Corruptions : L’effondrement de l’autoroute sur fond de corruption du «chantier du siècle»
Incompétence, mauvaise gestion, dilapidation des deniers publics, surcoûts, surfacturations, retards de livraison...


Enorme tromperie sur la marchandise : c’est le constat qui prévaut à propos du «chantier du siècle », abjecte dénomination donnée au projet qui n’en finit pas de l’autoroute Est-Ouest. Dénomination dont ont usé et abusé les «gangsters autorisés» qui ont commandité et qui ont eu la charge de cet ouvrage. L’effondrement, il y a quelques jours, de l’un des tunnels de cette autoroute, à hauteur de Constantine, n’est qu’une des conséquences de «la corruption du siècle» qui éclabousse ce chantier depuis plusieurs années. Incompétence, mauvaise gestion, dilapidation des deniers publics, surcoûts, surfacturations, retards de livraison : la liste de toutes les dérives est malheureusement loin d’être close.
Le nouveau ministre des Travaux publics — qui devient le ministre de l’autoroute Est-Ouest, à force de voir les catastrophes se multiplier sur ce projet — a hérité d’un «cadeau empoisonné». Il a osé une explication à propos de cet effondrement du tunnel : c’est un phénomène naturel, tout en annonçant la mise en place d’une commission d’enquête composée d’experts algériens et étrangers qui n’ont rien d’indépendants, puisqu’issus d’entreprises et de bureaux d’études liés au marché de l’autoroute. La très mauvaise gestion continue, et les usagers de l’autoroute ne sont pas près de voir le bout du... tunnel. Ce sont quand même plus de 17 milliards de dollars qui ont été dépensés, et la facture continue de s’alourdir ! Le pouvoir et ses exécutants vont essayer de continuer à colmater les brèches de ce «chantier du siècle», brèches qui vont se multiplier à l’infini tant la corruption a prévalu à toutes les étapes du projet. Le calvaire des usagers n’est pas fini, et l’argent des contribuables continuera à être dilapidé.

Comment tout cela a-t-il été possible ?
La corruption est devenue systémique en Algérie et n’a plus de limites. Un scandale en cache un autre. Comment tout cela a-t-il été possible ? Comment a-t-on pu confier des projets à plusieurs dizaines de milliards de dollars à des hommes incompétents et corruptibles ?
Toutes les fois où une relation de pouvoir, d’offre et de demande s’installe, la possibilité d’un marchandage ouvre la porte à toutes sortes de jeux d’influence, et donc instruit un rapport de force. Dans ces conditions, on peut dire que les sphères dans lesquelles s’exerce ce type de relation sont des sphères où s’exerce un pouvoir, où il y a une institution avec des hiérarchies et un jeu d’influence et où la relation sociale est manipulée dans le but de produire une situation d’avantages artificiels. Curieusement, il en est encore qui croient que la corruption peut aider à graisser les rouages d’une économie lente et sur-régulée. Les faits démentent cette théorie. La corruption a un coût. Il est établi qu’elle favorise les investissements improductifs, accroît le coût des biens et services et conduit à un déclin de la qualité de tout service et de toute production sous contrôle public. Elle engendre de mauvais choix, encourage la compétition au niveau des pratiques de corruption plutôt qu’une saine concurrence en termes de qualité et de coût. Par-dessus tout, elle altère le développement économique et social, ce qui cause des dommages particulièrement importants dans les pays en voie de développement comme l’Algérie.
Elle détourne les richesses nationales au profit de quelques-uns, érode la base des ressources d’un pays et contribue à entretenir ainsi le cercle vicieux de la pauvreté.
En privant les membres les plus vulnérables de la société des fruits du développement par le détournement des priorités sociales de base (sécurité alimentaire, santé, éducation...), elle les empêche de bénéficier de l’amélioration de la qualité de vie qui devrait résulter d’une répartition équitable. Elle gonfle artificiellement le prix des biens et des services pour une qualité moindre, et impose ainsi aux plus pauvres de payer le prix de la corruption alors même qu’ils en sont les moins capables.

Les auteurs du désastre passibles des tribunaux
La corruption érode les principes qui régissent l’Etat de droit, mine la légitimité des gouvernements ainsi que l’efficacité et la crédibilité des institutions publiques, rend la justice inopérante et crée un climat d’insécurité susceptible de porter atteinte à la stabilité politique de certains pays. Il ne faut pas perdre de vue que les décideurs, lorsqu’ils sont considérés comme corrompus, deviennent non seulement incapables de contrôler leurs subalternes, mais finissent par perdre toute autorité morale. Au bout du compte, la corruption peut être considérée comme un facteur d’instabilité qui menace la paix civile. Amar Ghoul, le gestionnaire indélicat de ce «chantier du siècle», a tort de considérer qu’il a échappé aux retombées désastreuses d’une autoroute qui tourne à la catastrophe et qui va dans tous les sens : si pour le moment, il coule des jours heureux au ministère du Transport et jouit d’une immunité-impunité grâce à ses «parrains» du pouvoir, le temps de «rendre des comptes» va arriver plus tôt que prévu, et l’ardoise risque d’être très lourde. Sous d’autres cieux plus démocratiques et plus transparents, il aurait été mis à la porte du gouvernement depuis longtemps et se serait expliqué devant des juges indépendants et compétents. Mais ce n’est que partie remise....
Djilali Hadjadj





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