
Reportage : Comment Tamanrasset subit les dommages de la guerre au Mali
La
guerre au Mali inquiète les populations de Tamanrasset déjà très
éprouvées par une rude situation socioéconomique. Un tourisme au point
mort et des échanges commerciaux frontaliers à l’arrêt. Le festival du
dromadaire Ameni a été annulé. Conséquence directe de la guerre au Mali.
Notables, élus et citoyens tirent la sonnette d’alarme. Ils demandent un
plan d’urgence, notamment dans certains secteurs qui sont à vau-l’eau.
De notre envoyée spéciale, Fatma Haouari
Des immigrés clandestins subsahariens, en nombre important, ont
envahi la ville depuis le début de l’intervention militaire française au
Mali. Un travail supplémentaire que doivent endosser les forces de
sécurité qui ont entamé depuis quelques jours une vaste opération pour
les reconduire aux frontières. Une opération, selon une source
sécuritaire, qui durera jusqu’au mois de février. Difficile de les
distinguer au premier abord des Maliens, mais ces derniers ne sont pas
concernés car ils bénéficient du statut de réfugiés. Ils sont, nous
indique-ton, regroupés à Tinzaouatine. Le grand écueil reste que les
populations, y compris les Touareg, disposent rarement de papiers et le
plus surprenant dans l’histoire est que beaucoup conduisent des
véhicules sans permis. Un casse-tête pour les forces de l’ordre qui,
lasses d’interpeller constamment les conducteurs, ferment souvent les
yeux car «il est difficile, nous dit Saïd, un policier originaire d’une
ville de l’Est, de vérifier leur identité. Nous nous référons alors à la
langue». Il faut dire que dans cette ville cosmopolite, on parle de «52
nationalités différentes », les trafics en tous genres sont légion ;
véhicules, drogue, proxénétisme, contrebande s’y sont enracinés depuis
des années, en l’absence de projets de développement et de politique
d’emploi, mais surtout de structures d’accueil d’immigrés africains qui
fuient leur pays. Notre policier nous montre un parking au centre-ville
où se pratique un négoce des plus surprenants. Celui des véhicules. Et
pas n’importe lesquels : du haut de gamme à des prix frisant
l’irrationnel : «Vous pouvez vous procurer une Audi, toutes options, un
4x4 ou encore une 406 pour trois fois rien. Quant aux papiers, on
demande une autorisation de circulation pour trois mois à la daïra de
Aïn Guezzam. Les gens qui s’adonnent à ce business savent parfaitement
comment contourner les lois, parce qu’il y a aussi des complicités. On
peut tourner avec un véhicule pendant un an mais les risques sont
énormes.» Il nous révélera aussi que «la drogue, notamment les
psychotropes et la zetla, est abondamment consommée». Le chômage étant à
son apogée, les activités clandestines sont courantes. D’ailleurs, sur
la chaussée parallèle au parking, des taxis clandestins sont stationnés
et attendent sagement leurs clients. Pour 50 DA, ils les emmènent
partout où ils veulent se rendre à l’intérieur de la ville. Le transport
public étant un autre problème récurrent. Non loin, au grand marché de
la ville, on trouve toutes sortes de marchandises provenant du Niger, du
Sénégal, de Libye, du Mali et d’autres pays voisins. Cela va des
produits cosmétiques de composition douteuse aux produits artisanaux
locaux, alimentation, lunettes et montres falsifiées (Prada, Ray Ban,
Cartier, Tissot sans oublier Rolex) même si on jure par tous les saints
qu’elles sont vraies. Les prix sont imbattables, mais il faut négocier
dur. Ce qui est étonnant dans ce bazar, c’est la vente de téléphones
portables. Un espace ouvert est dédié à ce commerce où les vendeurs
redoublent d’ingéniosité pour attirer les acheteurs. Le lieu, nous
dit-on, est aussi un marché qui alimente ceux du Nord. La marchandise
provient, nous a-t-on fait savoir, du Niger et on voit bien que les
Nigériens connaissent bien les rouages du métier puisqu’ils sont là
depuis longtemps. Plusieurs marques prestigieuses ayant d’innombrables
applications comme Nokia et Samsung, et d’autres marques inconnues qui
d’apparence semblent très sophistiquées. Ces portables font pâmer de
plaisir les fans du mobile hytech. Seul bémol, ces produits sont made in
China. On comprend à travers de simples lectures la guerre d’influence
menée en Afrique par les grandes puissances, la dispute des marchés
étant aux premières loges. Les vendeurs de différentes nationalités font
ce qu’ils peuvent pour survivre dans un climat de grande pauvreté.
