Chronique du jour : Lettre de province
Indécision feinte du palais et coterie à la manœuvre ?


Par Boubakeur Hamidechi
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Et si tous les commentaires de la presse n’étaient que de simples suppositions fondées sur les apparences alors que le silence du palais était déjà une réponse ?
La longue attente, ayant contraint les journaux à conjecturer à longueur de colonnes sur des hésitations de Bouteflika, jamais vérifiées, sera-t-elle bientôt abrégée à travers un signal fort qui lèverait les derniers doutes sur son intention de rempiler ? C’est probablement à cette décision qu’il faut se préparer, laquelle refroidira cette petite fièvre qui, depuis quelques semaines, avait gagné les improbables candidats à la… candidature. Vainqueur avant d’avoir vaincu, l’indéboulonnable Président-sortant aura-t-il alors besoin de challengers dès l’instant où les jeux sont faits par avance ? Comme les quinquennats de sa réélection constituent une série parfaite de la magie des urnes, il n’y a désormais plus de raison de croire qu’il prenne à lui seul le risque de s’exposer à la transparence d’un vote. Imprégné de la vieille culture de la conquête du pouvoir puis de son accaparement, Bouteflika est semblable à la plupart de ceux qui l’ont précédé. La méthode immuable qui consiste à considérer l’acte électoral comme une simple ratification de quelques contrats passés «ailleurs» est, d’une certaine manière, un héritage historique de notre pays. Pour mémoire, l’Algérie doit à un certain Naegelen, alors gouverneur français en poste à Alger, cette notoriété dans le truquage des urnes. Ce qui ne fut qu’une péripétie de la malfaisance du régime colonial a fini par déteindre sur les coutumes politiques de ce pays dès le recouvrement de sa souveraineté. D’ailleurs, le raccourci «élections à l’algérienne» qui, initialement, désignait ce délit dans le débat franco-français bénéficiera d’une seconde vie, indigène celle-ci, à travers le recours à la manipulation qu’ont connu par la suite nos votes. A l’exception d’un certain référendum, organisé dans une pagaille heureuse le 1er juillet 1962, plus jamais nos consultations ne furent transparentes par la suite. C’est dire que les régimes successifs ne se sont que rarement crus en devoir de tenir compte des avis exprimés dans les isoloirs. Dès lors que les légitimités obéissaient aux seuls rapports de force, les scrutins ne pouvaient que relever du folklore. Les spécialistes dans les enquêtes d’opinion pourront assez facilement corroborer cet état de fait à travers l’examen de la dizaine d’élections présidentielles organisées depuis l’indépendance. Car, malgré les contextes différents dans lesquels elles se déroulèrent, ne furent-elles pas dans leur totalité estampillées par le bourrage au profit de celui que le système avait désigné préalablement. Les scores à la soviétique qui ont permis à Bouteflika de démonétiser en 2004 et 2009 la compétition électorale seront sans doute au rendez-vous en avril prochain.
Peu importe aux maîtres d’œuvre que la défection de l’électorat soit perceptible le jour voulu dès l’instant où tactiquement ils ont appris, depuis quelques scrutins, à faire de l’absentéisme un paramètre de leur vertueuse transparence ! D’ailleurs, ce tour de passe-passe n’avait-il pas inspiré une inénarrable rhétorique politique à un précédent ministre de l’Intérieur qui l’avait salué comme le signe «d’une maturité politique» de l’électeur. Il est vrai qu’en la circonstance, il n’analysait que l’impact de l’absentéisme dans un scrutin secondaire. Celui des communes ! L’aveu est en soi véniel et ne doit en aucune façon s’appliquer au plébiscite répétitif du président de la République. L’appareil d’Etat, dont la double mission consiste probablement à recruter des faire-valoir en qualité d’outsiders puis à élaborer le tableau de marche des taux de telle manière que l’opération soit pliée en un petit tour, n’est-il pas déjà solidement verrouillé par la coterie politique du palais ? Belaïz à l’Intérieur, Louh à la Justice, Medelci au Conseil constitutionnel et évidemment Sellal à la coordination sont tout à fait connus de la classe politique pour que celle-ci puisse se faire quelques illusoires probabilités sur l’issue d’un certain soir d’avril. Manifestement, celles parmi les personnalités qui persisteront dans leur désir de se prêter à un faux challenge ne peuvent ignorer le risque moral qu’elles encourent à travers la connivence qui leur sera servie dans un emballage de probité républicaine. La ficelle politico-patriotique est trop grosse pour se laisser accrocher par des engagements vertueux alors que le scénario du hold-up électoral est écrit à l’avance. En clair, un scrutin en présence du Président sortant n’est rien d’autre qu’un guet-apens de plus. Celui qui sera, hélas, de trop pour le pays.
B. H.





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