Actualit�s : Enqu�te
POUR FAIRE FACE � L��ROSION DU POUVOIR D�ACHAT
Petites bourses cherchent cr�dits


Enqu�te r�alis�e par Fatma Haouari
L'Alg�rie, qui engrange d��normes revenus des recettes p�troli�res, conna�t une extraordinaire ascension de certains groupes sociaux au d�triment des autres, donnant lieu � des disparit�s entre les strates de la soci�t� tr�s nettes au point o� l�on assiste � l��mergence d�une soci�t� � deux coll�ges.
Des Alg�riens, minoritaires, ostentatoirement riches et une bonne majorit� vivant dans la pauvret�. La classe moyenne cens�e maintenir un �quilibre entre les deux cat�gories sociales est lamin�e par la force d�une �conomie effondr�e dans un syst�me rentier qui favorise la pr�dation. Ce paradoxe alg�rien, de pays riche et de peuple pauvre, est on ne peut plus patent sur les m�nages �prouv�s par un pouvoir d�achat en constante �rosion. L�inflation croissante, le ch�mage et l�inaccessibilit� au logement poussent beaucoup d�Alg�riens � chercher des solutions dans le cr�dit et l�endettement mais ils ne sont pas pour autant sortis de l�auberge car les cr�dits les mettent au bout du rouleau. Une spirale infernale dans laquelle se retrouvent beaucoup de gens en l�absence de ressources autres que leur maigre salaire. Un vieux monsieur, rencontr� au cours de notre enqu�te, entonnera cette phrase qui r�sume toute la situation : �On doit se mettre � l�id�e que quand on s�endette, c�est pour tr�s longtemps, et on doit �tre conscient aussi, qu�en bouchant un trou, on en ouvre un autre.� Il est vrai que pour beaucoup de gens qui recourent � l�endettement par le biais des cr�dits bancaires, postaux ou autres, se pr�cipitent sur la signature du contrat sans se soucier des clauses. Ils se contentent de constater les taxes qui sont greff�es avec les taux d�int�r�ts, et les explications que leur donnent les vendeurs rel�vent beaucoup plus du bagout de ces derniers pour convaincre les acheteurs que d�une r�elle volont� de les �clairer sur les dangers de l�aventure qu�ils ont d�cid� d�entreprendre. La v�rit� est que les emprunteurs ne finissent jamais de payer leurs dettes vu que les taux d�int�r�ts sont exorbitants et les d�lais de payement ne sont pas toujours avantageux, ce qui les pousse � s�endetter davantage pour pouvoir payer leurs cr�ances, arriv�es � terme. Une v�ritable quadrature du cercle !
Le d�sarroi des smicards
Tr�s peu de banques accordent des pr�ts aux salari�s, et si elles venaient � le faire, c�est sur la base de justificatifs que doivent fournir les d�biteurs pour le moins qu�on puisse dire dissuasifs. Bien entendu, en premier lieu, le montant affich� en bas d�une fiche de paie est le seul �l�ment qui plaide en faveur du client candidat au pr�t. Plus il est important, plus les chances de voir la couleur de l�argent sont garanties. Autant dire que les petits revenus sont �cart�s de facto. Dans ce cas, que peut-on faire pour se tirer d�affaire financi�rement quand on est dans l�impasse et que notre bourse ne nous permet pas de faire des folies ? Nous r�pondrons � cette question en prospectant le march� et on peut dire, apr�s investigation qu�il existe des formules plus ou moins efficaces, d�autres moins mais ce qui est s�r, les travailleurs alg�riens font preuve de beaucoup de patience et de r�signation face � un gouvernement qui ne sait pas �laborer une politique salariale en rapport avec les v�ritables co�ts de la vie et qu�on en est encore, avec l�opulence des caisses de l�Etat � maintenir un SNMG indigne, au ras des p�querettes alors que les salaires des hauts fonctionnaires et des repr�sentants de l�Etat font de la haute voltige. Mais l� o� le b�t blesse, c�est que beaucoup de travailleurs cens�s toucher un SNMG de 18 000 DA ne le touchent pas avec la b�n�diction du minist�re des Finances. Nous citerons le cas des chauffeurs, agents de s�curit� et agents de service de plusieurs secteurs comme ceux des statistiques, la sant� ou les transports. Quant au secteur priv�, on ne sait vraiment pas sur quelle base sont pay�s les gens qui sont � la merci de certains employeurs esclavagistes qui inventent toutes les astuces pour rogner les salaires de leurs employ�s.
