Chronique du jour : Ici mieux que la-bas
...Thatcher, Neruda, Toumi, Krim Belkacem...


Par Arezki Metref
arezkimetref@free.fr

On ne sera pas de ceux qui regretteront Margaret Thatcher. Comme Jean-Luc Melenchon, le leader du Front de gauche fran�ais, on aurait plut�t tendance � lui souhaiter de �d�couvrir en enfer ce qu'elle a fait aux mineurs�.
Fille d'un �picier de Grantham, dans l'est de l'Angleterre, Thatcher a �t� chimiste puis avocate. Engag�e en politique tr�s t�t, elle a �t� l'unique femme � avoir dirig� le Parti conservateur, de 1975 � 1990, et la seule femme aussi � avoir assum� la charge de Premier ministre dans l'histoire de la Grande-Bretagne. Depuis son arriv�e � la t�te du Parti conservateur jusqu'� la fin de son dernier mandat de Premier ministre en 1990, elle a fait montre d'une intransigeance et d'une radicalit� anti-travailleurs et anti-populaire qui a fait des ravages.
Brian Reade du Daily Mirror la d�finit ainsi : �C'�tait une fanatique de droite qui s'�tait entour�e de laquais sans �me, et qui a arrach� le c�ur de ce pays.� En effet, p�trie de convictions chr�tiennes m�thodistes, conservatrice et lib�rale, elle a tout fait pour attiser la Guerre froide en exacerbant le conflit avec l'URSS, elle a jet� de l'huile sur le brasier atlantiste, d�clench� la guerre des Malouines, promu une politique de libre-�change en Europe. Mais c'est surtout sa politique �conomique ultralib�rale et son total manque d'humanit� � l'�gard des plus faibles et de ses adversaires qui resteront comme un bilan calamiteux de celle que l'Etoile rouge, l'organe de l'Arm�e rouge d'URSS, a surnomm�e la �Dame de fer�, pour stigmatiser son anticommunisme visc�ral.
Ses partisans vantent sa politique �conomique qui a consist� � donner les cl�s de tous les coffres � la City. Son ultralib�ralisme a davantage enrichi les plus riches, et �bris� des millions de vies� parmi les classes laborieuses (Daily Mirror). Ce journal souligne encore qu'elle a �maintenu le ch�mage � un niveau �lev� pour que les travailleurs acceptent des salaires de mis�re�.
On conna�t l'un de ses morceaux de bravoure, la r�pression de la gr�ve des mineurs gallois. Autre motif de sombre �gloire� : avoir laiss� mourir � l'�ge de 27 ans, le militant ind�pendantiste irlandais Bobby Sands qui avait entrepris une gr�ve de la faim pour revendiquer le statut de prisonnier politique et mettre fin � celui de criminel de droit commun que lui imputait Thatcher.
Arrogante, sans piti�, d�nu�e de scrupules, Thatcher a men� une politique imp�riale de riche pour les riches, et elle meurt � 87 ans dans son lit. Le ridicule n'ayant pu la tuer, il l'enterre. Elle qui voulait vider les caisses de l'Etat au profit du priv�, y parvient aujourd'hui au-del� de toute esp�rance puisque ses obs�ques vont co�ter entre 9 et 12 millions d'euros aux contribuables anglais. Le portrait serait incomplet si l'on omettait de rappeler qu'elle avait ouvertement soutenu, au m�pris de la communaut� internationale, l'apartheid en Afrique du Sud, et honteusement courtis� des dictateurs comme le Chilien Augusto Pinochet.
Pinochet, tiens, celui-l� ! Le 11 septembre 1973, soutenu par la CIA, ce colonel fasciste renverse le pr�sident socialiste Salvador Allende d�mocratiquement �lu. Allende d�fendra la Moneda, le palais pr�sidentiel, les armes � la main, et devant l'armada intensive qui l'attaque, il d�cide de mourir au combat.
