«Le pouvoir recourt à la force pour empêcher le
peuple d’exprimer son refus du quatrième mandat, il a peur de la rue», a
souligné l’ancien ministre de la Communication, Abdelaziz Rahabi, lors
d’une conférence-débat programmée par les responsables de la permanence
de maître Ali Benflis à Annaba.
La grande salle abritant la permanence s’est avérée exiguë devant la
grande affluence de citoyens venus pour suivre cette conférence et
débattre avec l’animateur de questions liées à la situation politique
nationale. Parmi les présents, il y avait des militants du FLN et du RND,
les représentants locaux de plusieurs partis soutenant la candidature de
Ali Benflis, des médecins, des avocats, des universitaires, beaucoup de
jeunes et de femmes, mais aussi de simples citoyens.
Dans un diagnostic de la politique nationale, le conférencier a estimé
que plus de 50 ans après l’indépendance, le pays n’est pas encore sorti
de la légitimité révolutionnaire pour aller vers la légitimité
démocratique, celle des urnes. «Le discours des gens du pouvoir est : où
vous nous acceptez ou c’est le chaos. Comme s’il n’y a pas de problème
autre que sécuritaire dans ce pays. C’est un véritable chantage !», dira
Abdelaziz Rahabi en se référant à la stratégie des tenants du pouvoir
dans leur tentative de faire peur au peuple, en agitant le spectre du
terrorisme pour perdurer.
«Ils considèrent que le peuple n’est pas mûr pour prendre sa destinée en
main. D’où le discours paternaliste qui constitue un véritable danger».
À ce sujet, l’ancien ministre fait un parallèle avec la période de fin
de règne de Bourguiba en Tunisie. «L’argent mal acquis est devenu une
force politique en Algérie où tout s’achète. Il n’y a qu’à voir
l’utilisation de la chkara lors des différentes élections de cette
dernière décennie pour être fixé sur la nature du pouvoir. Cet argent
est le fruit de la corruption et des marchés de gré à gré, distribués
généreusement à ceux qui sont proches du pouvoir. Sinon comment
expliquer que les 750 millions de dollars engrangés durant les 15
dernières années ne sont pas venus à bout du chômage, des besoins en
logements…»
Pour celui qui s’est rangé du côté du candidat Benflis pour les
prochaines élections présidentielles, le volet économique du programme
du projet de renouveau national de celui-ci tend à «lever les pressions
politiques qui fragilisent l’entreprise, afin de lui permettre de se
consacrer à la production de richesses par une diversification
économique et plus d’intérêt pour les PME qui libère de la dépendance
aux seuls hydrocarbures». Lors du débat qui a suivi la conférence, un
citoyen s’est interrogé sur la capacité de gestion d’un pays comme
l’Algérie par un président «présent-absent depuis près de deux ans». Et
Abdelaziz Rahabi de révéler que plus de 60 diplomates étrangers sont de
ce fait en attente d’une audience présidentielle. «Chose qui ne s’est
jamais passée dans aucun autre pays», affirme-t-il, en précisant que
contrairement à la propagande qui attribue au président sortant les
succès diplomatiques post-indépendance de l’Algérie, «cette diplomatie
devait tout à la grande Révolution du peuple qui a fait l’admiration du
monde entier».
A une autre question relative à l’empêchement par la force des
rassemblements de ceux qui sont contre le quatrième mandat ou qui
prônent le boycott, Abdelaziz Rahabi a estimé que «chacun est en droit
d’exprimer son point de vue en toute liberté sans recours à la force
pour l’en empêcher, d’autant plus que ces rassemblements sont non
violents». D’autres citoyens présents dans la salle de la permanence du
candidat Ali Benflis à Annaba ont abordé la situation explosive du fait
de la négation de la volonté du peuple, du viol de la Constitution en
2008, de la généralisation de la corruption, de la transformation des
institutions de l’Etat en comités de soutien d’un candidat, de la
dilapidation des richesses du pays au profit d’une caste de nouveaux
riches prônant le libéralisme sauvage.
Un jeune étudiant a parlé lui, de la volonté du pouvoir gérontocratique
de momifier les esprits des jeunes pour les empêcher de revendiquer leur
droit à une alternance au pouvoir. En réponse à toutes ces
préoccupations, Abdelaziz Rahabi a souligné que «les prémices de la
crise en Algérie ont été semées par le pouvoir».
Celui-ci ne pense pas aux futures générations quand il n’y aura plus de
pétrole, relève-t-il. «Le discours du pouvoir est violent parce qu’il a
peur de perdre ses intérêts. C’est un système d’intérêts. Il a l’Algérie
au portefeuille alors que le peuple à l’Algérie au cœur».
Revenant à l’épisode de l’offensive contre le DRS, le conférencier dira
que «c’est une manipulation du pouvoir : il est en même temps pyromane (Saâdani)
et pompier (le président)».
Pour l’actuel professeur universitaire, le pouvoir actuel fait tout pour
garder la mainmise sur le pays dans la perspective de préparer le lit,
en 2019, pour ceux qui ont fait fortune durant son règne.
A. Bouacha