Location de logements
La crise du logement booste le march� locatif de fa�on vertigineuse. Les loyers demand�s par les particuliers d�passent l�entendement, et vu la tension sur les appartements, ces derniers sont pratiquement inaccessibles pour les petits salaires et les salaires moyens. Les jeunes couples, surtout si les deux conjoints travaillent, et les c�libataires recourent de nos jours au cr�dit aupr�s de la Caisse nationale d'�pargne et de pr�voyance (CNEP). La banque accorde un cr�dit plafonn� � 300 000 DA. Il est destin� aux personnes qui d�sirent louer une habitation d�un particulier. Il permet de couvrir le payement anticip� du loyer sur la base d�un contrat bail notari�. Le taux d�int�r�t est de 7,5% hors taxes. La dur�e du cr�dit est fix�e selon la dur�e du bail port� sur ledit contrat. Elle est de 12 � 18 mois. Un diff�r� de remboursement de 3 mois est accord� aux �pargnants. La dur�e de remboursement ne d�passe pas 40% du revenu mensuel du postulant apr�s d�duction des �ch�ances de remboursement dues �ventuellement au titre d�autres pr�ts bancaires contract�s aupr�s de CNEP-Banque ou un autre �tablissement financier. Une police d�assurance-d�c�s couvrant la dur�e du cr�dit doit �tre souscrite avec subrogation au profit de la banque. La mobilisation du cr�dit s�op�re par ch�que libell� au nom du notaire charg� de l��tablissement du contrat de location. Il y a bien entendu un dossier � fournir assez lourd. �Le probl�me, nous dit Amel, originaire de Constantine et travaillant � Alger, est que les d�lais de remboursement sont tr�s courts et c�est un cercle vicieux, car on pense tout le temps � l�ann�e suivante et on ne peut pas pr�parer le loyer pour la prochaine location quand on est tenu de payer le cr�dit qu�on a contract�.� Et d�ajouter : �J�ai eu beaucoup de mal � trouver un propri�taire qui accepte de jouer le jeu car la plupart ne d�voilent pas le v�ritable montant du loyer sur le contrat de location. Ce dernier est port� � 5 000 DA quel que soit l�appartement pour ne pas payer d�imp�ts.�
Les usuriers sont de retour
Notre enqu�te sur le terrain nous a r�v�l� des pratiques dignes d�un autre si�cle comme celui du recours aux usuriers, un m�tier pourtant banni aussi bien par la loi que par la religion musulmane ; pourtant, les Alg�riens dans le besoin n�h�sitent pas � enfreindre un pr�cepte religieux pour tirer leur �pingle du jeu. C�est le cas de Hamid, chauffeur de taxi. Sa voiture a commenc� � �se faire vieille� et tombait souvent en panne. Ayant � charge une famille de quatre enfants ainsi que ses vieux parents, il avait beaucoup de mal � joindre les deux bouts. �Ce que je gagnais, nous a-t-il dit, je le d�pensais en r�paration. J�ai donc d�cid� de vendre ma vieille voiture et d�en acheter une autre. Je n�avais pas le compte et je me suis adress� � quelqu�un, connu dans le quartier qui emprunte de l�argent aux gens dans le besoin. J�ai c�d� ma voiture pour des clopinettes. J�ai eu beaucoup de mal � la fourguer surtout que maintenant presque tout le monde roule en voiture neuve. J�avais besoin d�argent en urgence sinon ma famille risquerait de crever de faim. L�homme en question m�a fait signer une reconnaissance de dettes et a compl�t� la somme manquante pour que je puisse acqu�rir mon nouveau v�hicule. En fait, j�ai accept� le deal qui n��tait pas tr�s net, car il fallait d�s le premier mois de la reprise du travail, lui donner 30 000 DA par mois pendant trois ans. Je suis toujours en train de payer mes dettes.� �En fait, ajoute Hamid, je dois payer le double de la somme que j�ai contract�e�. L�usure est courante m�me si elle se fait de fa�on discr�te et elle tend � prendre de l�ampleur.
