
Culture : Le coup de bill’art du Soir D’Attica à In Amenas
Par Kader Bakou
Trois œuvres audiovisuelles parlent de la prise d’otages dans le centre
correctionnel d’Attica, dans l’Etat de New York, aux Etats-Unis : le
téléfilm Attica de Marvin J. Chomsky (1980), La Révolte d'Attica de John
Frankenheimer, sorti en 1994, et le documentaire Attica, réalisé en 1974
par Cinda Firestone. La mutinerie de la prison d’Attica a eu lieu du 9
au 13 septembre 1971. Majoritairement organisée par des détenus noirs,
cette mutinerie a eu lieu dans un contexte de conflit exacerbé par la
question des droits civiques et du racisme. Mais c’est Sam Melville,
détenu blanc anti-raciste condamné pour une série d'attentats, qui est
l'un des initiateurs du mouvement de protestation, aux côtés d'Akil Al-Jundi.
Flashback : le 21 août 1971, George Jackson, qui avait rejoint en prison
le Black Panther Party (BPP), est tué dans la cour de la prison de San
Quentin en Californie lors d'une tentative d'évasion. Sa mort provoque
un mouvement de protestation dans la prison d'Attica. Le lendemain, 800
prisonniers portent un brassard noir en signe de deuil et refusent de se
nourrir au petitdéjeuner. Progressivement, les revendications s’étendent
aux conditions de détention. Les détenus critiquent également le racisme
des gardiens. Après des rumeurs de torture de deux prisonniers, les
détenus se révoltèrent le 9 septembre 1971, s'emparant de la cour du
bâtiment D en prenant quarante-deux gardiens et civils en otage. Leur
déclaration affirme, notamment : «Nous sommes des êtres humains ! Nous
ne sommes pas des bêtes et n'acceptons pas d'être traités et brutalisés
comme tels. (…) Nous avons exprimé des revendications qui nous
rapprochent du jour où ces institutions carcérales, qui ne sont d'aucune
utilité pour le peuple américain et servent uniquement à ceux qui
voudraient asservir et exploiter la population d'Amérique, disparaîtront
enfin.» Les mutins négocièrent avec une équipe de médiateurs qui
comprenait, entre autres, Tom Wicker, rédacteur du New York Times, James
Ingram du Michigan Chronicle, le représentant de l'Etat Arthur Eve,
l'avocat engagé William Kunstler ainsi que des membres des Young Lords
et des Black Panthers. Le 11 septembre, un garde blessé lors de l'émeute
est mort à l'hôpital. 28 demandes des prisonniers furent acceptées. Mais
la revendication d'amnistie pour les prisonniers impliqués dans la mort
du gardien fut refusée, de même que le transfert des mutins dans des
pays tels que l’Algérie ou Cuba. Les autorités ajoutent que tout
prisonnier impliqué dans la mort du gardien serait passible de la chaise
électrique. Après quatre jours de mutinerie, plus de 500 militaires
prirent la prison d'assaut. Le bilan final fut de 10 gardiens tués (dont
9 lors de l'assaut, touchés par les tirs des militaires) et de 29
prisonniers (4 prisonniers ont été tués par leurs codétenus, les 25
autres, dont Sam Melville, par les militaires). Le bilan est donc de 39
morts dans une prise d’otages où les mutins n’avaient même pas d’armes à
feu. Ce tragique événement est représenté dans les chansons Attica State
de John Lennon en 1972 et dans The Hostage de Tom Paxton qui présente le
point de vue d'un des gardiens otages. La mutinerie d'Attica a aussi
inspiré la composition de Charles Mingus Remember Rockefeller at Attica
(Nelson Rockefeller était gouverneur de l’Etat de New York à l’époque).
Un album de 1972 du saxophoniste de jazz Archie Shepp est intitulé
Attica Blues. En 1972, le compositeur Frederic Rzewski avait écrit deux
pièces, Coming Together et Attica, qui comportent des extraits de
lettres de Sam Melville. La mutinerie est également mentionnée dans le
poème d'Allen Ginsberg Hadda Been Playing on the Jukebox, présenté par
Rage Against the Machine.
K. B.
bakoukader@yahoo.fr
|