Voxpopuli : LA FAÇADE N'APPARTIENT PAS À SON PROPRIÉTAIRE...

Par Farid Ghili
Alors qu'ailleurs, les pouvoirs publics font preuve d'imagination et d'intelligence pour entretenir l'identité et asseoir le cachet de leurs villes historiques, indépendamment des actions ordinaires de préservation et de sauvegarde, devenues des opérations somme toute banales, Alger (l'Algérie devrionsnous écrire) se distingue par une inertie absolue, voire une indifférence coupable, qui ne fait même plus tressaillir nos gouvernants, malgré les signes avant-coureurs d'une catastrophe annoncée.
Cet immobilisme endémique obtient que nous accordons une importance considérable à chaque profession de foi de quiconque promet de mettre fin à la dégradation inexorable et fatalement à la disparition de ce trésor inestimable qu'est le centre historique d'Alger. Alors que la Médina (appelée communément Casbah) vacille comme une flamme prise dans un courant d'air, mais qu'elle refuse obstinément de s'éteindre on ne sait par quel miracle, à moins que ce soit grâce à l'invocation de son saint patron Sidi Abderrahmane, c'est, de nos jours, la ville datant de la période coloniale qui est en péril. «Il faut faire en sorte à ce qu’un nouvel édifice, un nouvel espace aménagé ou autres structures soient adaptés à l’environnement et l’architecture commune de la ville, tout en préservant le cachet d’Alger», a encore récemment proclamé le wali d'Alger, lors d'une récente visite d'inspection à Alger. Dans un premier temps, nous applaudissons des deux mains et saluons cette prise de conscience du premier responsable de la wilaya, qui, outre la réhabilitation du vieux bâti, semble vouloir rompre avec la construction de ces horribles bâtisses, dont la façade (murs rideaux en aluminium, très en vogue actuellement), est un exemple visible. Ces assemblages de constructions hétérogènes qui s'incrustent petit à petit au milieu des immeubles haussmanniens, en dehors de leur apparence inesthétique et sans personnalité, violent allègrement les règles d’aménagement de l'espace urbain et d’architecture, censées donner une cohérence à l'agencement et aux opérations d'aménagement des espaces urbains et à l'architecture de la cité. Dans un deuxième temps, nous restons dubitatifs(1). Car comment ne pas être en proie au doute, habitués, voire résignés, que nous sommes, à ce type de déclaration des grands prometteurs qui, souvent, ne sont que des simples effets d'annonce, sans lendemain, pendant que l'aléatoire et le hasardeux sont entrés dans la norme forgée par des années de désinvolture. La future réalisation au cœur d'Alger( 2) d'un centre commercial, à l'emplacement de l'immeuble démoli, appelé couramment «La Parisienne» nous édifiera sur la volonté réelle de nos pouvoirs publics, non seulement, de mettre résolument à exécution leurs promesses, mais plus que tout, d'appliquer rigoureusement la réglementation. La façade n'appartient pas à son propriétaire, mais à celui qui la regarde, dit un adage. En vertu de ce pouvoir symbolique, nous(3) lançons un appel à tous les «Ponce Pilate» de mesurer le danger qui guette notre cité et prendre, enfin, des dispositions rapidement agissantes, visant la sauvegarde, la revitalisation et la préservation du cachet architectural de l'hyper-centre urbain d'Alger(4), notamment celles concernant les immeubles construits sous le second empire colonial, qui, en raison de leur singularité et leur identité consubstantielles au cadre environnemental, occupent une place éminente dans la représentation du paysage urbain d'Alger.
F. G.
1) L'exemple le plus frappant de ce contresens est la nouvelle bâtisse de style éclectique, dénommée «l'Historial» ou «Maison d'Alger», érigée à la rue Ben M'hidi, inaugurée par le même wali qui promet de préserver le cachet architectural...
2) A l'intersection des rues Didouche- Mourad, El Khettabi, Charras et Monge, quartier typiquement haussmannien, avec quelques édifices épars, d'architecture néomauresque.
3) Algérois, Algériens, habitants d'Alger, de toutes origines, religions, races, langues, histoires, confondus qui avons ras-le-bol de ces promesses de Gascon.
4) Aucun des immeubles (à l'exemple de la Grande-Poste) d'Alger- Centre n'est classé. Le ministère de la Culture, auquel revient la décision, n'a pas entrepris les opérations pour protéger ce tissu qui semble condamné à court terme, avait déclaré récemment un responsable de la commune d'Alger- Centre.





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http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/11/05/article.php?sid=141049&cid=49