
Actualités : PME-PMI
À quand les assises ?
Le faste et la gabegie sont certainement les
caractéristiques des séminaires et colloques qui abritent les grandes
annonces au profit de la croissance de l’économie nationale. Mais au
final, rien n’est fait.
Temmar comme Benmeradi, dont on garde en mémoire sa guerre
avec les associations patronales notamment le FCE, et actuellement
Rahmani, sont des ministres qui excellent dans l’élaboration de
stratégies, moyennant des indemnités faramineuses pour les experts mais
qui finissent sous le coude. La dernière en date pour laquelle a été mis
sur pied un comité restreint est, diton, chez le président Bouteflika,
tout comme le rapport final du CNES sur le développement local qui a
suscité un semblant d’espoir auprès de la société civile. D’innombrables
rencontres des gouvernements successifs et une large concertation au
niveau régional pour booster le développement local et notamment de la
promotion des PMI-PME ont été engagées. La synthèse des rencontres du
CNES a été consignée dans un exposé de 50 recommandations remis à
Bouteflika en décembre 2011. Il porte les préoccupations de la société
civile en vue de l’amélioration des instruments de gouvernance,
l’instauration du patriotisme économique et la relance de l’économie
nationale qui se trouve dans un état sinistré. On est en 2013, le
rapport croupit dans les tiroirs du palais d’El Mouradia et on ne sait
pas ce qu’il en est advenu. Ould Kablia a pris son bâton de pèlerin en
organisant, lui aussi, des rencontres régionales. Il a été même
accompagné par le patron de l’UGTA. Le ministre de l’Intérieur a bien
écouté les plaintes des citoyens, mesuré le degré du malaise des jeunes
et les appréhensions des opérateurs économiques. Il a fait des promesses
et distribué de l’argent. Cet argent qui coule à flots dont on entend
parler mais dont on ne voit malheureusement pas toujours la couleur, ni
la trace sur le terrain. Quand les dirigeants décident de descendre de
leur tour d’ivoire à la rencontre de la population, c’est souvent pour
donner une petite partie de cette opulente rente qui est plus une
malédiction qu’une bénédiction car ne servant que ceux qui y ont
véritablement accès. Tous ces rapports et études sur l’économie
nationale et la façon de la relancer sont restés lettre morte alors que
le tissu industriel se désagrège, le pouvoir d’achat s’amenuise et le
front social s’embrase. En face des caisses étatiques pleines à craquer,
se trouve un tissu économique dans un effondrement total et un réseau
d’importations de plus en plus fort avec ce que cela suppose comme
monopoles, spéculations et pots-de-vin. Sellal, en remplaçant Ouyahia à
la tête de l’exécutif, a hérité des tares de la gestion de son
prédécesseur. Il a promis de rectifier le tir en mettant le cap sur
l’économie. Tout le monde a applaudi et le Premier ministre a été
présenté par certains cercles comme l’homme providence, celui des
situations difficiles, le technocrate capable de venir à bout de la
crise multidimensionnelle qui traverse le pays telle une lame de fond.
Cependant, force est de constater que les choses vont de mal en pis et
le fameux plan d’urgence traîne la savate. Ce qui est étonnant et
incompréhensible à la fois est cette façon qu’ont certains ministres à
balayer d’un revers de la main ce qui a été fait par leurs homologues en
recommençant à zéro comme si la notion du temps n’avait aucune espèce de
valeur. Il en est un exemple édifiant celui de la PMI-PME. L’ancien
ministre à l’époque des pourparlers avec les dirigeants de la firme
Renault quand la question de la sous-traitance nationale a été soulevée
avait déclaré que des groupes de travail ont été mis en place, pour
plancher sur la problématique de la PMI-PME et que des états généraux de
cette dernière seraient organisés à la fin du mois de décembre 2012.
Depuis, Benmeradi a repris les rênes du tourisme, un secteur dans un
état végétatif et on n’a plus parlé de ces assises nationales reportées
aux calendes grecques. Mais alors où sont tous ces résultats des groupes
de travail et rencontres et tous ces canevas élaborés depuis l’an 2000 ?
