
Voxpopuli : La guerre au Mali : un remake de la conquête de l’Algérie
Comme
dit l'adage, il faut connaître le passé pour comprendre le présent et
deviner l'avenir. Lors de l’intervention militaire française au Mali, le
président français a déclaré : «La France ne restera pas plus longtemps
que nécessaire au Mali.» Cette déclaration ressemble à celle qui a été
faite par Charles X à la veille de la conquête de l'Algérie. En fait, il
y a beaucoup de points communs entre la guerre menée au Mali en 2013 et
la guerre menée contre l’Algérie en 1830.
La conquête de l’Algérie
Ce n'est pas pour un coup d'éventail qu’on mobilise 104 navires de
guerre et 535 navires de commerce. Balzac disait : «Il y a deux
histoires : l'histoire officielle, menteuse, puis l'histoire secrète, où
sont les véritables causes des événements? » L’une des principales
causes de la prise d’Alger est l’existence du trésor du dey, un trésor
évalué entre 200 et 500 millions de francs. Suite au coup d'éventail en
1827, Alger a été soumise à un blocus maritime imposé par la France. Ce
blocus a duré trois ans. Avant le lancement de l’assaut, les
envahisseurs ont adressé cette proclamation aux Algériens : «Nous, les
Français, vos amis, partons pour Alger. Nous allons en chasser les
Turcs, vos tyrans… Nous ne conquérons pas la ville pour en devenir les
maîtres. Nous le jurons par notre sang… Soyez unis à nous, soyez dignes
de notre protection et vous régnerez comme autrefois dans votre pays,
maîtres indépendants de votre patrie… Les Français agiront avec vous
comme ils agissaient, il y a trente ans, avec vos frères bien aimés les
Egyptiens. Nous nous engageons à respecter vos trésors, vos propriétés
et votre sainte religion… Venez à nous, vous nous ferez plaisir et votre
amitié sera avantageuse… Nous vivrons en paix pour votre bonheur et pour
le nôtre.» (voir le livre de Michel Habar Histoire d’un parjure-paru aux
Editions Anep en 2007). Pour faire main basse sur le trésor de la
Régence d’Alger, l’armée française a utilisé le rapport d’espionnage
établi en 1808 par le colonel Boutin à la demande de Napoléon. Préoccupé
par les Russes, Napoléon a alors remis son projet de guerre en Algérie.
En examinant de plus près les circonstances de la conquête française de
l'Algérie, il s’avère que les principaux acteurs responsables du plus
grand hold-up du XIXe siècle sont : 1) Les Bacri, riches commerçants,
chefs de la communauté juive d’Algérie et banquiers des deys qui ont
gouverné Alger. Les Bacri ont appauvri la population pendant le blocus
maritime, entre 1827 et 1830, afin de susciter le mécontentement et des
émeutes, ils ont également collaboré avec les Français après le
débarquement ; 2) les Rothschild, chefs de la communauté juive de France
et banquiers des rois de France. Ils ont financé l’expédition militaire
et mobilisé les lobbies européens sous leur influence pour réussir le
crime parfait ; 3) Talleyrand, un politicien hors norme. Il a été
ministre français des Affaires étrangères entre 1814 et 1815. Appuyé par
les Rothschild, il a organisé l’entente entre la France et l’Angleterre
; 4) Duval, consul de France. Il a été nommé par Talleyrand auquel il
n’osait jamais dire non ; 5) Bourmont, général de l’armée française. Il
a mené l’opération militaire à la demande de Charles X. (voir le livre
de Mahrez Afroun Les Rothschild, Bacri et Talleyrand paru aux Editions
Houma en 2011). Après la prise d’Alger, les commissions ont été
prélevées, la majeure partie du trésor s’est volatilisée.
Officiellement, une enquête a été ouverte. Mais elle n’a débouché sur
rien. Dans cette affaire criminelle, les lobbies ont joué un rôle très
important. Le roi voulait renflouer les caisses de l’Etat, assouvir
l’avidité de la bourgeoisie, avoir les moyens de corrompre ses opposants
et manipuler l'opinion publique en faisant de la gestion de la guerre
menée contre l’Algérie la principale préoccupation de l’Etat. Rien ne
pouvait être fait sans l’entente avec l’Angleterre qui contrôlait le
détroit de Gibraltar. Les Anglais ont exigé une alliance contre la
barbarie au nom de la suprématie des valeurs occidentales et
l’instauration d’un commerce libre. La propagande a joué un rôle
déterminant dans la conquête de l’Algérie. Talleyrand a financé le
journal de d'opposition Le National fondé en 1830. Cette affaire
criminelle laisse perplexes les historiens les plus perspicaces.
Beaucoup d'éléments ont disparu. Le consul Duval, protagoniste de
l’incident de l’éventail, est mort dans des circonstances troubles peu
après son retour en France en 1827. Le bilan de la conquête de l’Algérie
a été très lourd. Les Algériens ont subi l’un des génocides les plus
horribles de l’histoire. La population algérienne est passée de 10
millions d'habitants en 1830, selon Hamdane Khodja cité par Michel Habar
dans son livre, à moins de 2 millions 500 000 habitants en 1871.