Certains marchands vendent des fruits à l’unité : banane, orange, pomme
ou encore noix de coco, pour gagner quelques dinars. De quoi subsister
au jour le jour. Nul besoin de sortir de l’ENA pour déduire que la
localité est marginalisée par rapport au nord du pays, en dépit de
certains chantiers qui ornent quelques endroits. La fabrication de
bijoux en argent est une spécialité de la région mais l’artisanat se
meurt doucement en l’absence de la clientèle que le tourisme pourvoit.
Cependant, les artisans, d’une grande dextérité, continuent à faire leur
métier en espérant des jours meilleurs. Lors de notre virée, nous avons
été consternés de voir à quel point l’oasis Rouge est tombée dans la
déliquescence alors qu’il y a quelques années, elle était une
destination prisée des touristes nationaux et étrangers pour le
dépaysement qu’elle assurait et ses grands sites magiques et ses
paysages d’une beauté à couper le souffle. Hormis les fêtes de fin
d’années, le tourisme est basé sur les randonnées et visites sur sites
avec bivouac et nuitées à la belle étoile. Les expéditions sont devenues
de plus en plus rares et donnent matière à l’anxiété et à la crainte
d’un avenir sans perspectives. Certains représentants des agences de
tourisme se voient contraints de fermer boutique si cet état devait
perdurer. Des guides touristiques qui connaissent chaque coin et venelle
de la ville et de ses environs se sont reconvertis dans d’autres
activités précaires et regrettent le temps où la capitale de l’Ahaggar
était un paradis sur terre.
Fiers de l’armée nationale !
Durant notre séjour a eu lieu l’attaque de Tiguentourine, à In
Amenas. L’inquiétude est montée d’un cran car la ville a connu également
une agression terroriste et les gens craignent le pire, étant dans la
ligne de mire des djihadistes. L’assaut de l’armée nationale a été
accueilli avec un grand soulagement. Des citoyens que nous avons
interrogés nous ont dit qu’ils «étaient fiers de notre armée nationale»,
ou encore «on ne badine pas avec la sécurité du pays», «l’ANP a bien
fait de ne pas négocier avec les terroristes». Cependant, si on pense
que cette attaque est directement liée à l’intervention française au
Mali, les avis divergent sur l’implication de l’Algérie dans ce conflit.
Certains ne comprennent pas pourquoi les autorités officielles ont
ouvert un couloir aérien aux avions français. D’autres ont estimé que
«notre pays subit des pressions de l’Occident car les Français veulent
l’uranium et l’or du Mali». Il faut dire que les populations du Nord-
Mali et celles de Tamanrasset ont tissé des relations d’amitié, de
parenté et des relations commerciales. Deux jeunes militaires, l’un
originaire de Tébessa, en poste depuis trois ans, et l’autre de Skikda
que nous avons rencontrés estiment que «le plus grand problème ne réside
pas dans la sécurité des frontières car les forces de l’armée sont en
état d’alerte et prêts à affronter n’importe quel bataillon, mais dans
les maux sociaux qui gangrènent la ville». Concernant l’offensive de l’ANP
à In Amenas, l’un des militaires aura cette phrase lourde de sens : «Si
on n’avait pas été prompts, on aurait vu défiler sur notre terre des
escadrons militaires de plusieurs nationalités pour nous dicter leur
loi. La prise d’otages aurait duré plus longtemps et ils auraient ainsi
trouvé un prétexte pour nous accuser de défaillance. Ce qu’il faut
impérativement retenir est que nous avons évité une intervention
étrangère !»
