La voix du ministre des Finances Karim Djoudi sonne
bien discordante avec le chœur gouvernemental rythmé par le Premier
ministre Abdelmalek Sellal et seriné inlassablement depuis plusieurs
semaines. Karim Djoudi affiche des craintes sérieuses pendant que Sellal
répète à longueur de visites d’inspection dans les wilayas que tout va
pour le mieux dans la meilleure des Algérie.
Sofiane Aït Iflis - Alger (Le Soir)
Le hiatus est apparent. La déclaration, mardi, du ministre des Finances
qui s’inquiétait du recul des exportations des hydrocarbures et son
incidence négative sur la balance commerciale de l’Algérie rompt
brutalement avec la sérénité excessive d’un Sellal plus que jamais en
précampagne électorale. Se fiant à des données statistiques, le premier
argentier du pays a jugé de son devoir de tirer la sonnette d’alarme.
A raison, au demeurant, puisque la menace sur la finance publique est
sérieuse après que le premier semestre de l’année 2013 fut marqué par
une baisse des exportations des hydrocarbures, lesquelles génèrent le
principal de la ressource financière du pays.
La baisse des recettes pétrolières a été en effet de l’ordre de 12%, à
raison de 10% en volume et 2% en valeur. «Il y a une inquiétude que
personne ne peut nier (…) d’où la nécessité de continuer à créer la
richesse et de l’emploi et veiller à ce que nos équilibres ne soient pas
perturbés à moyen terme», s’est inquiété Djoudi. Son inquiétude est
d’autant plus justifiée que la chute des recettes des exportations
pétrolières est induite par des facteurs exogènes sur lesquels l’Algérie
n’a aucune maîtrise.
C’est, selon le ministre des Finances, la récession qui perdure en
Europe, la faible croissance aux Etats-Unis et la baisse des projections
de croissance dans les pays émergents qui ont occasionné ce manque à
gagner en matière de recettes des hydrocarbures.
Avec des importations en hausse de 14%, l’excédent commercial du pays a
chuté de moitié. Cette tendance baissière pourrait se maintenir pour le
second semestre 2013, tant est que les prévisions n’annoncent pas une
amélioration des facteurs exogènes ayant été à l’origine de ce recul des
recettes des exportations pétrolières. Mais paradoxalement, l’inquiétude
de Djoudi n’est pas faite sienne par le Premier ministre qui poursuit
imperturbable à accorder des rallonges budgétaires aux wilayas, alors
que la prudence recommanderait une rationalisation de la dépense
publique. Pas que cela, cependant !
Les attitudes de Djoudi et de Sellal sont en déphasage patent. Leurs
discours respectifs traduisent deux réalités bien distinctes. Le
ministre des Finances alerte sur la perturbation à moyen terme de la
balance commerciale, pendant que le Premier ministre travaille, lui, à
planter un tout autre décor.
L’alerte de Djoudi confirme la persistance de la forte dépendance de
l’économie nationale aux hydrocarbures, en dépit des enveloppes
faramineuses, plus de 500 milliards de dollars en 10 ans, consacrées à
la relance économique en la diversifiant.
Les discours de Sellal poursuivent, en revanche, de présenter une
politique économique aboutie. Il est évident que Djoudi parle en
technicien qui fait dire aux chiffres ce qu’ils veulent réellement dire,
alors que le Premier ministre évolue, lui, sur une logique
électoraliste, laquelle suppose de vernir au mieux le bilan de
Bouteflika. D’où cette incohérence que le gouvernement exhibe à la face
du monde.
S. A. I.