Par Boubakeur Hamidechi
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Avant
toute chose, citons une brève dépêche, insignifiante en soi mais d’où un
seul mot vaut son pesant de sens. Lisons : «Algérie : le Président
Bouteflika a fixé au 17 avril la date de sa RE-ELECTION.» Rédigée comme
un calembour, ne nous suggère-t-elle pas avec finesse ce qu’il fallait
retenir du fameux décret qu’il venait de signer ? Mise en ligne par un
site d’information à la tonalité satirique, sa tournure sémantique
frappe néanmoins par sa pertinence. Car, quelque part, elle indique
clairement à quoi l’Algérie doit s’attendre malgré les secrets et les
artifices du pouvoir. L’irrémédiable opération de sa reconduction est
effectivement mise en rodage depuis quelques jours, au cours desquels
s’ébauchent les structures du chapiteau où se jouera la farce. Un
meeting de l’UNFA faisant allégeance, ici et un austère aréopage de
magistrats superviseurs, là, indiquent bel et bien que la mise en route
de la machine n’avait pas besoin d’attendre sa «décision» ou que,
formellement, il daigne s’adresser au pays à ce sujet. C’est ce que
demandait, par exemple, Louisa Hanoune qui feint d’être outrée et
angoissée par ce mépris mutique alors qu’elle n’a pas hésité à devancer,
in fine le souhait des maîtres d’œuvre s’agissant de sa possible
participation – alibi. Même s’il n’est pas dans le même cas de figure
que la dirigeante du PT, Benflis semble lui aussi pécher par excès de
précipitation en annonçant trop tôt sa participation. L’étonnante
synchronisation des timings entre la signature du décret présidentiel et
de la déclaration de sa candidature risque de valoir, à cet ex-chef de
gouvernement, ex-SG du FLN et ex-sparring-partner à la présidentielle de
2004, quelques déconvenues lorsque viendra le temps de battre campagne
et d’entrer dans le «dur» de la confrontation avec son lot de
révélations – accusations. Tactiquement, tout au moins, Benflis avait
bien plus intérêt à temporiser, au cours de la séquence intermédiaire,
avant le dépôt du dossier de validation auprès du Conseil
constitutionnel. Lui qui n’a rien d’un lièvre électoral contraint de
courir après la récolte des signatures, n’avait-il pas plus que d’autres
la latitude de braver les martingales de la coterie en jouant à son tour
au même poker-menteur ? Dès l’instant où le seul écueil qui pose
quelques difficultés au régime consiste précisément dans le
«recrutement» de personnalités suffisamment notoires, tout l’enjeu
n’est-il pas justement de parvenir à caricaturer jusqu’au ridicule le
rendez-vous du 17 avril 2014 ? Car cette fois-ci il y va bien plus du
destin global de la nation que l’ont été les présidentielles de 1999,
2004 et même celle de 2009. Alors que par le passé, il s’était agi de
contester au Président sortant son bilan (2004) puis de réfuter en 2009
son recours au viol de la Constitution, 2014 s’inscrit au contraire dans
le pire scénario catastrophe que l’Algérie avait eu à vivre depuis 1962.
Dans les singulières circonstances qui sont les siennes, nul n’ignore
que Bouteflika est définitivement inapte à assumer la marche du pays
pour une période de cinq ans. A 77 ans (né le 2 mars 1937), est-il
concevable de projeter l’Algérie avec une direction du quatrième âge ?
Poser en termes clairs cette question ne revient-il pas à mettre
clairement en accusation ceux qui sont à l’œuvre pour imposer à la tête
de la République un Président-candidat cloîtré dans un palais-clinique ?
Et si cinq ans et même dix années auparavant lorsque l’opinion ne se
consolait alors que de quelques «hélas» au vu de l’indécence de la
fraude, il n’en est plus de même maintenant dès lors que des voix amies
au Président n’hésitent pas à lui conseiller amicalement de «mettre les
pantoufles de la retraite», pour ne citer que l’allusion de Yacef Saâdi.
C’est dire que le pays est passé du «hélas» au «hola !». Mais alors que
faire, lorsqu’on est contraint de s’adresser à ceux qui, déjà, acceptent
de tenir des rôles dans cette fictive course où le principal adversaire
à défaire ne sera pas de la partie en ne daignant concourir que par
délégation de tribuns à sa solde ? Eh bien, en déclarant d’abord forfait
mais tout en faisant campagne contre l’appareil d’Etat afin de le priver
de sa capacité à exhumer des arguments en sa faveur. De ceux qu’ils ont
pris pour habitude d’opposer en pareil cas aux lièvres et qui furent
entendus aussi bien en 2004 qu’en 2009. En effet, prenant à témoin
l’électorat, les Sellal, Saâdani (ou quelqu’un d’autre), Bensalah, Sidi
Saïd et tant d’autres, répéteront en chorus ceci : «Constatez par
vous-mêmes ! Tous jouent le jeu des élections et ambitionnent de lui
succéder malgré les accusations diffamatoires dont ils l’accablent.
N’est-ce pas une preuve suffisante que sa légitimité vient des urnes et
qu’ils désirent la conquérir à leur tour ?» C’est cette dialectique
subtile, consistant à retourner avantageusement les situations délicates
du moment qui leur serviront de quitus, au soir du 17 avril et pour
l’Algérie de 2014 des lendemains de gueule de bois dont les complices
n’étaient ni plus ni moins que ces vaincus «magnifiques» qui avaient
servi de porteurs d’eau à une énième escroquerie électorale.
B. H.