Chronique du jour : Lettre de province
Exit 2013 : Bouteflika à l’heure de l’examen de «conscience»


Par Boubakeur Hamidechi
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L’année 2013 qui s’achève est certainement la séquence la plus noire qu’a eu à connaître l’Algérie depuis 1999. Entamée dans la violence, à la suite de l’attaque terroriste de Tiguentourine, avant d’enchaîner par les révélations au sujet des scandales de la corruption et, tout de suite après l’annonce de la maladie du Président ; elle déroule ses derniers jours dans un climat de sidération politique que le pays n’avait jamais subi auparavant. Alors que le chef de l’Etat n’est guère au mieux de sa forme, pour demeurer sur le pont, les rumeurs se multiplient sur ses intentions et surtout se contredisent. A cent jours d’un scrutin devant entériner une autre mandature, l’incertitude demeure entière concernant ses intentions. Or, quelles que soient les arrière-pensées à l’origine de l’option du «silence», elles ne peuvent que surcharger psychologiquement les préjugés à l’égard de son pouvoir, le jour où il se décidera. Dans quelques semaines ou d’ici à février, lorsque la nécessité de s’exprimer deviendra alors impérative, quels gages donnera-t-il à l’opinion pour expliquer son désir ? Même si son souhait de postuler à un quatrième quinquennat sera exaucé grâce au savoir-faire notoire des spécialistes en élections, cela n’empêchera pas une certaine adversité de venir troubler son ambition. Et celle-ci a une identité : elle est… lui-même! Alors que le Bouteflika de 1999 et 2004 était animé par la certitude en sa bonne étoile, en est-il toujours de même en 2014 au moment où l’usure et le désenchantement de ses bilans politiques deviennent les paramètres de l’humilité ? Il est significatif d’ailleurs de relever chez Sellal cette petite note de retenue lorsqu’il s’est contenté de préciser que Bouteflika se décidera «en son âme et conscience» le moment voulu. Un changement de ton alors que durant 6 mois il claironnait, tout au long de ses «tournées de popote», que le Président n’a d’autres intentions que de poursuivre son grand-œuvre. Peu importe qu’il ait perçu quelques hésitations chez le Président ou, au contraire, qu’il lui ait été suggéré de tempérer ses ardeurs démagogiques et, peut-être même, a-t-il spontanément usé de cette formule consacrée qui lui avait, sur le moment, semblé appropriée aux circonstances. Ce qu’il faut retenir de cette référence à la «conscience», inattendue pourtant lorsqu’il s’agit des domaines impitoyables que sont la politique et la conquête du pouvoir, c’est que désormais le destin de Bouteflika pose bien plus des problèmes à l’Algérie qu’à lui-même. Le vertige du vide politique actuel est sûrement la conséquence de transgressions dans la pratique de son pouvoir mais aussi de son affaiblissement physique qui rend hypothétique sa reconduction à une charge où l’on doit être en responsabilité à tous les instants. A ce propos, l’année 2013 n’est-elle pas celle qui vient de sanctionner avec fracas les consensus douteux du passé à travers lesquels l’on avait laminé les contre-pouvoirs et corrompu l’ensemble des institutions de l’Etat ? L’embourbement progressif des mécanismes de l’Etat n’a-t-il pas eu comme auteur ce régime n’ayant jamais toléré la moindre autonomie des institutions ? Réfractaire à tout contrôle, il a fait main basse sur les centres névralgiques de la gouvernance pour les instrumentaliser selon ses besoins. La déliquescence chronique de l’Etat est donc à mettre au compte des passifs des équipages de Bouteflika. Et ce n’est un secret pour personne que de rappeler qu’en toutes circonstances, les moyens de l’Etat étaient mis à la disposition de ses campagnes. Dans le même registre, n’a-t-il pas également reformaté la justice en la mettant aux «normes» de ses exigences ? Rétrospectivement ce bouteflikisme que l’on s’efforce de vendre à l’Algérie est reconnaissable à travers ses errements. En clair, le mythe de l’homme providentiel dont l’Etat ne peut se passer de nos jours est de moins en moins justifiable même pour les fervents admirateurs de ce qu’il a été. Le brillantissime tribun qui savait convaincre comme le ferait un arracheur de dents n’est plus sur la brèche pour croire qu’un matin politique nouveau peut se lever grâce à lui. Bien loin de tout procès autour de son long magistère, ce pays est en droit à son tour de se poser en censeur de ses dirigeants qui ont fait «leur temps», comme il se dit simplement. Encore faut-il que le Président Bouteflika anticipe sur le véritable sentiment de ses concitoyens et ne fasse plus cas des sirènes de la courtisanerie. Alors en «conscience» justement, il se décidera à quitter la scène, devenant de la sorte l’homme de la transition pacifique après avoir été le Président algérien qui a conservé le plus longtemps le pouvoir.
B. H.





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