Chronique du jour : Tendances
Rien de nouveau à l’Ouest
Youcef Merahi
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J’aurais
aimé chroniquer sur la tectonique de la politique nationale qui, à des
degrés divers, tente de créer un écran de fumée démocratique. Je
voudrais bien dire un mot sur ce nouveau gouvernement qui, après
l’élection présidentielle au score digne du régime soviétique,
s’installe pour appliquer sur le terrain du vécu algérien la politique
du Président. Il n’y a rien de nouveau à l’Ouest : on prend les mêmes et
on recommence, pour le même Président. Sellal revient en grande pompe,
Benyounès s’occupe du commerce. Baba Ahmed s’en va, dur morceau le
secteur de l’éducation nationale. Rémaoun arrive d’Oran, on ne lui a pas
fait un cadeau, sincèrement. Là n’est pas le propos. Sauvons les
apparences, le reste relève du miracle. Et le projet de la Constitution
pointe son nez, à nouveau. Consensuel, dit-on. Pas si sûr ! Je n’ai pas
encore vu une Constitution de cette nature, chez nous. De celle du
Majestic à celle du quatrième mandat. La jeunesse ne voit rien venir, le
témoin ne bouge pas d’un iota. Ah si, il y a un ministre de la Jeunesse.
Ouais, comme je vous le dis. Et la jeunesse persiste à traîner ses
guêtres sur les trottoirs d’une attente à flanc de leurre : attente d’un
job, attente de l’Ansej, attente d’un visa, attente du mariage, attente
de la Coupe du monde, attente du sacre de l’USMA. Cette attente rappelle
l’éternité, en pied de cigogne. Je crois que nous avons un ministre de
34 ans. Oui ? J’aurais aimé que ce soit notre Président qui ait cet âge,
juste pour l’audace du rêve. Ce n’est pas le cas, malheureusement. Ça
doit se trouver un présidentiable de cet âge, non ? Il en existe
ailleurs. Pourquoi pas chez nous. On dit que l’Algérie est jeune. C’est
vrai ! Sauf que cette jeunesse n’a pas son destin en main. Tiens, j’ai
appris que Messahel, le doyen des ministres (?), a repris les affaires
africaines. Retour aux sources. Pourquoi pas ? Grine occupe le fauteuil
du ministère de la Communication. Pourquoi pas ? On ne lui a pas fait de
cadeau à Hamid. Oh que non ! Il sait de quoi je parle. Journaux publics,
journaux privés. Publicité quand tu nous tiens ! Comment harmoniser un
secteur qui échappe à l’appréciation du ministre. Qui relève directement
de la présidence. Ah, je voudrais signaler au nouveau ministre l’absence
d’un journal en tamazight, sur fond public, à l’instar des journaux
publics, financés par nos deniers. El-Moudjahid, Horizons, Ec-Chaâb…
Point de journal public dans la langue de Si Mohand ! Nonobstant tous
les aléas de ce secteur, je dis à Grine : chiche, s’il arrive à mettre
sur pied un journal (quotidien, hebdo, mensuel, annuel) en tamazight,
alors il aura réussi sa mission de ministre. Mieux encore, il entrera
dans l’histoire de ce pays, par la grande porte. Ce journal est attendu
par tous les Amazighs algériens, et au-delà, depuis des décennies.Les
moyens existent, les hommes aussi. A vous de forcer la décision
politique ! Tout le reste relèvera de la littérature, Hamid.
On vient nous vendre une nouvelle Constitution. C’est de bonne guerre.
Il paraît que c’est une promesse électorale. Oui, pas n’importe quelle
Constitution ! Une consensuelle de consensuel. Je suis tenté de prendre
mon vieux Larousse, pour réinterpréter la définition du consensus. Je
veux bien faire cet effort, mais je ne le ferai pas. Je fais assez
d’effort comme ça, afin de définir, d’aborder les contours d’une
approche, un semblant d’explication, une tentative de compréhension, les
tenants et les aboutissants de la réalité algérienne. Un vieux Larousse
n’y suffira pas. Ni les études de sciences-po. Ni l’ENA. Les fils sont
tellement entremêlés, que l’entrée se confond avec la sortie. Autant
dire qu’il n’y a ni queue ni tête. Un paquet de corde, comme un serpent
à sonnette acculé à la défensive. Notre mère des lois risque de prendre
les contours d’une marâtre. D’une vieille mégère. Acariâtre. Indigeste.