Les appareils �lectrom�nagers ont la cote
Les cr�dits accord�s par des fournisseurs �trangers qui travaillent en �troite collaboration avec des magasins sp�cialis�s dans la vente des appareils �lectrom�nagers ont trouv� un filon en or, d�un c�t� pour �couler leurs marchandises et, d�un autre, pour gagner un argent fou car, au bout du compte, le prix d�un appareil revient deux fois plus cher si ce n�est plus quand il est vendu � cr�dit. Autant dire que le citoyen est saign� quoi qu�il fasse m�me si le baratin des vendeurs les assure du contraire. Ce n�est qu�en commen�ant � payer que les clients se rendent compte qu�ils devront se serrer la ceinture jusqu�� l��tranglement pour honorer leurs factures. Nous nous sommes rendus dans l�un de ses magasins qui se sont sp�cialis�s dans ce cr�neau, situ� au boulevard Amirouche � Alger. Il ne fait que de la vente par �facilit� de paiement� et depuis plusieurs ann�es d�j�. Une affaire qui marche bien. Son g�rant nous dit : �Nous avons beaucoup de clients qui s�adressent � notre magasin. Principalement des retrait�s et des jeunes couples mari�s ou sur le point de l��tre mais globalement il y a une bonne flop�e de client�le de diff�rents �ges.� Il nous explique que �seuls les ch�ques postaux sont accept�s. Un �ch�ancier est �tabli selon la valeur du produit achet� et cela varie entre 12 et 24 mois�. �Le dossier � fournir est constitu� d�une photo, d�un extrait de naissance, des trois derni�res fiches de paie en plus du relev� de compte des trois derniers mois, d�un certificat de r�sidence, d�une copie de la pi�ce d�identit� et d�un ch�que CCP. Un contrat est sign� apr�s le d�p�t du dossier.� Un vieux retrait� rencontr� sur place est venu acqu�rir un r�frig�rateur de marque �trang�re. Interrog� sur l�achat qu�il d�sire faire et si c��tait avantageux, il nous r�pond : �Je viens acheter un r�frig�rateur car l�ancien est tomb� en panne. Il est irr�parable. L�ann�e pass�e, j�ai achet� une cuisini�re mais je trouve que le taux d�int�r�t est exorbitant.� Le g�rant reconna�t que �les taux d�int�r�t pratiqu�s sont tr�s �lev�s. Ils peuvent aller jusqu�� 50%, voire plus du co�t global mais cette formule reste int�ressante pour nos clients qui ne peuvent pas acheter cash. Nous faisons du commerce et c�est tout � fait normal qu�on compense sur les d�lais de paiement�.
Pr�t sur gage, un cr�dit social qui a ses limites
Cr�� par l�Eglise � travers les monts de-pi�t� pour contrecarrer les usuriers juifs qui ruinaient les chr�tiens pauvres, le pr�t sur gage est tr�s d�velopp� en Am�rique latine et en Europe. Il existe m�me une association internationale du pr�t sur gage. Ce dernier est une issue de secours pour ceux qui ne disposent pas de ressources. En Europe, le pr�t sur gage est pratiqu� de fa�on tr�s large et sur tous les objets de valeur. En plus des bijoux, on citera les gemmes, les tableaux, le mobilier, ainsi que la vaisselle de luxe. En Alg�rie, il n�existe pas de structures de ce genre hormis la Banque de d�veloppement local (BDL) qui pratique le pr�t sur gage mais � une �chelle tr�s r�duite. Seul l�or peut ouvrir droit � un cr�dit. La banque publique a h�rit�, d�s sa cr�ation, des ex-caisses des cr�dits municipales en 1985. C�est un legs fran�ais. Selon un ancien dirigeant de la BDL, �les pouvoirs publics de l��poque n�ont pas voulu dissoudre cette formule pour son utilit� publique�. Il nous explique qu��on a mis en place une gestion informatis� des gages avec une fiche technique o� est inscrit le gage avec le nom du client, la date de d�p�t ainsi que le num�ro de r�f�rence. Le bijou est pes� mais c�est le prix du cass� qui lui est appliqu�. Le responsable poursuit : �On accorde sur les bijoux une avance de 25%. La valeur est plafonn�e � 150 000DA mais le taux d�int�r�t du pr�t reste relativement �lev� puisqu�il est de 10%.� Souvent les clients peinent � rembourser leurs pr�ts, les bijoux sont alors mis en vente aux ench�res. Apr�s la vente, �la banque r�cup�re l�avance et les charges�, conclut notre interlocuteur en attestant de l�ampleur du ph�nom�ne qui est tr�s patent durant le mois de Ramadhan et durant les f�tes et la rentr�e sociale. Ce sont des milliers de gages enregistr�s annuellement et qui constituent une manne consid�rable pour la banque car en mati�re d�int�r�ts elle gagne �norm�ment. Certains m�me nous ont dit que les �d�p�ts de la banque rec�lent une fortune inestimable d�or d�tenu dans les locaux qui ne peuvent plus le contenir � cause de leur exigu�t�.
