leurs grandes lignes sont certainement nationales. Dans le domaine de politique �trang�re, il n�y a aucun doute que le Qatar ob�it � un agenda occidental, mais l� c�est une autre question.
Pomper pour investir et investir pour pomper

L�inqui�tude des lendemains sans or noir motive la conscience qatarie. Pourtant, contrairement � celles du Bahre�n, les r�serves de gaz de ce pays sont �normes et assureront le d�veloppement du pays pour une quarantaine d�ann�es avec un m�me pompage et un m�me train de vie qu�aujourd�hui. Actuellement, le secteur des hydrocarbures qatari ne repr�sente que 60% de la cr�ation de richesse et 75% des recettes budg�taires, le pays ayant pu dynamiser son �conomie, la diversifier et cr�er de la croissance. En seulement 17 ans de r�gne, l��mir Hamad est en train de rendre son pays autonome vis-�-vis des hydrocarbures. Parall�lement, il a men� des r�formettes qui sont pass�es pour des r�volutions bolch�viques dans une p�ninsule fig�e sociologiquement et politiquement depuis des si�cles. Pour se donner une l�gitimit� �d�mocratique�, il s�est concoct� une Constitution en 2005 qui ne tol�re cependant ni opposition, ni partis politiques, ni syndicats. Apr�s le d�veloppement des infrastructures, de l�urbanisme et des services, le pays s�est attaqu� � l�industrie du gaz liqu�fi� dont il devient vite un g�ant mondial. Et � partir de 2005, il consacrera les recettes suppl�mentaires � d�autres investissements dans le pays et � l��tranger, et ce, par l�entremise d�un outil, le Qatar Investment Authority (QIA) qui est pr�sid� par son fils, le cheikh Tamim bin- Hamad Al-Thani. Cr�� en 2005, pour valoriser les surplus d�gag�s par les exportations de gaz et de p�trole, ce fonds souverain dispose aujourd�hui d�un avoir d�environ 210 milliards de dollars. D�ici � 2020, le QIA a pour objectif de financer la totalit� du budget �tatique gr�ce � ses apports en devises. Ce projet s�inscrit dans des plans ambitieux : la Strat�gie nationale de d�veloppement qatarie 2011-2016 et la Vision nationale qatarie 2030. Le Qatar a mis en place une planification � la sovi�tique dans une �conomie lib�rale consacr�e dans la Constitution du pays qui sp�cifie, dans son article 26, que le �business� est �fondamental pour l'�thos social de l'Etat�. Un �mir qui g�re un pays comme le sien propre en fait parfois un paradis terrestre, ce qui est ind�niable, mais uniquement pour les nationaux, ceux de la majorit� des travailleurs expatri�s �tant exclus. Le Qatar se dit ouvert sur le monde, mais le wahhabisme est la doctrine de l�Etat. La pratique de religions autres que l�Islam est �tol�r�e� � condition qu'elle reste discr�te� Ce n�est donc pas � Doha qu�on risque de trouver une �glise. L�alcool est disponible mais uniquement dans les bars publics des luxueux h�tels. La mixit� �tant totalement interdite, le syst�me �ducatif compte donc tout en double : instituts, universit�s, centres de formation� La formation cherche l�excellence, quitte � aller demander aux p�dagogues isra�liens de confectionner les manuels scolaires des enfants qataris. Doha abrite un immense campus o� plusieurs universit�s sont d�ores et d�j� install�es (universit� Carnegie Mellon, universit� de Georgetown, universit� Texas A&M, l��cole fran�aise HEC�), mais les facult�s pour femmes sont s�par�es des facult�s masculines. Un parc pour les sciences et les technologies est en construction en vue d�attirer les centres de recherche et de d�veloppement internationaux, ce qui montre que les investissements du QIA sont aussi rentables pour la formation des jeunes, dans le pays m�me. 2,8% du PIB sont consacr�s � la recherche et le d�veloppement (derri�re le Japon (3,4%), la Su�de (3,7%) et la Finlande (3,11%) et devant les Etats-Unis, la Chine et l�Union europ�enne) ! Ce taux a fait du Qatar un paradis pour les chercheurs du monde entier. Ces travaux sont int�gr�s dans une strat�gie �tatique qui fait du pays un incubateur du sens entrepreneurial. Evidemment, les ing�nieurs sont �trangers mais le b�n�fice et le prestige vont au Qatar. Par exemple, dans ce pays o� la climatisation co�te tr�s cher, la Qatar Cool est en train de mettre au point un syst�me de distribution centralis�e d�air conditionn� destin� � plusieurs quartiers de la capitale. Cette �usine de climatisation� est en passe de devenir une r�f�rence mondiale en mati�re de r�duction de l�utilisation de l��nergie. L�Alg�rie y pensera peut-�tre pour Boughezoul ou ailleurs !