Alors, une constitution consensuelle, vous pensez bien. Un consensus,
avec qui ? Entre qui et qui ? Le consensus attendu est bouffé par le
score électoral. Achhal déjà ? Wallah, je ne veux pas même m’en
souvenir. Il y a, comme ça, des souvenirs qui forment, dans mon estomac,
une boule qui annonce une dépression à venir. Allez comprendre quelque
chose : tout le monde a été disqualifié par le régime en place (de
Zéroual à Hamrouche, en passant par les partis politiques dits du
boycott) qui cherche, maintenant qu’il a renforcé son pouvoir, à prendre
langue avec les vingt pour cent restants. Que nenni ! «Lli darha bidou,
ifoukha bessnanou», ceci pour rester toujours en Algérie. Faites votre
constitution, Messieurs, et laissez-nous rendre notre impuissance
rageuse !
J’ai cru comprendre que certains pontes du FIS refont surface. Il
fallait s’y attendre. Je n’ai jamais cru qu’ils étaient désormais
hors-jeu. Ils ont juste fait le dos rond, en attendant que passe le vent
de sable. Ce vent qu’ils ont eux-mêmes semé. Ça a donné la tempête
sanglante des années 1990. Le peuple, lui, s’en rappelle. Alger
quadrillée. Campagne dépeuplée. Voitures piégées. Egorgements. Faux
barrages. Mahchoucha. Habhab. La yadjouz. Mairie islamique. Djaout.
Alloula. Sebti. Le policier en faction. Les appelés du service national.
Les journalistes. Paix à ton âme, Dhorban ! Ces pontes du FIS qui
reprennent de l’air, invités par des partis politiques, bon chic bon
genre, ont-ils un jour condamné la violence qu’ils ont provoquée ? Ni
les uns, ni les autres. Ils n’ont rien dit. Ils voulaient le pouvoir,
c’est tout ! Par tous les moyens. Ils ont déjà utilisé la démocratie
pour arriver à leurs fins. Et maintenant, ils veulent rééditer leur
coup. La ficelle est trop grosse. On ne peut être démocrate qu’avec un
démocrate. Point de démocratie avec les fachos. L’islam est innocent des
crimes commis en son nom. Il faut le comprendre. Il faut le dire. De
grâce, messieurs les responsables politiques, ne faites pas injure à
l’Algérie, en tendant la main à ceux qui ont fait couler son sang. Ne
semez pas, de nouveau, la peur dans nos esprits. Laissez ces gens-là à
l’oubli de l’oubli et aux soubresauts de leur conscience !
Je n’avais pas l’intention d’en dire autant. Je suis dégoûté de la chose
politique. Je ne vois rien de nouveau poindre à l’horizon de l’Algérie.
Distribuez les logements avant le Ramadhan. Rafistolez l’autoroute.
Officialisez le crédit à la consommation, en direction de la production
nationale. Laquelle ? Démultipliez les wilayas. Rapprochez
l’administration des administrés (voilà un slogan des années 1970).
N’oubliez pas l’augmentation pour les retraités. Ah, vous avez promis un
service national symbolique, je vous propose quarante-cinq jours, juste
pour la formation commune de base. Au fait, que devient la ville
nouvelle de Boughezoul ? Un mirage des Hauts-Plateaux ! Il faut penser,
aussi, à l’importation de la viande pour le Ramadhan à venir.
Du Venezuela. De l’Inde. Du Brésil. La viande française peut faire
l’affaire, aussi. Pour le s’hour, il faut importer du raisin sec. Ah,
j’y tiens ! Du petit-lait, je veux bien. Pour ce mois sacré, il est
nécessaire de ne pas oublier les pois chiches pour la chorba, ça ouvre
l’appétit. Il faut surtout beaucoup de fric, je parle des sous. L’autre
«fric», on peut se le faire envoyer de Guelma. L’appétit vient en
mangeant, c’est ce qui s’est passé avec cette chronique. Pour le reste,
il n’y a rien de nouveau à l’Ouest !
Y. M.
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