Au-delà des ahurissements qu’elles ont soulevés, les
attaques frontales du secrétaire général du FLN contre le DRS ont mis à
nu une logique suicidaire de Bouteflika et son clan pour la sauvegarde
de leur pouvoir. Jamais l’expression «après moi, le déluge» n’a été
traduite par une situation politique que celle qui prévaut chez nous à
l’approche de la présidentielle.
Sofiane Aït Iflis - Alger (Le Soir)
La bravade suggérée et instrumentalisée d’Amar Saâdani ne poursuit
pas que le contrebalancement des rapports de force au sommet de l’Etat.
Elle traduit, malgré les termes d’un nouveau et nécessaire débat qu’elle
y introduit, une dangereuse griserie du pouvoir chez un clan qui
n’entend pas passer le relais dans les formes démocratiques, quand bien
même la contingence politique liée à la maladie du chef de l’Etat le lui
ordonne. Car, ne soyons dupes de rien, Amar Saâdani, ne pouvait avoir
agi de son propre chef et pour son propre compte dans la vague qu’il a
soulevée. Ce qui a conduit à cette situation porteuse de risques
majeurs, c’est incontestablement la résolution entêtée du clan
Bouteflika à ne pas céder le pouvoir, quitte à faire basculer le pays
dans l’inconnu.
Le clan travaille, à l’évidence, à se frayer un passage en force, quoi
qu’il advienne. Pour sauver son pouvoir, il semble faire le choix
déraisonnable de prendre le risque de sacrifier l’Algérie. Ce que nombre
d’intervenants et de commentateurs de l’actualité nationale ambiante,
surchauffée par la sortie de Saâdani, ont relevé. Tous ont conclu à une
atmosphère sentant le soufre. Autant d’alertes qui ont bien fini par
inciter le chef de l’Etat, qui, il faut le dire, met son propre
ingrédient en entretenant le suspense sur son avenir politique, sa
candidature, en somme, à distiller un message à travers lequel il a
calculé de tempérer les ardeurs des uns et des autres, se positionnant
en arbitre dans une escalade à laquelle son clan, sinon lui-même, ne
serait pas étranger. On n’en serait pas, au demeurant, à ce point
d’inquiétude pour la République si Bouteflika et son clan n’avaient pas
pris en otage l’élection présidentielle, compromettant, conséquemment,
dangereusement l’avenir de la nation. L’image qui restitue le mieux
cette réalité algérienne à la veille de l’élection présidentielle est
incontestablement celle mise en lumière par Djamel Zenati dans une
tribune libre dans El Watan. Plutôt deux images qu’une. Il compare, à
juste titre, l’attitude du clan présidentiel à la politique de la terre
brûlée à laquelle l’OAS s’est rendu dans le sillage de l’indépendance
nationale. La seconde, plus vraie encore, est cette formule qui a cours
dans l’immobilier et qu’on appelle le viager et qui consiste à
l’acquisition d’un bien mais dont la jouissance n’intervient qu’une fois
son propriétaire décédé. C’est cette transaction que le clan
présidentiel tente de reproduire au plan politique ; faire une OPA sur
le pouvoir en reconduisant Bouteflika, pour en jouir plus tard. ne
séquence difficilement jouable, tant est qu’il lui manquera toujours
l’argument à même de la valider. La reconduction de Bouteflika,
impotent, est difficilement vendable dans les règles classiques du jeu
électoral. Il n’y a, pour réaliser un tel dessein, que le coup de force.
Et un passage en force n’est jamais le marqueur d’une bonne santé de la
République.
S. A. I.