Contribution : L�Alg�rie � l�avant-garde des printemps arabes

Par Abdeslam Bouchouareb
Membre du bureau national du RND,
vice-pr�sident � l�APN
Dans le tumulte des printemps arabes successifs et des sursauts libertaires des peuples arabes, l�Alg�rie semble vivre une situation inexplicable d�insularit� par rapport � cette effervescence historique qui change le visage du monde arabe.
Serait-il que l�Alg�rie soit r�ellement dans une situation d�insularit� politique qui la soustraie au commun arabe ? Serait-il que le peuple alg�rien ne soit pas encore m�r, contrairement � ses fr�res orientaux, pour porter de mani�re d�terminante ses aspirations r�volutionnaires et d�mocratiques ? Poser les questions de cette fa�on, c�est d�ores et d�j� avancer dans le sens d�une meilleure compr�hension de ce contexte particulier qui a fait que l�Alg�rie soit �pargn�e ou ne soit pas concern�e par le ou les printemps arabe (s). Le pass� r�volutionnaire r�cent de l�Alg�rie et des Alg�riens et la dimension de la r�volution alg�rienne dont le lourd tribut a �t� le sacrifice d�un million et demi de martyrs ne laissent pas de doute sur la capacit� et la volont� de cette nation � prendre son destin en main quand cela s�av�re imp�rieusement n�cessaire. N�est-il pas vrai que les Alg�riens ont �mis une tr�s forte volont�, une volont� agissante de changement un certain Octobre 1988 ? L�ouverture d�mocratique qui s�en �tait suivie ne fut pas des plus heureuses, car dans cet �lan pr�coce de construction d�mocratique, il avait �chapp� alors aux principaux acteurs de ces changements tant d��l�ments indispensables � une structuration pacifique de la d�mocratie, � savoir une base �conomique solide qui puisse faire face aux attentes d�une population en tr�s forte augmentation dans un contexte de surendettement et de chute vertigineuse des prix du p�trole, principale source de richesse du pays. Cette approche parcellaire, lacunaire de la d�mocratie a eu pour cons�quence une plong�e du pays dans l�inconnu une d�cennie durant, avec ses lots de morts, de destruction et de d�solation. En voulant r�pondre sans pr�alables, par la d�mocratie, aux attentes populaires, le pays, qui refusa alors de tomber entre les mains de l�obscurantisme int�griste, sombra dans une violence terroriste inou�e, dont le monde ignora longtemps les prolongements et les tenants internationaux. Au sortir de cette crise qui a failli emporter l��difice r�publicain, n��taient encore une fois les sacrifices consentis par les enfants de ce pays, l�Alg�rie est sortie, certes �reint�e et meurtrie par l��preuve, mais �galement m�rie et confort�e dans sa perception du processus de construction d�mocratique, un processus qui doit �tre complet et accompli, conciliant les besoins de libert� et de justice qui en sont l�essence, avec les imp�ratifs de prise en charge �conomique et sociale des populations, tout en favorisant une structuration repr�sentative d�une classe politique sachant porter les aspirations des cat�gories sociales dans le cadre commun du projet r�publicain. Fort de cette vision globale de l��difice d�mocratique, le pr�sident de la R�publique, Monsieur Abdelaziz Bouteflika, �lu en 1999, s�attela � la mise en �uvre de nombreux chantiers qui se compl�tent les uns les autres, tout en �uvrant � concr�tiser, � travers diff�rentes �tapes, la r�conciliation et la coh�sion nationales, noyau de cette entreprise et condition sine qua non pour sa r�ussite, aid� en cela par une embellie des prix du p�trole providentielle propice � un volontarisme financier de l�Etat. Tout est remis en question par une batterie de r�formes jamais engag�es par le pays, touchant la justice, l��ducation, la fiscalit�, le filet social, le syst�me �conomique, la gouvernance locale, etc. Tout cela accompagn� par des programmes successifs de d�veloppement infrastructurel, �conomique et social, portant sur des centaines de kilom�tres d�autoroutes, des millions de nouveaux logements, la cr�ation de dizaines de milliers de nouvelles entreprises et de millions d�emplois, sans oublier les efforts de d�veloppement sectoriel dont la finalit� est l��rection d�une �conomie forte, diversifi�e