La guerre au Mali
La France débourse-t-elle au Mali 400 000 euros par jour pour empêcher
l’islamisation de la région ? L’intervention française, baptisée
«Opération Sevral», du nom d’un félin africain, a-t-elle été lancée pour
défendre la démocratie au Mali, ou s’agit-il de relancer une politique
coloniale française dans la région ? Les enjeux économiques au Mali sont
très importants. Le potentiel de ce pays africain en hydrocarbures est
énorme. En 2012, un gigantesque gisement de gaz a été découvert à
Bourakèbougou, une localité située à 60 km de Bamako. Le Mali possède
aussi des bassins de schiste riches en matières organiques et des
gisements d’uranium. Les richesses du sous-sol malien sont encore
inexplorées. Ce n’est pas étonnant que les groupes énergétiques
convoitent les richesses de ce pays, l’avenir de l’économie malienne
appartient à ceux qui ont un calcul économique et politique précis. Il
est désormais difficile de faire croire aux gens que les compagnies
françaises d’hydrocarbures et les groupes industriels français
spécialisés dans les métiers du nucléaire ne convoitent pas le marché
malien, d’autant que le Qatar, qui finance les intégristes au Mali, est
l’associé du groupe nucléaire français Areva. Pour Alain Chouet, ancien
chef du service de renseignement de sécurité à la DGSE française, «le
Qatar finance partout et généreusement tous les acteurs
politico-militaires salafistes, c’est le cas du groupe Ansar Dine».
Concernant Areva, ce groupe industriel est déjà implanté au Niger, son
chiffre d’affaires est plus important que le PIB de l’économie
nigérienne. Selon le site d’information mecanopolis.org, «il y a
quelques mois, l’ambassadeur de France au Mali, Christian Rouyer, a
déclaré qu’Areva sera le futur exploitant de la mine d’uranium à Faléa».
Il faut reconnaître que le peuple français ne tirera aucun profit de la
guerre au Mali, cette guerre va bénéficier exclusivement aux
multinationales. Nous avons vu ce qui s'était passé dans d'autres pays.
Suite à l’intervention militaire des Etats-Unis en Irak, les
multinationales ont fait fortune, alors que la dette publique américaine
a explosé. Un confrère a fait remarquer que François Hollande s’est
imposé comme un leader parce qu'il a déclenché une guerre.
Effectivement, François Hollande avait besoin de cette guerre pour faire
respecter ses décisions. Il avait surtout besoin de cette guerre pour
appliquer sa réforme économique. Rappelons le principe de la stratégie
du choc : il faut créer une situation choquante et chaotique afin de
dévoiler les réformes économiques qu’on veut imposer. Actuellement, le
gouvernement français est dans l’incapacité de régler les problèmes
économiques de la France. Le terrorisme au Mali ne représente pas de
danger réel pour la société française, le vrai problème des Français est
le chômage. Récemment, le journal Le Parisiena mené une enquête sur les
chômeurs invisibles dans les statistiques officielles. Le journal parle
de 9 millions de chômeurs, ce qui correspond à 30% de la population
active. François Hollande avait besoin de cette guerre pour annoncer aux
Français la fin du CDI (contrat de travail à durée indéterminée). En
effet, le gouvernement français doit flexibiliser le marché du travail.
La pression des multinationales et des lobbies à Bruxelles est
grandissante, ils exigent la libéralisation du travail, une
libéralisation qui ne peut se faire sans la fin du CDI. Le gouvernement
français s’apprête à annoncer cette nouvelle aux citoyens français avant
le printemps. Pendant ce temps, les Etats-Unis veulent absolument
empêcher que l’Afrique devienne un partenaire de la Chine, raison pour
laquelle ils soutiennent la France dans sa démarche au Mali. Les
Etats-Unis ont toujours laissé l’Afrique à leurs alliés européens, leurs
investissements au continent noir ne sont pas vraiment importants. Mais
face au recul de l’influence de leurs alliés et la progression de
nouveaux acteurs, les Américains ont créé Africom, un système miliaire
prêt à intervenir n’importe où en Afrique pour contrer les ressources
stratégiques et stopper la progression de la Chine. L’Algérie partage 1
376 km de frontières avec le Mali. L'évolution de la situation au Mali
est inquiétante. Les parties en conflit, obsédées par leurs objectifs,
risquent de commettre des erreurs. De plus, les multinationales rêvent
de relier les mines et les bassins pétroliers maliens au marché européen
en passant par l’Algérie. Craindre le pire n’est donc pas une
exagération. Face au danger qui nous menace aujourd’hui, nous devons
absolument être unis. Soyons unis pour que vive l’Algérie.
Belhaouari Benkhedda, universitaire
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