Actualités : HALIM BENATTALLAH REVIENT SUR LA GESTION DE L’ATTAQUE
DE TIGUENTOURINE
La passivité diplomatique et plus globalement le syndrome du «normal»
Halim Benattallah, diplomate, ancien secrétaire
d’Etat à la communauté algérienne à l’étranger, vient de livrer son
analyse sur l’affaire Tiguentourine. L’attaque de ce site n’est, pour
celui qui vient de rallier le candidat Benflis, qu’un prétexte — mais
prétexte très instructif — pour évoquer ce qu’il considère comme la
«passivité», mieux encore le délitement de la diplomatie algérienne.
Tiguentourine est le reflet, suggère-t-il, la traduction d’une
gouvernance «normale», terme qu’il emprunte très ironiquement au Premier
ministre qui vient tout récemment d’en faire usage, Sellal pensant qu’en
l’adoptant ainsi, en adoptant le langage «jeunes», il pourrait gagner
leurs voix pour le 4e mandat. La gestion diplomatique de Tiguentourine,
dit encore Benattallah, en argumentant, «traduit le grand reflux
diplomatique qui a été payé cash en la circonstance».
Beaucoup s’écrit depuis quelques semaines sur l’attaque de Tiguentourine.
Halim Benattallah a choisi de décliner les moments clés de la gestion de
cette attaque en se focalisant sur l’aspect diplomatique, puisqu’il
s’agit de l’aspect qu’il connaît le mieux. La machine diplomatique «est
la première ligne de défense de la sécurité du pays».
Cette machine était aphone, «tétanisée», «passive». «On se confina dans
l’immobilisme, attendant sans doute des instructions présidentielles
pour faire le plus élémentaire des devoirs et déclencher les procédures
usuelles de réaction et de gestion de crise.» Comment pouvait-il en être
autrement dans la mesure où, nous apprend Benattallah, «l’appareil
diplomatique ne recevait que «quelques bribes d’informations tandis que
les ambassades concernées par leurs ressortissants en danger recevaient
des informations en première main sur le déroulement des événements».
Qui gérait l’information dans les moments les plus cruciaux de cette
attaque ? Le Premier ministre, le ministre de l’Intérieur et celui de la
Communication. Quant au MAE, il était tout simplement absent. Mourad
Medelci, comme ses ambassadeurs, ont déserté et en l’absence de «rempart
diplomatique» ceux qui étaient au front pour repousser l’attaque, par le
biais de leur ministre de la Défense, sont allés au front de la
communication diplomatique.
Mais que pouvait faire la diplomatie dans une attaque comme celle de
Tiguentourine et en quoi, elle a failli ? La réponse de Benattallah est
une liste à Prévert. Rien de plus que ce que prévoient les protocoles
usuels de gestion de crise et qui n’ont pas été déclenchés. Et de citer
: «Une déclaration préliminaire» pour prendre la communauté
internationale à témoin et «occuper ainsi le terrain».
Le ministre aurait dû, par une déclaration immédiate, «faire savoir aux
commanditaires de cette agression qu’ils s’exposaient à une riposte
conséquente» ; dénoncer une tentative de déstabilisation «afin
d’exonérer par avance l’Algérie de toute escalade éventuelle sur le
terrain» et «faire à chaud et publiquement l’analyse des liens entre
l’attaque et les manœuvres de déstabilisation au Sahel et dans le monde
arabe». En l’absence de ce minimum «le flanc fut prêté à des campagnes
médiatiques violentes», nous dit encore Benattallah.
Parallèlement à cette communication minimum qui a fait défaut, l’on
apprend qu’au plan international, le minimum requis en réactions
légales, prévues par les textes, n’a pas été entrepris : «Il était
important de se positionner sur le plan de la légalité internationale en
faisant immédiatement acter l’attaque auprès du Conseil de sécurité et
en demandant sa condamnation. Cela n’a pas été entrepris.»
Et pour finir, l’on aurait pu tester la solidarité des pays amis,
maghrébins et africains, mais, rappelle Benattallah, tout cela ne fut
pas fait et comment pouvait-il en être autrement lorsque l’on sait que
«l’Algérie a perdu pied dans ce continent et que sous prétexte de
non-ingérence que l’on confond allégrement avec la passivité, on a
déserté le terrain, ne s’y rendant que pour des investitures».
Benattallah va plus loin encore : «Sur le Sahara Occidental, l’Algérie a
perdu l’initiative en se figeant dans une attitude qui lui a valu une
effrayante cascade de retraits de reconnaissance.» Alors que notre pays
assurait des médiations internationales même dans le cas de prise
d’otages, aujourd’hui les otages sont nos compatriotes qui n’ont
bénéficié d’aucune protection.
Et pour finir, avec toujours un argumentaire sans concession sur ce qui
n’a pas été fait au plan diplomatique, il explique que des cadres – une
poignée — ont pourtant dit leur indignation et «sonné l’alarme» que de
fois, mais vainement, personne ne les ayant entendus par les tenants du
tout va « normalement » dans notre pays. Seulement, dit-il, «gare aux
effets dévastateurs de ce syndrome du “normal” alors que des menaces
planent , que des dangers rôdent autour de l’Algérie». Une analyse sans
complaisance mais non dénuée d’espoir dans la mesure où, dit-il,
«l’Algérie peut construire une vision globale et formuler un dessein
économique de performance».
Khedidja Baba-Ahmed
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