et cr�atrice de richesses, moins d�pendante de l�exportation des hydrocarbures et de l�importation de biens d��quipement et de consommation. Au jour d�aujourd�hui, un programme de d�veloppement quinquennal est en cours (2010-2014), dot� de 286 milliards de dollars. D�s lors, l�anticipation volontariste et constructive qui proc�de de l��difice d�mocratique en Alg�rie initi�e en 1989, puis reconduite en 1999, ne justifie pas l�utilit� d�un printemps arabe dans notre pays et explique l�absence de mobilisation des masses populaires en Alg�rie, au plus fort des tumultes tunisien, �gyptien et libyen. Au moment o� des jeunes Arabes, les armes � la main, revendiquent les plus �l�mentaires de leurs droits bafou�s des d�cennies durant, l�Alg�rie r�ussissait, pas plus loin que ce mois de mai pass�, le pari d��lections indiscutablement transparentes, mais �galement la gageure de voir �lues, au sein du Parlement, pas moins de 144 femmes. Notre formation, le RND, qui a soutenu le Pr�sident Bouteflika dans sa d�marche ayant permis de forcer la porte du conservatisme anti-f�minin dans le code �lectoral, entend contribuer � la r��dition de cet exploit pour les prochaines �lections communales. De fait, la d�mocratie qui ne donne pas sa place aux femmes dans la vie politique n�est qu�un semblant de d�mocratie. Nous parlons d�une d�mocratie int�gratrice de la majorit� et de toutes les diff�rences qu�elles soient de fondement ethnique, racial ou sexuel. Une d�mocratie qui favorise une participation active de tous � la vie politique � travers une juste repr�sentation partisane ou une action associative dynamis�e et promue dans ses missions et ses finalit�s. C�est d�ailleurs l�absence de toute voie, de tout espace d�expression qui porte les attentes, les dol�ances ainsi que les frustrations des citoyens, qui a favoris� les explosions populaires auxquelles on a assist� � travers les printemps arabes, apr�s avoir nourri, longtemps, les ranc�urs, la haine et l�envie de vengeance. Le monde arabe dont la communaut� de destin est irr�fragable aujourd�hui, a abrit�, des d�cennies durant, des populations frustr�es de n�avoir pu contribuer � imposer, depuis les ind�pendances, la voie arabe dans le r�glement des conflits impliquant la nation arabe. Les �checs successifs, l�impuissance �vidente des gouvernants arabes, voire parfois la conviction des masses arabes quant � la trahison de leurs gouvernants, ont fini par nourrir la certitude, chez ces peuples, qu�ils doivent commencer, pour restaurer leur dignit�, par prendre leur destin en main. Mais au risque de para�tre vouloir occulter l�avenir prometteur sur lequel ouvre le printemps arabe pour ses artisans, il faut bien reconna�tre que les situations nouvelles qui se sont cr��es dans les pays arabes au lendemain des r�volutions suscitent beaucoup d�interrogations et font craindre des �pisodes de nouvelles violences et des d�sordres. S�il ne s�agit peut-�tre l� que de r�pliques naturelles cons�cutives � la secousse r�volutionnaire, il n�en faut pas moins reconna�tre que l�ouverture d�mocratique et la libert� d�expression sont historiquement les filles naturelles de la prosp�rit�, une condition qui a besoin pour advenir de deux �l�ments indispensables : le temps et les moyens. Loin de vouloir, dans cet espace, faire l�apologie de l�autoritarisme, nous nous effor�ons juste de d�montrer, � la lumi�re de l�exp�rience alg�rienne, que la meilleure des constructions d�mocratiques est celle qui advient par la transition pacifique en mettant, de son c�t�, tous les atouts qu�elle peut voir r�duits ou m�me an�antis dans un contexte de violence. L�Alg�rie se trouve � l�avant-garde de la construction d�mocratique dans le monde arabe ; elle a v�cu ce processus dans la douleur et se fait forte d�une exp�rience unique qui nourrit d�sormais aussi une sagesse du peuple qui refuse de parler le langage de la violence et qui manifeste une grande jalousie pour la souverainet� et les constantes nationales, confort� qu�il est de voir donner �cho � ses aspirations libertaires dans tous les domaines de l�activit� humaine.
B. A.

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