La saisine du Conseil
constitutionnel dans la procédure et les formes actuelles est-elle
adaptée, restrictive ou désuète ? Cette question, d’un intérêt certain,
a été au menu d’une journée d’étude, organisée, hier, au siège du
Conseil constitutionnel. Constitutionnaliste et professeur émérite,
Ahmed Mahiou a plaidé une extension de la saisine.
Sofiane Aït Iflis - Alger (Le Soir) - Calquée sur le schéma ancien de
la saisine du Conseil constitutionnel français, laquelle a grandement
évolué, notamment avec l’introduction, sous la présidence de Jean-Louis
Debré, de la Question prioritaire de constitutionnalité (QPC), la
saisine du Conseil constitutionnel algérien apparaît très en décalage
par rapport à l’exigence de plus en plus accrue de la vérification de la
constitutionnalité des lois. Le droit de saisine du Conseil
constitutionnel reste toujours dans les prérogatives exclusives du
président de la République, du président de l’Assemblée populaire
nationale et du président du Conseil de la nation. Le professeur Ahmed
Mahiou, auteur d’une conférence fort instructive, a estimé qu’il faut
étendre la saisine du Conseil constitutionnel aux membres du Parlement.
«Il faut ouvrir, c’est sûr, mais de quelle manière et dans quelles
limites, cela nécessite un débat.» Le droit de saisine de l’institution,
dans sa définition actuelle, est restrictif. De plus, le rôle du Conseil
constitutionnel, outre l’arbitrage des contentieux électoraux, se résume
à la vérification a priori de la constitutionnalité des lois. Ce qui est
bien loin de ce que le Conseil constitutionnel français a accompli comme
réformes et ouvertures en matière de saisine. Ce décalage apparaît bien
grand, après avoir écouté Jean-louis Debré exposer les extensions
introduites dans la saisine du Conseil constitutionnel français. En
France, outre le président de la République et les présidents des deux
chambres parlementaires, le Premier ministre et les députés peuvent
saisir le Conseil constitutionnel. Mais ce qui est considéré comme une
avancée notable, c’est l’entrée en vigueur, dès mars 2010, de la
Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qui permet à tout
justiciable de recourir aux juridictions supérieures, Conseil d’Etat,
cour de cassation et Conseil constitutionnel au sujet de la
constitutionnalité d’une loi. Ce qui permet de recourir a posteriori
contre la constitutionnalité de la loi. Cette extension du droit de
saisine s’est accompagnée, nécessairement, par une aide juridictionnelle
maximum. Une aide négociée avec le ministère de la Justice. Une sorte
d’assistance juridique, voire même technique aux justiciables désirant
recourir devant le Conseil constitutionnel sur la constitutionnalité
d’une loi. Jean-Louis Debré a averti que cette extension de saisine fait
courir au Conseil constitutionnel le risque de se voir submergé par les
plaintes. Aussi, a-t-il insisté, il faudrait que la cour de cassation et
le Conseil d’Etat jouent le rôle de filtre, en examinant le sérieux des
saisines. Au Conseil constitutionnel français, les audiences sont
publiques. Elles sont retransmises sur le site du Conseil deux heures
après leur déroulement. Jean-Louis Debré, auteur de cette réforme du
Conseil constitutionnel français, qu’il préside actuellement, a
considéré que «le temps de la justice n’est pas le temps des juges mais
celui des justiciables ». Aussi, il a indiqué qu’«entre la saisine et le
moment de rendre la décision, il ne s’écoule que le temps de 2 mois et
20 jours». Les décisions du Conseil constitutionnel français sont
d’application immédiate ou avec délai, a expliqué Debré. Cela étant, le
président du Conseil constitutionnel algérien, Tayeb Belaïz, qui a
ouvert la journée d’étude, s’est contenté de prononcer une formule de
bienvenue. Les débats ont été modérés par Mohamed Abbou, ancien ministre
de la Communication et aujourd’hui membre du Conseil constitutionnel. A
ce dernier, qui s’est excusé d’avoir perdu ses papiers (notes, Ndlr),
avant de s’efforcer à un panégyrique de l’invité de son institution,
Jeanlouis Debré a répliqué, non sans humour : «J’ai appris aujourd’hui
qu’on ne meurt jamais d’une indigestion de compliments.»
S. A. I.