Contribution : Les p�les de comp�titivit� sont-ils pensables en Alg�rie ?

Par Kamel Khelifa *
P�le de comp�titivit�, p�le de comp�tence et p�le d�excellence sont des initiatives de gestion modernes prises aux niveaux r�gional, communal, sectoriel, etc. Ils sont soutenus par des PPP (partenariat/public/priv�) et du mouvement patronal, syndical et associatif. Ces p�les sont install�s dans une zone industrielle, une commune, une r�gion, un secteur d�activit�, par exemple : les exportations, le tourisme, etc. ; une fili�re (dattes, agrumes, olives, etc.)
Tels sont les d�fis qui attendent le gouvernement alg�rien pour stimuler les synergies n�cessaires entre l�entreprise alg�rienne, l�environnement administratif et les �tablissements de formation technique et universitaire. Mais cela suppose une prise de conscience collective afin que les nombreux pr�alables, faisant obstacle � l��volution de notre pays en la mati�re, soient lev�s. Les p�les de comp�tence et d�excellence �tant une autre dimension de la comp�tition �conomique mondiale, attardons-nous dans cette r�flexion � la comp�titivit�, grand sujet d�actualit� dans le monde en raison des concepts nouveaux qui se font jour. Plac�s dans un m�me espace de formation, de recherche, d�industrie, de travail, les p�les de comp�titivit� consistent en la mutualisation des connaissances et du travail. Le concept est n� au Japon, puis il fut relay� par les Etats-Unis sous le vocable de cluster. Les p�les de comp�titivit� se sont depuis une dizaine d�ann�es g�n�ralis�s � travers l�ensemble des pays europ�ens, en Chine et dans un certain nombre d�autres pays �mergents comme l�Inde, le Br�sil, etc. Ces clusters sont d�finis comme �tant le regroupement sur un m�me territoire d�entreprises, d��tablissements d�enseignement sup�rieur et d�organismes de recherche publics et priv�s qui ont vocation � travailler en synergie pour mettre en �uvre des projets de d�veloppement � travers l�innovation. Dans ce cadre, ils b�n�ficient de subventions publiques et d�incitations fiscales, dans le but de rendre l��conomie plus comp�titive. En somme, c�est la combinaison de trois �l�ments appel�s aussi cha�ne des valeurs : entreprises/ formation-universit�/centre de recherche install�s sur un m�me territoire. La comp�tition entre pays est tellement rude que ceux-ci ne cessent de s�adapter � travers la cr�ation d�un environnement favorable assis sur trois crit�res : le partenariat/ l�innovation et la visibilit� en vue de la recherche de gains de productivit�. Les conclusions du rapport Gallois propos� ces jours-ci au gouvernement fran�ais en donne une bonne illustration. La Chine a de son c�t� cr�� des dizaines de p�les de comp�titivit� pour faire en sorte que �le plus grand atelier du monde� devienne le premier laboratoire de la plan�te avec des co�ts du travail inf�rieurs � ceux de ses concurrents �conomiques. Voil� un des secrets de la r�ussite de la comp�titivit�, but d�ailleurs vers lequel tendent majoritairement les pays d�velopp�s et de plus en plus de pays �mergents. Notre pays peut-il s�inscrire dans cette dynamique ? Des intentions se manifestent ici et l� par des universit�s et des entreprises timidement, pour ne pas dire sans trop de conviction en l�absence de vision politique globale, de sch�mas strat�giques industriels, de d�centralisation effective (ou � d�faut de d�concentration) des centres de d�cision au niveau r�gional ou des wilayas et supposant par cons�quent de v�ritables plans directeurs sectoriels et spatiaux. Il faut dire aussi que les entrepreneurs alg�riens et m�me les universitaires ne perdent pas de vue l�environnement socio�conomique national dont le moins que l�on puisse dire est qu�il est peu favorable � l��volution de l�entreprise (Cf. pr�c�dent article de l�auteur intitul� �Point de vue sur la pol�mique entre universitaires alg�riens au Canada�, in le Soir d�Alg�riedu 24 septembre 2012). Jugeons-en, � travers les classements de l�Alg�rie dans un certain nombre de domaines ayant un rapport avec l�universit�, l�entreprise, le travail et l�indice de d�veloppement humain du pays. - Dans le classement 2012 du Doing Business de la SFI (Soci�t� financi�re internationale, filiale de la Banque mondiale), l�Alg�rie se situe � la 152e position sur 171 pays, en mati�re d�efficience de l�administration, dans les domaines de la fiscalit�, du climat des affaires, du commerce ext�rieur, de la cr�ation d�entreprises, etc. Dans le cadre de la r�gion Mena (Moyen- Orient/Afrique du Nord), notre pays se situe loin derri�re l�Arabie