ActualitĂ©s : Caution de washington à Bouteflika
Un quiproquo qui ajoute au soupçon


Intervenant simultanément avec celle de l’émir du Qatar, invité, lui, par le Président Bouteflika, la visite de deux jours en Algérie du secrétaire d’Etat américain John Kerry aura été la plus scrutée par les observateurs. Et pour cause : le moment politique crucial où elle se produit n’est pas pour la placer au-dessus du soupçon quant à cette caution que le pays de l’Oncle Sam voudrait apporter au processus électoral. Au final, Kerry repart laissant derrière lui un immense quiproquo.

Sofiane Aït Iflis Alger (Le Soir)
Le chef de la diplomatie américaine savait qu’il lui fallait beaucoup d’ingéniosité pour ne pas apparaître dans la stature de l’émissaire venu distribuer les bons points au pouvoir en place en Algérie, qui travaille de surcroît à se prolonger à travers la reconduction du Président en exercice. Il ne lui fallait surtout pas se rendre à quelques déclarations qui s’éloigneraient de la neutralité qui devait être requise en pareille conjoncture politique. Difficile exercice, lorsque l’on sait que son moindre propos allait être analysé à travers toutes ses acceptions possibles. D’ailleurs, le quiproquo est vite né dès qu’il a évoqué l’élection présidentielle.
L’agence APS, qui rapportait le propos de Kerry lors de la réunion du dialogue stratégique algéro-américain, diffusait une traduction qui donnait les Américains comme fervents supporters du processus électoral en cours. «Nous nous réjouissons de voir le processus de l’élection présidentielle se dérouler dans la transparence. L’Algérie est un pays qui veille à l’épanouissement de son peuple et de sa société civile», transcrivait l’APS qui a dit avoir repris telle quelle la traduction faite du propos de Kerry.
Stupéfaction chez nombre d’observateurs politiques qui ne s’attendaient certainement pas à l’expression d’un tel franche soutien au pouvoir algérien, et partant, au Président Bouteflika, candidat à sa propre succession à la magistrature suprême. Cependant, un surf sur le net et un clic sur le site du département d’Etat américain, qui a publié la déclaration en anglais de John Kerry, laissaient douter de la qualité de la traduction.
Selon l’AFP, il aurait fallu traduire comme ceci : «Nous attendons des élections transparentes et conformes aux standards internationaux. Les Etats-Unis travailleront avec le président que le peuple algérien choisira pour dessiner l’avenir que l’Algérie et ses voisins méritent. Un avenir où les citoyens peuvent exercer librement leurs droits civiques, politiques et humains.» Ce qui est nettement différent de la réjouissance prêtée à Kerry, suite à l’inexacte translation de l’un de ses deux traducteurs.
Le secrétaire d’Etat américain s’est d’ailleurs astreint, lors de sa conférence de presse conjointe avec son homologue algérien, Ramtane Lamamra, à cette lucidité diplomatique qui exige de la neutralité par rapport à une élection organisée par un pays tiers. John Kerry a dit espérer des élections transparentes et conformes aux standards internationaux.

Bouteflika fait l’effort et pose debout
Quoi qu’ait fait John Kerry, il n’aurait pas pu empêcher Bouteflika de vouloir tirer plus grand profit électoral de l’audience qu’il lui a accordée jeudi. Le chef de l’Etat, dont la dernière apparition télévisée en compagnie d’Ahmed Gaïd Salah a laissé une mauvaise impression chez le citoyen, avait, recevant son hôte américain, l’opportunité de requinquer son image. Aussi le casting a été nettement amélioré : il se met debout pour accueillir Kerry et parle plus longuement, même si ce n’est pas d’une voix qui porte. «Nous voulons de la technologie et du renseignement», pouvait-on l’entendre dire au diplomate américain dans la séquence diffusée dans le 20 heures.
A Bouteflika qui l’invitait à programmer une visite plus longue la prochaine fois,
John Kerry répondait en français par «je reviens». C’est la première fois depuis son AVC du 27 avril 2013 que Bouteflika est apparu à la télévision en position debout et qu’il consent à un autre effort, celui de parler longuement.
Ce nouveau casting, soigné par la présence de John Kerry, a la prétention électoraliste, en ce qu’il poursuit d’effacer, du moins faire oublier les propos certifiés de Belkhadem, son ministre conseiller, qui attestait il n’y a pas longtemps que Bouteflika ne pouvait marcher et qu’il connaissait des moments d’aphasie. Une attestation qui n’était pas pour aider sa campagne électorale. Jeudi, donc, il a travaillé à relooker son image.

Conduite diplomatique dictée par les affaires
Le chef de la diplomatie américaine, qui a fait escale à Alger, dans le cadre de sa tournée régionale, n’était pas venu juste pour «aider» Bouteflika à se mettre debout. Essentiellement, il est venu conclure des affaires, à travers la signature de protocoles de coopération bilatérale dans les différents domaines.
Le sécuritaire évidemment tient une place de choix dans cette entente algéro-américaine. Ce qui n’a pas manqué , au demeurant, d’être rappelé dans le communiqué commun sanctionnant les travaux de la deuxième session du dialogue stratégique algéro-américain. Les deux pays, qui coopèrent en matière d’échanges d’informations, ont réaffirmé leur soutien au Forum global contre le terrorisme (CGTF) et convenu de travailler pour combattre le fléau, partager des informations et de lutter contre les enlèvements aux fins d’obtention de rançon. La coopération sécuritaire, souhaitée de part et d’autre, ne se fera cependant pas au détriment d’autres secteurs. Alger et Washington ont convenu de partager leurs expériences dans l’éducation, l’enseignement supérieur, la science et la technologie.
Une école américaine internationale sera ouverte à Alger en 2015. Les Américains, qui exploitent les énergies non conventionnelles, ont montré tout leur intérêt pour le gaz et pétrole de schiste que l’Algérie a décidé d’exploiter.
Les Etats-Unis ont affirmé, à cet égard, leur soutien pour «le développement du secteur de l'énergie de l'Algérie, notamment dans le domaine des technologies des énergies renouvelables et des hydrocarbures non fossiles».
Le communiqué commun note, par ailleurs, une convergence de vues entre les deux pays ainsi que leur volonté d’aider à la résolution des questions internationales, comme le conflit du Polisario, la crise syrienne ainsi que le conflit du Moyen-Orient.
S. A. I.





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