
Voxpopuli : ALGER-CENTRE Entre le souk et le bling-bling
La nouvelle politique urbaine des
grandes agglomérations, entamée à la fin des années 90, n'était autre
que cette stratégie de reconquête des grandes artères de la ville par
des acteurs économiques avides de profits substantiels. Le premier
palier de la mise en œuvre d'un système perfide commença par le supposé
dynamisme immobilier dont les contours étaient de remplacer les
populations des quartiers populaires par des catégories sociales plus
aisées, favorisant ainsi l'absence de mixité sociale. Le déplacement
graduel du champ de l'action publique vers la sphère privée suscita le
phénomène identique à celui du passage brusque d'une économie
centralisée à une économie de marché. Si nous prenons comme exemple, la
ville d'Alger et ses principales rues : Didouche- Mourad,
Larbi-Ben-M'hidi, Abane-Ramdane, l’avenue Pasteur, les boulevards
Colonel-Amirouche, Khemisti, Ben-Boulaïd..., la «gentry» s'activa à
faire disparaître : activités artisanales, ludiques, lieux de rencontres
et de convivialité, les grands magasins d'Etat, les commerces de
proximité, centres de services, démolition d'immeubles mythiques en
attendant ceux qui vont suivre. Très fréquentées du temps de leur
splendeur, ces rues en continuelle effervescence, tôt le matin et tard
la nuit, citadins, visiteurs et touristes étaient comblés de bonheur.
La logique du «commercialisme»
Tout a été soufflé comme par une tempête du 42e parallèle dont la
puissance dévastatrice et la métamorphose qui s'en suivit dans le
comportement humain, inspira le roman de J. Dos Passos. Tout fut
remplacé par des boutiques branchées à 70 % vestimentaires, les 30 %
restants en bijouterie orfèvrerie, téléphonie mobile, pâtisserie
tendance... Le centre-ville transformé en zone de chalandise blingbling,
le citoyen lambda ne s'y rend plus sauf par nécessité, comme se faire
délivrer un acte de naissance auprès de l'annexe de la grande mairie ou
pour mission de travail s'il n'a pas été remercié moyennant une
misérable indemnité ou mis en retraite anticipée lors de la vague de
dissolutions d'entreprises publiques. L'image que se faisait le peuple
de lui-même et ses aspirations ne s'exprimaient pas seulement dans des
formes politiques, mais aussi dans des objectifs définis
d'épanouissement culturel. En outre, la lutte longue et énergique qu'il
mena pour sa liberté sous la direction des grands hommes le confirma
dans ses buts et dans ses méthodes et donna un caractère unique à la
grande Révolution algérienne. Le travail, le bonheur et le bien-être
pour tous. Les temps ont changé depuis lors, nous nous retrouvons devant
un système nouveau qui s'est mis en place, qui bafoue et les espérances
et l'espoir. Le matérialisme commercial. Pour une logique de
«commercialisme», nous baignons en plein dedans. Gouvernés par la
logique du seul profit et non de la prospérité. L'argent est au sommet
de toutes les valeurs. Comme disait A. Blanqui dans la critique sociale
: «Le vampirisme a fait évanouir un si beau rêve. L'accumulation du
capital s'est opérée non par l'association, mais par l'accaparement
individuel, aux dépens de la masse, au profit du petit nombre.»
L'histoire montrera que la grande révolution industrielle qui
considérait le travail, l'épargne, les investissements prudents comme
des vertus morales et qui craignait que l'oisiveté, le temps libre
n'engendre le gaspillage frivole et la paresse, fléaux qui auraient
corrompu la population et miné son courage, la culture des loisirs et le
mode de vie devinrent une réalité chez les masses, les communautés de
biens et d'intérêts éprouvèrent le besoin d'enseigner au peuple son bon
usage et entreprirent de lui en donner les moyens.
Bob. Med (Belcourt)
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