Le logement, une crise et des interrogations
On est en droit de s’interroger sur tous ces soi-disant plans de
développement du Sud. Que fait le gouvernement pour booster les projets
à destination de cette partie essentielle de notre pays ? Pourquoi cette
discrimination et pour quel objectif ? Si la sécurité des frontières est
l’apanage de l’armée, la sécurité intérieure en matière de santé,
d’éducation, d’emploi, d’habitat et d’environnement est celle du pouvoir
central, lequel, malheureusement, est aux abonnés absents. Ce n’est pas
un fait nouveau et la situation dans laquelle se trouvent les villes
frontalières du Sud a bien été répertoriée dans les recommandations du
Cnes, à l’issue des assises sur le développement local. Mais depuis,
rien, ou presque, n’a été fait pour prévenir cet état. En cette période
cruciale de l’histoire de l’Algérie, le soutien des populations est plus
qu’important et la veille et la sécurité de leur entourage leur
incombent en premier lieu. Brahim est universitaire. Nous l’avons
accosté au chef-lieu de wilaya «On doit impérativement lier la stabilité
socioéconomique à la sécurité nationale, il faut tirer les leçons de ce
qui se passe au Mali car le chaos dans ce pays est dû en premier lieu à
la misère de ses populations. » En arpentant les rues, on remarque des
bidonvilles qui s’étendent à perte de vue. Des enfants par centaines
s’adonnent à la mendicité les jours d’école ou fouillent dans les
poubelles. Les ordures défigurent la ville et on constate aisément
l’absence d’une stratégie urbanistique qui aurait pu mettre en valeur
les spécificités de l’espace saharien. Le cadre de vie est dans un
piètre état. A ce sujet, le président de l’APC de Tamanrasset, Zounga
Ahmed Hamada, nouvellement installé à la tête de la commune, reconnaît
que «la ville est confrontée à d’énormes problèmes, à commencer par une
dégradation de l’environnement et les constructions illicites». Au
premier, il impute la responsabilité au manque de civisme des citoyens.
A cet effet, il leur lance un appel pour l’aider à endiguer ce phénomène
en respectant les normes d’hygiène. Pour ce qui est des bidonvilles, le
P/APC rétorque en disant que «c’est un problème qui inquiète les
autorités. Nous procédons à des démolitions mais les gens reconstruisent
de nouveau même durant la nuit !» Il reproche également aux autorités
officielles de «construire des cages où les habitants ne se sentent pas
bien. Les formats de logements qui sont construits sont trop exigus. Il
faut comprendre la mentalité du Sahraoui. Il a besoin d’une habitation
spacieuse, avec un jardin et une étable où il peut mettre ses troupeaux
de chèvres». De son côté, le vice-président, Badi Chikh, est
catégorique. Il nous explique que «la grande responsabilité incombe à
l’agence foncière car depuis 1994, l’interdiction de la vente de lots
uniques a créé l’anarchie. Les ventes aux enchères se font sur des lots
groupés de 4 ou 5 et dans ce cas-là, un citoyen modeste ne peut pas y
accéder. Seuls ceux qui ont de l’argent peuvent se permettre de tels
achats». On a appris que le mètre carré est vendu à 10 000DA, un comble
pour une wilaya du Sud et pour des citoyens qui arrivent à peine à
survivre de leur labeur. Ce qu’on peut interpréter à travers les propos
de l’édile est que dans cette ville où le foncier est en abondance, la
crise de logement semble être fabriquée de toutes pièces. Elle relève de
la spéculation et des barons. Encore une autre histoire de maffia. On en
sortira donc jamais !
SOS à Ziari, Baba Ahmed et Benyounès
Conséquence de la promiscuité et des mœurs qui ont tendance à
changer avec des populations venues de différents pays africains et
d’ailleurs, «les cas de sida sont fréquents», nous révèle une source
médicale. Les campagnes de sensibilisation ayant trait à la protection
des rapports sexuels sont conjoncturelles alors qu’elles devraient se
faire cycliquement. On nous a signalé également des cas de paludisme,
enregistrés durant notre visite au seul hôpital de la ville qui
accueille un flux important de malades. L’établissement hospitalier
connaît une très forte pression. Manque de médicaments, de consommables,
de médecins spécialistes, des conditions de travail aléatoires et
pénibles et même «les souris, des bestioles qui se planquent partout
dans l’hôpital, nous dit-on, y ont élu domicile». De longues files
d’attente pour des consultations ; quant aux interventions
chirurgicales, le personnel médical est dépassé. Des centaines de
malades affluent quotidiennement vers des services qui ne disposent,
dans le meilleur des cas, que de deux médecins spécialistes. L’hôpital
n’est doté que de trois salles de chirurgie avec seulement deux médecins
réanimateurs qui se relayent. La maternité est submergée. Les médecins
nous disent qu’ils effectuent pour leur majorité «jusqu’à 30 gardes par
mois et sont souvent extenués et finissent par être au bout du rouleau».