Cr�dit automobile, oui mais�

La suppression des cr�dits � la consommation apr�s la d�ferlante qui a vu les Alg�riens acqu�rir des v�hicules a �t� une v�ritable d�ception pour beaucoup de gens qui ont rat� le coche et qui r�vaient de poss�der une voiture, � d�faut de pouvoir acqu�rir un logement. Si le gouvernement n�a pas r�v�l� les motivations d�une telle d�cision, certains observateurs la qualifient de politique et l�imputent aux pratiques douteuses des banques �trang�res qui ont trouv� dans cette formule un moyen d�instituer une arnaque � grande �chelle. Du coup, ces dispositions restrictives ont oblig� les m�nages � se retourner vers des solutions tr�s contraignantes pour acqu�rir des biens m�me si le mot �biens� est d�mesur�. Si aujourd�hui le Cnes ainsi que l�UGTA plaident en faveur de son retour, ce n�est pas fortuit, car les salaires sont trop bas et ne permettent pas une vie d�cente. Aujourd�hui, force est de constater que tr�s peu d�issues s�offrent aux petites bourses. Pour ce qui est de l�acquisition de voitures, ce n�est pas non plus la joie. Sur ce registre, seul le groupe Mazouz propose une sortie de secours. Nous nous sommes d�plac�s � l�un de ses showrooms situ� au Caroubier, � Alger. Sur place, l�accueil est agr�able et les charg�s de clients mettent � l�aise le public qui vient s�informer. Les v�hicules de marque Cherry sont expos�s et minutieusement �fouill�s� par les visiteurs qui n�h�sitent pas � glaner le moindre d�tail sur ces voitures qui sont � leur port�e. Plusieurs mod�les attirent la curiosit�. De la petite QQ � 410 000 DA � la Tiggo estim�e � 1 661 200 DA, le choix est tributaire, bien entendu, de ce qu�on a th�sauris� dans son escarcelle. L�avantage est, sans conteste, le cr�dit sans int�r�ts avec livraison imm�diate. Cela semble presque irr�el tant le secteur automobile est verrouill� pour les bas salaires. Et pourtant, au showroom, on vous assure que les v�hicules sont fabriqu�s selon une haute technologie allemande et qu�il n�y a aucune arnaque derri�re pour ceux qui ont des doutes sur la marque qui reste m�connue par rapport aux grandes marques mondialement renomm�es et qui ont pignon sur rue dans notre pays. Selon un charg� de clients, �le cr�dit s�adresse aussi bien aux salari�s, aux retrait�s qu�aux commer�ants. Un apport initial est obligatoire et le paiement se fait par trimestre ou par mois. C�est au choix du client mais le montant n�est bien entendu pas le m�me. Il triple quand il est trimestriel �. La formule a ses bons c�t�s, seulement, nous avons constat� que la taxe sur le v�hicule neuf n�est pas incluse dans le prix ainsi que les d�lais de paiement qui sont tr�s courts car ils ne d�passent pas un an et demi. La mensualit� est importante pour ceux qui n�ont d�autres ressources que leurs maigres salaires.
F. H.

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