On n’a eu de cesse de clamer qu’à l’instar des pays émergents,
l’entreprise productrice est seule garante d’une économie forte
notamment pour sortir de la dépendance aux hydrocarbures, créer des
emplois et assurer l’après-pétrole. Qu’est devenu ce fameux plan
d’urgence pour la relance économique devant être mené par l’équipe
Sellal ? Une source au fait des affaires économiques nous dira qu’«on a
juste un peu bricolé, le ministère de la PME a été réduit à une
direction générale et l’Andpme en charge de la mise à niveau des
entreprises n’est pas à la hauteur des ambitions portées à l’entreprise
algérienne. On a certes relancé le Conseil de la concurrence, cependant
on ne sait pas qui va concurrencer qui ? On n’a sûrement pas la
prétention de faire de la concurrence aux entreprises étrangères,
sachant que l’impact du dégrèvement tarifaire reporté à 2020 aura des
conséquences graves sur ce qui reste comme entreprises viables». Et
d’ajouter qu’«en Algérie, on préfère faire appel aux sociétés étrangères
et favoriser l’importation que de mettre en place un réseau
d’entreprises productrices, sous-traitantes et innovatrices en leur
assurant une mise à niveau et un suivi comme c’est le cas chez nos
voisins du Maghreb. L’intérêt de la sous-traitance dans les pays
industrialisés est prioritaire car elle représente 70% du produit
national brut». En d’enchaîner : «Il est temps de rendre opérationnel le
Conseil national chargé de la promotion de la sous-traitance qui a été
créé en 2003 et de mettre à jour les 4 bourses de sous-traitance qui
connaissent un faible taux d’adhésion.»
Absence de stratégie et de volonté politique
Selon une étude récente faite sur l’entreprise algérienne, «la
plupart des sociétés notamment celles activant dans la petite industrie
possèdent un statut juridique de personne physique, des TPE, avec un
effectif moyen entre 1 et 10 employés. 95 % des sociétés sont des
entreprises de sous-traitance. Le nord représente 51% de la
concentration de sous-traitants suivi de la région des Hauts- Plateaux :
31% et de la région sud 18%». Il est indiqué que «88% des sociétés
activent dans le secteur du BTPH». L’étude estime que «la sous-traitance
dans le secteur industriel reste très marginale, du fait que les
sociétés ayant un grand potentiel de donneurs d’ordre sont encore
réticentes faire appel à la production nationale ». Des budgets
conséquents sont dégagés par les grandes entreprises publiques dans
l’achat des pièces de rechange. On citera Sonatrach qui importe pour 80
milliard de dinars. Sonelgaz, de son côté, débourse 20 milliards de
dinars, la SNVI, achète des pièces pour 8 milliards de dinars. Les 14
cimenteries importent pour 40 milliards de dinars. Les 171 briqueteries
déboursent un montant de plus de 6 milliards de dinars. Quant au
transport, ce sont quelque 10 milliards de dinars». Cet état demeure
inchangé depuis des années. Sonatrach ne contribue pas à la construction
du tissu industriel et on ne lui connaît pas d’investissements hors de
son secteur. Il est vrai que les entreprises industrielles privées ne
sont pas outillées et leur management laisse à désirer et qu’elles
nécessitent un accompagnement et une mise à niveau, cependant le
programme dans ce sens tâtonne très peu de dossiers sur les 20 000 ont
bénéficié d’un traitement. Aucun bilan n’a été rendu public ni sur
l’évolution, ni sur le suivi des dossiers ayant été pris en
considération sans oublier que les objectifs assignés à la mise à niveau
des entreprises qui accuse retard sur retard, n’ont pas été atteints.
Les statistiques dans ce domaine sont souvent erronées et exagérées pour
masquer la réalité. Dans ce cas-là, sur quelle base élabore-t-on des
stratégies industrielles ? Ce qui revient à dire que cette situation
soit est due à l’incompétence de ceux qui sont en charge de l’économie,
soit que la volonté politique manque, soit les deux à la fois et que cet
état arrange les barons de l’importation qui n’ont pas envie de voir des
entreprises nationales émerger. Ce serait leur faillite inéluctable. Des
ministres se relayent à tête du secteur économique. Ils font preuve
d’indécision et passent leur temps à organiser des rencontres. Ils ne
sont pas inquiétés et leur échec est au contraire récompensé car ils ne
quittent jamais le giron du pouvoir. Ils sont soit mutés à la tête
d’autres départements sans qu’on leur impose de rendre compte de leur
gestion ou finissent ambassadeurs pour couronner leur carrière. En
attendant les fameuses réformes économiques et une véritable stratégie
industrielle, on continue d’importer, d’alimenter le marché parallèle,
de spéculer en période de crise et d’évoluer dans le flou.
Fatma Haoua
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