Ils ont souvent «le nez dans la paperasse car en plus des tâches
médicales, ils doivent également s’occuper des tonnes de dossiers des
patients de façon manuelle». Quant aux pauvres malades, ils sont
ballottés et ne trouvent pas toujours d’interlocuteur. Ils prennent leur
mal en patience. Les cas graves et même moins graves sont transférés
vers les hôpitaux du Nord, notamment à Alger. Ils doivent effectuer 2
000 km pour se faire soigner, supporter le voyage éreintant, non sans
galérer car arrivés sur les lieux, ils sont souvent confrontés à des
problèmes de places pour les accueillir. «Ce qu’on peut dire, nous dira
un médecin l’air dépité, est que le secteur de la santé à Tamanrasset
est très malade. Il est dans un état végétatif !» Pour Nadir, assistant
en chirurgie générale, «si les médecins et notamment les spécialistes
qui viennent accomplir leur service obligatoire ici à Tamanrasset ne s’y
installent pas, c’est parce qu’ils n’ont aucun avantage, ni sur le plan
pécuniaire ni autre». Les médecins venus pour la plupart du Nord sont
déprimés. Ils n’ont pas d’occasion ou d’endroit où décompresser et leur
moral est au plus bas. Pas de loisirs ni divertissement. Ils se disent
«impuissants» devant cette situation. Et pourtant, le président de l’APW
nous révélera que les autorités locales payent quotidiennement des
billets d’avion pour 10 malades dans le besoin et leurs accompagnateurs
pour leur transfert. Soit une prise en charge qui revient à 60 000 DA
par malade. Si on fait un simple calcul, pratiquement 18 000 000 DA sont
déboursés mensuellement. Cet argent pourrait servir à bon escient, la
solution semblant tellement évidente. Sur le registre de l’éducation, à
voir tous ces enfants sillonner nonchalamment dans les rues aux prises
de l’oisiveté et aux dangers qui les guettent, la journée durant, on
s’interroge sur la réforme éducative. Si l’école est obligatoire, on se
demande ce que font les autorités pour que tous ces bambins désertent
les bancs des établissements scolaires. L’absence de sensibilisation, le
manque d’effectifs, d’écoles et de conditions adéquates conjugués à la
misère qui est patente ont fait que le secteur de l’éducation se
retrouve dans un état comateux, à l’instar de celui de la santé ou de
l’habitat. Quant à l’environnement, on ne peut que se désoler de voir
des canalisations d’eau potable éclater ici et là, en provoquant
d’énormes crevasses sur des pistes fangeuses, des poteaux électriques
plantés n’importe comment en collant aux maisons construites en
parpaings alors que la ville regorge de la belle pierre, des routes
inachevées et des milliers de sachets en plastique tourbillonnent au gré
des vents de sable. Pour les chômeurs dont le nombre est inconnu, le
risque est majeur quand on sait que les djihadistes ne sont pas très
loin et qu’ils débauchent les plus vulnérables. Les beaux discours des
salons feutrés de la capitale ne vont pas changer grand-chose à la
donne, car si gouverner, c’est prévoir, c’est aussi prévenir !
F. H.
DAHMANE HAMZA, PRÉSIDENT DE L’APW DE TAMANRASSET
«L’urgence est à la santé et l’éducation»
Le Soir d’Algérie : Quand on visite la ville de
Tamanrasset, on a l’impression qu’elle n’a pas bénéficié de projets
dignes de son rang de grande wilaya du Sud. Expliquez-nous pourquoi ?
Dahmane Hamza : Il y a beaucoup de projets dans tous les
secteurs, mais qui ont commencé dans la précipitation. Il y a des
retards considérables dans leur exécution. En ce qui me concerne, je
dirais que le problème est étroitement lié au code des marchés publics.
Il ne correspond pas à notre région et ne tient pas compte de ses
spécificités qui ont été totalement ignorées par le législateur. Il faut
savoir également que les communes sont très éloignées du chef-lieu.
