Entretien : L�ANCIEN PR�SIDENT DU GROUPE FRANCE-ALG�RIE, BERNARD DEROSIER, AU SOIR D�ALG�RIE :
�L�initiative malheureuse d�un d�put� fran�ais a emp�ch� que le trait� d�amiti� soit sign�


Entretien r�alis� par Fatma Haouari
L�ancien pr�sident du groupe France-Alg�rie, Bernard Derosier, membre du Parti socialiste fran�ais et ancien pr�sident du Conseil g�n�ral du Nord, revient dans cet entretien qu�il nous a accord� sur les dix ann�es durant lesquelles il a activ� au sein de ce groupe � l�Assembl�e nationale fran�aise. Il estime que les relations entre les deux pays aboutiront t�t ou tard � un trait� d�amiti� qu�il souhaite voir se concr�tiser. Il accuse la droite fran�aise d�avoir pris une lourde responsabilit� en votant la loi du 23 f�vrier 2005, reconnaissant les aspects positifs de la colonisation, laquelle loi, selon notre interlocuteur, a contribu� � tendre les relations franco-alg�riennes.
Cette situation, ajoute-t-il, a interrompu un processus qui devait aboutir � la signature d�un trait� d�amiti� entre nos deux pays dont le principe a �t� act� par les pr�sidents Chirac et Bouteflika.
Le Soir d�Alg�rie: Vous avez pr�sid� pendant dix ans le groupe France-Alg�rie � l�Assembl�e nationale fran�aise. Quelle a �t� la motivation derri�re la cr�ation d�un tel groupe ?
Bernard Derosier :
Des groupes d�amiti� entre la France et chacun des pays repr�sent�s � l�ONU sont organis�s � l�Assembl�e nationale fran�aise. L�Alg�rie figure parmi ces pays depuis son ind�pendance. Les d�put�s fran�ais sont nombreux � avoir adh�r� � ce groupe d�amiti�. Ils sont une centaine. Leur motivation est diverse. Certains y voient un moyen de mieux conna�tre l�Alg�rie car ils ont dans leur circonscription d��lection des Fran�ais d�origine alg�rienne ou des Alg�riens qui vivent en France. Pour d�autres, et c�est mon cas personnel, le groupe France-Alg�rie constitue un lieu d�information et d�action pour renforcer les liens entre nos deux pays. Pendant plusieurs ann�es, les relations ont �t� difficiles � �tablir. En effet, l�Assembl�e populaire nationale alg�rienne ne comptait pas de groupe d�amiti� avec la France. C�est r�ellement � partir de 2002, avec Mohamed Abbou puis avec Belkacem Belabes, tous deux d�put�s de la willaya de Relizane, que nous avons v�ritablement d�velopp� les relations entre les deux Assembl�es nationales.
Avez-vous r�alis� les objectifs assign�s � ce groupe ? Si ce n�est pas le cas, quels sont les obstacles que vous avez rencontr�s ?