Le 23 septembre, c'est-�-dire 12 jours plus tard, le diplomate et grand po�te chilien Pablo Neruda, prix Nobel de litt�rature en 1971, d�c�de �officiellement d'une aggravation d'un cancer de la prostate�. Cependant tr�s vite, le Parti communiste chilien, alors clandestin, ainsi que quelques proches doutent de cette version. Ils sont convaincus que Neruda a �t� assassin�. Quarante ans plus tard, rebondissement. Le corps du po�te enterr� � Isla Negra, face au Pacifique, vient d'�tre exhum� pour permettre � des m�decins l�gistes chiliens et internationaux de l'autopsier.
Le juge Mario Carroza a rouvert le dossier � la demande du Parti communiste chilien. Des t�moignages font �tat d'un possible assassinat commandit� par la dictature. Celle-ci craignait que depuis l'exil qu'il s'appr�tait � rejoindre, Neruda ne soit un porte-voix prestigieux de l'opposition.
Un fait, au moins : Manuel Araya, secr�taire personnel et chauffeur du po�te-diplomate, affirme que Neruda hospitalis� aurait re�u une myst�rieuse injection dans les heures qui ont pr�c�d� sa mort.
Un autre po�te nous quitte, plus proche, celui-ci, Mustapha Toumi. Il nous aura l�gu� une parole flamboyante, et sem� une po�sie qui, comme les moissons des terres g�n�reuses, se d�multiplie. S'il n'y avait que Sobhane Allah Yaltif, la qaceda �crite pour El Anka, cela aurait d�j� �t� mission accomplie. Mais Toumi n'est pas r�ductible � ce chant g�n�ral. Homme de culture, il tra�nait au soleil d'Alger la gouaille et le spleen du po�te militant qui voulait changer et l'humanit� enti�re et l'homme en particulier.
Parti � 75 ans, il aura contribu� � fa�onner un morceau de la culture alg�roise dont il �tait le h�raut et le h�ros.
Un h�ros Krim Belkacem ? Oui ! L'un des premiers � avoir pris le maquis ! Une vie consacr�e au combat anticolonialiste men� par un homme non exempt de contradictions. Aucune r�volution n'a �t� men�e par des surhommes. Krim Belkacem �tait, ni plus, ni moins que d'autres, un h�ros. Un h�ros sur lequel ont pes� les couacs et les dysfonctionnements d'une machine historique, le mouvement ind�pendantiste, qui a avanc� sur un chemin accident�. Il se trouve que ce h�ros n'a pas �t� tu� par l'ennemi, mais par les siens. Si, officiellement, on fait silence sur ce fait, tout le monde conna�t cet �pisode de la liquidation de Krim Belkacem, opposant dangereux � Boumedi�ne, dans un h�tel de Francfort, le 18 octobre 1970.
L'ami Ahmed Rachedi r�alise un biopic sur Krim Belkacem. Un d�but de pol�mique dans la presse nous apprend que le parcours de ce dernier tel que d�crit dans le film, s'arr�terait � l'ind�pendance de l'Alg�rie. L'assassinat qui r�tro�claire l'histoire du personnage passe donc � la trappe. C'est aussi absurde que de vouloir r�aliser un film sur Kennedy sans aborder son assassinat, ou encore sur Martin Luther King, Abane Ramdane ou Boudiaf en taisant cette fin tragique qui ne conclut pas leur histoire mais, d'une certaine mani�re, la commence.
Cependant, le probl�me n'est pas l�. Il serait plut�t dans la faiblesse de l'argumentation de l'ami Rachedi qui semble botter en touche en ne reconnaissant pas, contrairement � Boukhalfa Amazit et au Commandant Azzedine, que ce choix est strictement pragmatique. Les deux cosc�naristes avouent, eux, que ce n'est qu'en �ludant l'assassinat de Krim Belkacem que le film peut se r�aliser.
Les sc�naristes et le r�alisateur jugent, et c'est � leur honneur, qu'un film sur Krim Belkacem m�rite ce sacrifice. Ce n'est pas notre avis. Mieux vaut l'absence de film qu'un film participant involontairement � une restitution partielle, voire partiale de l'histoire. Amput� de ce fait majeur, le film tronque la vie de Krim Belkacem. Si ce projet devait ne pas se r�aliser, on ne sera pas de ceux qui le regretteraient. Autant le dire, en toute amiti�.
A. M.

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