S�curit� �conomique et bases am�ricaines

Outre l��conomie du savoir, le tourisme est l�une des priorit�s du Qatar, et ce, malgr� la concurrence de pays comme Duba� et Abou Dhabi. En mati�re d�h�tellerie, le Qatar dispose de 11 000 chambres de standing et compte atteindre un total de 90 000 chambres pour l�accueil de la Coupe du monde en 2022. Le nouvel a�roport de Doha devra accueillir 50 millions de passagers en 2015, pour faire de la capitale qatarie un passage oblig� pour les touristes occidentaux se rendant en Extr�me-Orient. Dans le domaine du tourisme m�dical, Doha met aussi le paquet en cr�ant le Sidra Medical and Research Center ; d�un co�t de 8 milliards de dollars ; cet h�pital enti�rement �quip� d�appareils num�riques a pour objectif de drainer des patients des pays du Golfe et d�Asie du Sud-Est. On ne construit pas de m�ga-mosqu�es au pays de l�islamisme pros�lyte. Le pragmatisme qatari est � l�origine du revenu des citoyens estim� � 91 700 dollars par habitant, soit le 2e rang mondial en 2011. Pour se sanctuariser et pr�venir les p�rils putschistes ou du type invasion, Doha a autoris� le transfert, en avril 2003, du centre am�ricain des op�rations de combat a�rien pour le Moyen-Orient de l�Arabie Saoudite vers la base d�Al Oude�d, au sud de Doha. L��mirat marque donc un premier grand point sur l�Arabie Saoudite, mais au d�triment de pays musulmans, car la base d�Al Oude�d servira de quartier g�n�ral pour les op�rations am�ricaine en Afghanistan et en Irak durant le conflit qui a fait pr�s de 2 millions de morts parmi les Irakiens. Les Am�ricains disposent aussi du camp d�As Sayliyah. En plus d�une force de 10 000 soldats, des chasseurs bombardiers F-16 et toute une armada de missiles antimissiles d�ploy�s sur le sol qatari, au large de Doha, mouillent de nombreux navires de guerre et porte-avions am�ricains. Le d�troit d�Ormuz est pr�cieux pour le transfert du p�trole de la r�gion et l�Iran voisin est un ennemi � recr�er ind�finiment, pour les besoins de l�h�g�monie am�ricaine et isra�lienne. La stabilit� de l��mirat qatari ne tient donc pas uniquement au fait que l�argent coulant � flots ait permis d�acheter la paix sociale, et les expatri�s de gagner suffisamment d�argent pour devoir se taire. Ainsi, l��mir Hamad bin-Khalifa Al-Thani, et les membres de la famille r�gnante peuvent dormir tranquilles tant que les Etats-Unis n�ont pas besoin de changer l��quipe. Et tant qu�ils ont la main heureuse en investissement, cette nouvelle boulimie a pris une dynastie inond�e de dollars et sait aussi les faire fructifier. Sur conseil des deux fr�res juifs, David et Jean Frydman(1), l��mir putschiste cr�e Al Jazeera en 1996, la cha�ne qui aussit�t le propulse au rang de g�ant m�diatique avant d�en faire le num�ro un de la propagande et de la d�sinformation : la cha�ne d�fend la d�mocratie en dehors des fronti�res et ne dit mot sur ce qui se passe dans le pays, notamment sur ce million et demi de travailleurs �trangers sans droits, tenus comme des esclaves et h�berg�s dans des conditions atroces, ni sur l�inexistence de partis politiques ou d�un Parlement ni sur les avoirs du pays tenus par une poign�e de personnes qui, certes, ne sont pas avares en mati�re de partage et de droits sociaux au b�n�fice des citoyens nationaux.
A. E. T.
(A suivre) 1)
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