Incontestablement, au cours des dix ann�es �coul�es, p�riode pendant laquelle j�ai pr�sid� ce groupe, les relations entre les d�put�s alg�riens et fran�ais se sont d�velopp�es. J�aurais aim� aller plus vite et plus loin, mais la �diplomatie parlementaire� a ses limites. Ce sont les positions respectives des gouvernements des deux pays. Ces positions sont motiv�es par le contexte national et international. N�anmoins, les groupes d�amiti�s, tant en France qu�en Alg�rie, ont tout mis en �uvre pour d�passer les difficult�s rencontr�es. Nous nous sommes employ�s, � chacune de nos rencontres, � clarifier les positions de nos gouvernements � partir de discussions franches et toujours positives.
Les relations entre les deux pays ont �volu� en dents de scie, notamment sous la pr�sidence de Nicolas Sarkozy. La droite serait-elle responsable de la d�t�rioration des relations entre l�Alg�rie et la France, notamment apr�s la promulgation de la loi du 23 f�vrier 2005 qui glorifie le colonialisme ?
Y a-t-il eu une proposition pour l�annuler surtout que le gouvernement alg�rien a refus� une proposition de loi par les d�put�s en r�ponse � la loi fran�aise ? La disposition contestable figurant dans la loi du 23 f�vrier 2005 et reconnaissant les aspects positifs de la colonisation a �t� annul�e par le Conseil constitutionnel. Elle n�existe donc plus. C�est une bonne chose. En effet, lorsqu�elle a �t� vot�e par une majorit� de droite, elle a contribu� � tendre les relations franco-alg�riennes. La droite fran�aise a pris une lourde responsabilit� en votant cette loi. C�est ce que j�appelais le �contexte national � dans la pr�c�dente question. Malheureusement, cette situation a interrompu un processus qui devait aboutir � la signature d�un trait� d�amiti� entre nos deux pays. Les pr�sidents Chirac et Bouteflika en avaient act� le principe. L�initiative malheureuse d�un d�put� fran�ais � emp�ch� que le trait� d�amiti� soit sign�. J�esp�re qu�on pourra remettre ce projet en discussion.
La d�cision du pr�sident Fran�ois Hollande de reconna�tre la responsabilit� de la France dans la r�pression d�octobre 1961 a �t� vivement salu�e en Alg�rie. Serait-ce un pr�lude � la requ�te de repentance tant r�clam�e par Alger ou n�est-elle pas � l�ordre du jour de la visite pr�vue en d�cembre du chef de l�Etat fran�ais ?
Le pr�sident Fran�ois Hollande, par sa d�cision historique, a fortement contribu� � t�moigner, vis-�-vis de l�Alg�rie et de son peuple, de sa volont� de passer � une autre �tape des relations franco-alg�riennes. La reconnaissance de responsabilit� ne signifie pas repentance. La France a connu avec l�Allemagne, au cours du XXe si�cle, des p�riodes dramatiques, avec des millions de morts, des comportements inadmissibles de la part des nazis qui pr�conisaient �la solution finale�. N�anmoins, quelques ann�es apr�s la fin de la Seconde Guerre mondiale, la France et l�Allemagne ont sign� un trait� d�amiti�. Je crois possible que cela se r�alise entre la France et l�Alg�rie.
Le ministre des Affaires �trang�re fran�ais, Laurent Fabius, a fait savoir que la France souhaite conclure �un partenariat strat�gique � avec l'Alg�rie mais pas un �trait� d'amiti�, que �ne souhaitent pas les Alg�riens� alors que le ministre d�l�gu� aux Anciens combattants, Kader Arif, avait pour sa part dit �esp�rer que le trait� franco-alg�rien portera le nom de trait� d'amiti�. Pourquoi de telles contradictions dans les d�clarations et pourquoi a-t-on du mal � d�finir la nature des relations entre les deux pays alors que la volont� d�aller vers une normalisation existe ?
Si la volont� de normalisation existe dans chacun de nos pays, c�est d�j� une tr�s bonne chose. � partir de l�, il appartiendra aux gouvernements des deux pays, aux deux pr�sidents, de d�terminer la forme concr�te de cette normalisation. Je pense personnellement et je souhaite que nous ayons un trait� d�amiti�. C�est un objectif � atteindre : les groupes d�amiti� dans chacune des Assembl�es peuvent y concourir.
Selon vous, ce partenariat strat�gique sera effectif dans quels domaines ?
Si c�est un partenariat strat�gique qui est retenu, ce sera une premi�re avanc�e significative. Le travail ne sera pas termin� pour autant. Le mot �strat�gie� a plusieurs d�finitions. Je retiendrai pour ma part celle qui constitue l�art de coordonner des actions pour atteindre un but. Le but, c�est le trait� d�amiti�. C�est dire qu�il faudra donner un contenu au dispositif retenu. Je souhaite qu�il porte sur tous les aspects de la vie collective. Les sujets sont nombreux. Sans en faire une liste exhaustive, on peut imaginer que les domaines �conomique, social, culturel, �ducatif, international figurent dans ce document.
Eu �gard � votre exp�rience en tant qu'ancien pr�sident du groupe France-Alg�rie � l�Assembl�e nationale fran�aise et votre connaissance de l�Alg�rie, envisagez-vous de poursuivre vos activit�s dans ce sens ?
Depuis juin 2012, je ne pr�side plus le groupe d�amiti� puisque je ne suis plus d�put�, apr�s 34 ann�es de vie parlementaire. Cela ne signifie pas que mon vif int�r�t pour les relations franco-alg�riennes a cess�. Il est �vident que j�entends poursuivre des activit�s qui contribueront � ces avanc�es que j�appelle de mes v�ux. Je participerai notamment aux actions de l�association France-Alg�rie que pr�side l�ancien ministre Jean- Pierre Chev�nement. Dans un autre domaine, j�ai �uvr� pour que la willaya de Relizane et le d�partement du Nord signent un acte de jumelage. Cette initiative ne se concr�tise pas aussi rapidement que je le souhaiterais. J�essaierai donc de le faire �voluer. Si d�autres opportunit�s se pr�sentent, je les saisirai bien volontiers.
F. H.

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