Autant dire que les lois sont faites pour ne pas profiter aux wilayas du
grand Sud, d’où les blocages. De plus, les maîtres d’œuvre sont nombreux
au Nord, et chez nous, ils sont presque inexistants. Il faut revoir
notamment le cahier des charges car les projets s’entassent sans qu’on
puisse les réaliser.
Il n’ y a qu’un seul hôpital pour la wilaya et très peu
de spécialistes, à quoi est dû cette situation ?
Je ne veux pas sous-estimer les compétences des médecins, mais je
trouve curieuse cette loi qui oblige un médecin spécialiste à venir
faire son stage une année avant d’être muté au Nord. Nos habitants sont
considérés comme des cobayes. Si les responsables du ministère de la
Santé veulent régler ce problème, ils n’ont qu’à instituer une vraie
politique de santé pour le Sud. Pourquoi ne pas accorder des avantages
financiers conséquents pour que ces spécialistes s’installent pour au
moins trois ans? Nous, en tant qu’autorités de wilaya, sommes prêts à
mettre à leur disposition des logements et les équiper de toutes les
commodités nécessaires à leur confort. Le ministère de la Santé peut
leur doubler le salaire et leur accorder au moins deux billets d’avion
gratuits par an. Le ministre de l’Enseignement supérieur peut aussi, en
parallèle, donner la priorité à nos étudiants qui obtiennent de bons
résultats au bac en leur accordant un quota de postes pédagogiques en
médecine, notamment dans les disciplines qui enregistrent un déficit.
Nous sommes approximativement 200 000 âmes réparties dans toute la
wilaya, avec plus de la moitié habitant la commune de Tamanrasset sans
oublier nos frères qui viennent des autres pays et qui se comptent par
milliers. Il est vrai qu’il y a une forte pression sur l’hôpital.
Quotidiennement, nous prenons en charge au moins dix malades avec leurs
accompagnateurs à qui on doit aussi payer le billet d’avion. Tous les
jours nous payons les billets des malades qui sont transférés dans les
hôpitaux du nord du pays. Cet argent grève le budget de la wilaya alors
qu’il pourrait bénéficier à d’autres projets. Le problème réside chez
ceux qui font des stratégies à l’emporte-pièce sans connaître la réalité
du terrain. Pour nous, l’urgence est à la santé et à l’éducation.
Il y a des coupures d’eau fréquentes, les canalisations
sont éventrées», que se passe-t-il ?
On a décidé d’acheminer l’eau de Aïn Salah, à 700 km de Tamanrasset,
mais malheureusement on a omis de changer les canalisations qui datent
de 1960. Sous la forte pression de l’eau, elles n’ont pas pu résister et
cela a donné lieu à cette anarchie. L’entreprise Cosider est en train de
réparer les dégâts et de renouveler tout le système. Les installations
de gaz sont également en cours pour alimenter les ménages. Une fois
qu’on aura achevé ces chantiers, on procédera à l’aménagement du
territoire.
C’est quand même curieux qu’il y ait une crise du
logement à Tamanrasset. Comment expliquez-vous l’existence de ces
bidonvilles qui défigurent la région ?
Il faut savoir que cela fait 15 ans que des lots de terrain n’ont
pas été distribués ; le citoyen, quand il ne bénéficie pas de logement
social de la part de l’OPGI, ni de lot de terrain de l’agence foncière,
il lui reste la seule solution, c’est de construire une baraque.
Cependant, je vous informe que bientôt, on débloquera la situation dans
le secteur de l’habitat surtout en ce qui concerne le foncier.
Pourquoi utiliser le parpaing alors que les matériaux de
haute facture comme la pierre se trouvent dans la nature ?
Effectivement, nous avons soulevé cet aspect et même le wali de
Tamanrasset l’a souvent déploré. Il a d’ailleurs donné instruction pour
que la wilaya retrouve la couleur rouge qui lui est propre après avoir
constaté que les gens badigeonnaient leurs maisons d’une palette de
couleurs à tout-va. Il est vrai qu’esthétiquement la ville aurait plus
d’allure si on construisait avec de la pierre qui se trouve en
abondance. Il est vrai aussi que construire en pierre risque de revenir
plus cher. Nous sommes tenus par le respect des budgets.
Propos recueillis par F. H.
