Certains hauts responsables algériens jouissent de la
double nationalité. Un fait dénoncé publiquement par le président
Abdelaziz Bouteflika qui, étrangement, a participé activement à la
promotion de plusieurs binationaux.
Tarek Hafid - Alger (Le Soir)
«Je ne connais aucun pays au monde qui donne des postes de souveraineté
à des binationaux. Celui qui détient un passeport étranger ne peut pas
avoir en même temps un passeport algérien».
Cette sentence, reprise par le journal français Le Figaro, a été
prononcée par le président Abdelaziz Bouteflika en octobre 2007. Ce qui
semblait alors être une menace du chef de l’Etat, n’était en fait qu’un
coup de feu à blanc. Abdelaziz Bouteflika est sûrement le président
algérien qui a le plus promu de binationaux aux postes les plus élevés
de l’Etat. Chakib Khelil en est l’exemple parfait.
L’ex-ministre de l’Energie détient bien deux passeports : un algérien et
un autre américain. Un statut très particulier qui n’a nullement gêné
Bouteflika. Khelil a été nommé en qualité de ministre et il jouissait du
privilège de ne rendre des comptes qu’au chef de l’Etat, en décembre
1999. Un poste qu’il n’a quitté qu’en 2010. Ce n’est pas tout, de
février 2001 à septembre 2003, Bouteflika décuplera les pouvoirs de son
protégé en le nommant P-dg de Sonatrach. Mais Khelil est loin d’être une
exception. Abdelhamid Temmar, serait lui aussi un binational (il n’a
jamais démenti les informations qui lui attribuent la double nationalité
franco-algérienne) à avoir accédé au statut de membre du gouvernement.
De 1999 à 2012, il a été tour à tour, ministre chargé des Participations
et de la Coordination des réformes, ministre du Commerce, ministre
Conseiller économique, ministre de l’Industrie et de la Promotion de
l’investissement et enfin ministre de la Prospective et des
Statistiques. Mais au moment où il fustigeait publiquement les
détendeurs de la double nationalité, Bouteflika s’était arrangé pour
faire recruter une binationale à la tête de la direction de
l’information de la Présidence de la République.
Ancienne journaliste de la RTA, Farida Bessa est citoyenne algérienne et
sujet du Royaume de Belgique. Durant plusieurs années, elle a occupé le
poste d’attachée commerciale et économique à l’ambassade de Belgique à
Alger. Son arrivée au Palais d’El Mouradia avait provoqué des
grincements de dents. Mais au plus haut sommet de l’Etat, les critiques
ont toujours étaient étouffées. Nul ne peut s’opposer au choix du
président de la République. D’autres responsables algériens jouiraient
de ce statut, mais font en sorte de rester très discrets. Bien entendu,
il n’est nullement question de critiquer un choix purement personnel.
Sauf que dans certaines situations, la seconde nationalité peut s’avérer
être une «valeur refuge».
Revenons au cas Chakib Khelil. Il est évident que l’ex-ministre de
l’Energie profitera pleinement de sa citoyenneté américaine pour contrer
les procédures engagées par la justice algérienne. Pour d’autres, la
problématique de l’intelligence avec une puissance étrangère pourraient
se poser concrètement. Tout est question de crédibilité.
L’Algérie doit-elle pour autant se passer d’une catégorie de citoyens
compétents dont la seule différence réside dans le fait qu’ils disposent
d’une autre nationalité ? Assurément non. Cependant, il est aujourd’hui
urgent de lancer un franc et serein débat autour de cette question.
T. H.