L’irréparable a failli se produire dans la soirée de
mercredi dernier au niveau du tunnel de Djebel El Ouahch après un
gigantesque éboulement de terre au cœur de la galerie en cours de
réalisation et qui n’a pas été sans conséquences sur la partie ouverte à
la circulation depuis quelques mois seulement.
En effet, si l’on ignore encore l’ampleur des dégâts occasionnés à
l’intérieur du boyau inachevé, les fissures apparues sur les voûtes du
tunnel partiellement fonctionnel dénotent, elles, la gravité de la
situation. Indéniablement, la fiabilité de l’œuvre en terme de sécurité
pour les usagers est, désormais, remise en cause. Et suite à cet
incident, ce sont autant de questions maintes fois soulevées par
l’opinion publique qui ressurgissent s’agissant notamment des retards
considérables enregistrés dans la réalisation de ce tronçon, les raisons
des litiges à répétition qui ont opposé la tutelle des travaux publics
au consortium japonais Cojaal, les surcoûts exorbitants du projet et
autres études qui auraient averti sur les dangerosités potentielles,
précisément au niveau de cette partie du chantier.
Cela étant, le ton officiel est demeuré serein. Le ministre des Travaux
publics qui s’est rendu jeudi sur les lieux a tenu en premier lieu à
féliciter «la promptitude des autorités locales dont la Gendarmerie
nationale, la Protection civile et l’administration des travaux publics
qui ont procédé par précaution aussitôt après l’incident, à la fermeture
du tunnel fonctionnel qui a subi quelques dégâts suite à l’éboulement ou
plus exactement au glissement de terrain qui a touché le tube en cours
de réalisation». Un aveu du péril encouru par les usagers de ce tunnel
même si Farouk Chiali impute l’incident à «un phénomène naturel qui peut
intervenir dans tous les tunnels du monde». Une commission technique
dépêchée par le ministère et renforcée dès jeudi par deux experts
étrangers, un Italien et un Canadien est déjà à pied d’œuvre selon le
ministre, «afin d’analyser les raisons qui ont engendré ce glissement et
soumettre les dispositions à prendre pour les deux tunnels». Farouk
Chiali qui s’est dit préoccupé par la réouverture dans les plus brefs
délais du tunnel déjà mis en service a, par ailleurs, insisté sur le
fait que pour le lancement de ce projet, des études ont été menées à
tous les niveaux qu’elles soient préliminaires, d’avant-projet
détaillées ou d’exécution. Et partant, «il n’est pas exceptionnel que
des phénomènes naturels pareils arrivent d’où, il s’agit pour l’instant
de prendre les dispositions de sécurité nécessaires, car nous ignorons
jusqu’à présent l’importance de ce glissement de terrain». Le rapport de
la Protection civile basé sur les constatations effectuées à l’intérieur
des deux tunnels par les éléments de ce corps note, quant à lui, des
éboulements de terre et de pierres qui ont enseveli les équipements et
matériels techniques de la société de réalisation et obstrué
complètement la galerie reliant les deux tunnels. Aussi, des fissures
entre 5 et 10 centimètres de largeurs sont apparues sur les parois du
tunnel ouvert qui a connu également des chutes de débris de béton. Sur
les hauteurs de Djebel El Ouahch, notamment au niveau des lacs qui font
la renommée de ce site protégé, des routes ont été sérieusement
endommagées du fait de ce glissement qui a engendré des surélévations en
plusieurs endroits mais aussi des fissures dans quelques habitations
limitrophes.
Farouk Chiali, qui s’est adressé à l’un des responsables de Cojaal
présent sur les lieux avant de quitter Djebel El Ouahch, a été moins
offensif que lors de sa dernière visite à ce chantier, invitant ce
dernier à mettre tout en œuvre pour «régler dans un premier temps le
problème du tunnel ouvert avant de poursuivre le creusement du T2».
Pour rappel, il y a moins de deux mois, le ministre des Travaux publics
avait manifesté son mécontentement, laissant entendre que désormais, les
clauses contractuelles seront strictement appliquées aux torts exclusifs
du constructeur du pays du Soleil-Levant. La cadence quasi nulle des
travaux notamment le creusement du tunnel T2 avait fait réagir le
ministre qui a rappelé au responsable de l’ANA que les contraintes
soulevées pour expliquer les retards et/ou le rythme insignifiant des
travaux n’ont pas lieu d’être s’agissant d’un contrat aussi important.
Farouk Chiali qui était presque stupéfait par le fait que le creusement
du T2 n’avance que de 50 cm par jour alors qu’il reste près de 396
mètres d’excavation n’a guère admis les explications peu convaincantes
et parfois contradictoires des responsables japonais présents sur le
chantier. Il estimera, d’ailleurs, qu’à ce rythme, trois années de
rallonge ne suffiront pas pour achever ce boyau, exception faite de la
pose de ses équipements et autre chaussée.
Contenant son ire, il avait insisté auprès de ses interlocuteurs sur les
recours qu’ils proposent pour emballer la cadence des travaux, ces
derniers resteront peu loquaces contrairement à ce qu’ils furent avec
son prédécesseur qui a tant de fois défendu le savoir-faire des Japonais
voire même leurs engagements avançant sans suite, tant d’échéances pour
la livraison de tout le tronçon est de l’autoroute. Mais il semblerait
que depuis ce temps, l’on soit revenu à de meilleurs sentiments
nonobstant la panique générale qui a suivi l’incident de mercredi qu’on
peut aussi imputer aux aptitudes de l’homme à apprivoiser la nature et
ses caprices. Et en la matière, le génie nippon est reconnu.
K. G.