BENHABIRÈCHE YACINE, DIRECTEUR DE L’AGENCE DE VOYAGES
SOLANEFOLSOULANES
«Le tourisme est sinistré»
Le Soir d’Algérie : Si vous deviez qualifier la
situation du tourisme ici à Tamanrasset, que diriez-vous ?
Benhabirèche Yacine : Je dirais que le tourisme va très mal, je
dirais même qu’il est sinistré. C’est le blocage. Si cela continue, on
va baisser rideau. Les touristes se comptent sur les doigts d’une main.
Jusqu’en 2008, il y avait un flux important de touristes étrangers, mais
depuis le secteur agonise.
Pour quelles raisons ?
En premier lieu pour des raisons sécuritaires. Plusieurs sites sont
actuellement fermés sans oublier les notes sur l’indice de sécurité en
Algérie qui lui ont porté un coup dur. En parallèle, aucune campagne
promotionnelle sérieuse du tourisme saharien en Algérie n’est faite
comme dans les autres pays où pourtant l’aspect sécuritaire est plus
désavantageux. En sus, des contraintes d’ordre administratif nous
freinent dans notre travail. L’obtention du visa pour nos clients est
devenue un parcours du combattant. Les délais de délivrance sont très
longs, ce qui dissuade les touristes étrangers à venir. L’introduction
des nouvelles procédures en direction des touristes étrangers a
contribué largement à cette situation de blocage. Avant, on envoyait des
invitations à nos clients, ces derniers les déposaient au niveau du
consulat algérien dans leur pays et obtenaient ainsi leur visa sans trop
de difficulté. Actuellement, c’est toute une histoire. Les touristes
étrangers doivent envoyer leur demande en Algérie, ensuite celle-ci fait
un détour par le ministère de l’Intérieur qui doit donner son quitus. La
procédure dure un moment et finit par lasser les touristes potentiels.
L’autre obstacle, notamment pour les touristes nationaux, est le billet
d’avion qui est très cher. Avant il y avait des vols charters dans
lesquels on avait droit à des réductions. Mais avec la compagnie
nationale Air Algérie, aucune facilitation n’est faite. Seul avantage,
c’est une réduction de 50% d’Alger à Tamanrasset au cas où vous
atteignez le nombre de 15 personnes. Ce nombre, on n’arrive pas toujours
à le garantir. On aimerait que la compagnie nationale soit partenaire
avec les agences touristiques en mettant en place des mécanismes qui
contribuent à l’essor du tourisme saharien comme celui d’accorder un
billet gratuit pour une agence qui arrive à drainer un certain nombre de
touristes. Cela aiderait aussi la compagnie à engranger des recettes.
Pour l’instant, les vols ont aussi diminué. Nous avons besoin de
solutions immédiates pour sortir de notre léthargie et pour cela, on
doit coordonner nos efforts. Par ailleurs, on constate que l’image de
l’Algérie n’est pas mise en valeur. L’Etat doit nous aider à participer
aux salons internationaux et parler de notre patrimoine. Je ne vous
cache pas qu’aujourd’hui, les directeurs d’agence de voyages n’ont plus
les moyens de le faire. Nous sommes en pleine saison touristique mais il
n’y a rien qui pointe à l’horizon, c’est une période morte. Peut-être
qu’il faut tabler sur le tourisme local nord-sud et sud-nord, qu’il y
ait des échanges entre les deux mais les réductions sur les billets
Tamanrasset-Alger n’existent pas.
Vous êtes également membre du bureau exécutif de
l’Association des agences de voyages de Tamanrasset, avez-vous fait état
de vos préoccupations à qui de droit ?
Nous avons rencontré le ministre du Tourisme le 30 décembre dernier
et il nous a promis qu’il se penchera sur le dossier du tourisme
concernant les facilitations des visas, l’ouverture des sites et comme
nous sommes dans un cas sinistré, il nous a promis de nous trouver une
solution pour obtenir des aides et renouveler notre matériel roulant. Il
faut savoir que nous déplaçons nos touristes dans des 4x4 et ils sont
usés. Avec un peu de volonté politique, nous pourrons facilement
récupérer des touristes qui venaient chez nous avant les années 1990 et
qui ont été détournés vers la Libye, le Mali, le Niger, le Maroc ou la
Tunisie car l’Algérie, à elle seule, dispose de la moitié du patrimoine
qui existe dans tous ces pays réunis.
Propos recueillis par F. H..
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