Saoudite (22e) et m�me les territoires palestiniens (Cisjordanie et Ghaza) class�s � la 135e position... Ce sont surtout les proc�dures (14 contre 8 pour la zone Mena) qui sont point�s du doigt par ce rapport. En effet, celui-ci place l�Alg�rie, en mati�re administrative, � la 165e position sur 171; le raccordement de l��lectricit� est de 159 jours, alors qu�il en faut la moiti� dans la zone Mena et son prix est plus �lev� de 40% que la moyenne de la zone du Moyen-Orient/Afrique du Nord�C�est quand m�me un comble de relever qu�un pays r�put� pour ses ressources �nerg�tiques vend de l��lectricit� � des tarifs plus prohibitifs que des pays similaires, sans que ceux-ci aient les potentialit�s naturelles leur permettant d�en produire autant, comme c�est le cas � titre d�exemple de la Jordanie ou des territoires palestiniens ; que chez nous le transport et la distribution de ce produit en Alg�rie �taient assur�s de fa�on fiable et continue : les coupures chroniques de l��lectricit� sont une constante dans notre pays, depuis la fin des ann�es 1960, et les fr�quentes pannes de courant �lectrique sont accentu�es, durant cette derni�re d�cennie, sous des pr�textes de d�lestage. Notons que le d�lestage n�est ni plus ni moins qu�une technique de gestion, existant dans le monde entier sans aucun inconv�nient, consistant en l�arr�t volontaire des approvisionnements d�un quartier pour r�tablir instantan�ment l��quilibre entre la production et la consommation. Mais d�une fa�on g�n�rale, le consommateur ne s�en rend pas compte et encore moins d�en p�tir � ce point. Voil� qu�une technique de gestion routini�re est pr�sent�e aux consommateurs d��nergie comme la mer � boire� Heureusement que notre pays ne se trouve sur les routes des typhons, des tornades et des ouragans du genre Katarina, Cindy, etc., sinon nos populations seraient totalement priv�es des bienfaits de la civilisation� Cette r�alit� n�est pas propre � la fourniture chaotique de l��lectricit� par Sonelgaz et ses services annexes et connexes, ou encore � la distribution de l�eau r�guli�rement rationn�e dans certains quartiers et autres villes et villages du pays, depuis une quarantaine d�ann�es� Cette r�alit� des pays arri�r�s est confort�e aujourd�hui par les arr�ts techniques r�currents du r�seau informatique d�un certain nombre d�institutions et d�organismes, tels la Cnas, Alg�rie Poste, Internet, Air Alg�rie, etc. Alg�rie Poste, soci�t� commerciale, plac�e en position de monopole dans toutes les relations du Tr�sor avec les citoyens pour les paiements des salaires des fonctionnaires, des retrait�s, etc., soumet � une v�ritable torture ses clients avec ces fr�quentes pannes quotidiennes du r�seau pour le moins incompr�hensibles. Quelle est la finalit� de l�informatisation des syst�mes de gestion sinon de r�duire les pertes de temps et de comprimer les co�ts ? Et on s��tonne de l�extr�me mobilit� des Alg�riens, qui passent une grande partie de leur existence en dehors de leur lieu de travail, au point de provoquer la congestion des services administratifs, des embouteillages monstres des trottoirs et d�encombrements sans �quivalent des chauss�es par les voitures� Tout le monde court dans tous les sens, en qu�te de solutions � des probl�mes bureaucratiques qu�il n�aurait jamais d� conna�tre avec des m�thodes de gestion plus appropri�es, des comp�tences av�r�es aux commandes, des syst�mes de contr�le assortis de sanctions positives et n�gatives des responsables... Si l�informatisation des donn�es, des syst�mes de gestion des r�seaux des institutions, des organismes et des entreprises parapubliques �taient g�n�ralis�e et plus fiables, sans doute que l�Alg�rie pourrait pr�tendre r�duire la masse de paperasses en circulation et par cons�quent limiter la mobilit� autant co�teuse qu�inutile des gens. Je profite au passage pour poser la question de savoir � quand l�application du NIS (Num�ro d�identifiant social) dont l�existence l�gale est consacr�e dans des textes en souffrance � ce jour, comme tant d�autres lois qui attendent depuis des ann�es des d�crets ex�cutifs� Comme autre carence signal�e par le rapport de la SFI, il appara�t que la pression fiscale subie par les entreprises alg�riennes se situe � 72% du profit net, tandis que la moyenne des pays de la m�me zone est plafonn�e � 32% ; repr�sentant la moiti� vers�e par les entreprises d�un Etat comme l�Alg�rie qui b�n�ficie de la manne c�leste... S�agissant des op�rations du commerce ext�rieur alg�rien, le rapport de la filiale de la Banque mondiale indique que les co�ts � l�export sont au m�me niveau que les co�ts � l�import et ils sont trois plus �lev�s qu�en Tunisie et au Maroc� voil� une autre explication entre autres au fait que les exportations hors hydrocarbures sont � un niveau insignifiant, soit 3% en comptant les sous produits p�troliers. - Le classement des universit�s alg�riennes est encore plus alarmant. En effet, la meilleure universit� alg�rienne, en l�occurrence celle de Tlemcen, appara�t � un niveau moyen en Afrique dans le Top 100 et il y en a deux qui sont litt�ralement les derni�res du continent. Cf. �tude 2012 du Centre Shanghai-Jiao Tong. A titre d�exemple l�Universit� d�Alger, qui compte parmi les mieux plac�es des universit�s alg�riennes, est class�e � la 6 275e place sur 12 000 universit�s mondiales et elle est recens�e � la 75e sur 100 universit�s en Afrique ; c�est dans la tranche des 6 000 � 10 000 que figurent le gros de nos universit�s, en compagnie des pays les moins avanc�s : B�ja�a (Mira) 7 441; Polytechnique d�Alger 7 627; Ecole des travaux publics 7 836 ; Tizi-Ouzou (Mouloud-Mammeri) 7 872 ; Laghouat (Telidji) 8 849 ; Skikda 9 257 ; M�sila 9 783� La comp�titivit� est �galement intimement li�e � l�innovation. Voil� un chiffre qui donne le tournis : en mati�re d�innovation, autre crit�re de qualification des entreprises et des universit�s, notre pays se situe � la 128e sur 128 pays derri�re le Niger, le Tchad...Dans les d�p�ts de brevets en particulier et de l�invention d�une mani�re g�n�rale, sur 63 millions de brevets d�pos�s � ce jour dans le monde, l'Alg�rie en compte 6 000, dont 80% sont d�pos�s par des �trangers, soit un millioni�me ; notons que la population alg�rienne repr�sente, si on compte les Alg�riens vivant � l'�tranger, pas loin de 1 milli�me de la population mondiale... Mais en mati�re de d�p�ts de brevets en Alg�rie, ces chiffres classent notre pays � la derni�re position mondiale en 2012... (Cf. maghrebmergent, selon des sources Inapi). Il semble, d�apr�s ce rapport, que les inventeurs alg�riens n�aient pas confiance dans le brevetage en Alg�rie, alors qu'un seul ressortissant de ce pays, le chercheur Belkacem Habba, vivant aux UEtats-Unis d�tient � lui seul 500 brevets� Combien sont-ils les g�nies alg�riens qui �enrichissent� le reste du monde ? Leur nombre est incalculable et leurs inventions insoup�onn�es. Quant � l�utilisation d'internet, l'Alg�rie est class�e � la 176e position mondiale sur 178 pays, �soit la derni�re au monde parmi les pays concern�s par le test en mati�re de d�bit Internet� (Cf. www.netIndex.com) ; une source pour les statistiques globales � larges bandes, compil�es � l'aide de plus d'un milliard de r�sultats recueillis � partir de speedtest.net qui r�v�lent ces donn�es sur son site. Dans le dernier classement de 2012, l�Alg�rie vient d��tre class�e � la 120e position sur 135 pays par le World Economic Forum, dans le cadre des in�galit�s entre sexe dans le monde : se situant ainsi dans le dernier carr�, en mati�re de r�duction d�in�galit�s entre genres. Ce classement �tabli � travers the Global Gender Gap Report (rapport sur les �carts entre genres) classe les pays selon leur capacit� � r�duire les in�galit�s entre les sexes dans quatre principaux domaines : la sant� et la survie, l�acc�s � l��ducation, la participation politique et l��galit� �conomique. En mati�re de disparit�s �conomiques, notre pays accuse un grand retard et le rapport fait ressortir de plus grandes in�galit�s entre Alg�riens et Alg�riennes ; en l�esp�ce l�Alg�rie occupe une peu glorieuse place de 131e sur 135 pays. Selon ce rapport, �les donn�es indiquent une profonde corr�lation entre les pays les plus aptes � r�duire les in�galit�s entre les sexes et les pays les plus comp�titifs au plan �conomique�. Force est d�admettre que ces classements attestent si besoin est que notre pays est loin d�avoir r�uni les conditions lui permettant de s�assurer une place, au plan de la comp�titivit� et de la comp�tence, dans un monde �conomique et commercial inexorablement mondialis� et globalis�. N�est-ce pas de ce c�t� qu�il faut aussi chercher les raisons qui font que l�Alg�rie reste en marge du processus d�adh�sion � l�OMC ? Une organisation mondiale qui compte d�sormais 153 membres, repr�sentant 90% du commerce mondial. Ceci pour situer l�ampleur de la t�che du nouveau gouvernement de Abdelmalek Sellal, qui h�rite d�une situation �conomique pour le moins catastrophique, attest�e � cet �gard par des chiffres t�tus...
K. K.
* Auteur, consultant

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