Chronique du jour : CE MONDE QUI BOUGE
Le cas Mehdi Nemmouche et l’attentat de Bruxelles
Par Hassane Zerrouky
Mehdi
Nemmouche, soupçonné d’être l’auteur de la tuerie du Musée juif de
Belgique à Bruxelles le 24 mai dernier, fait encore l’actualité.
Ancien délinquant multirécidiviste, condamné au moins à cinq reprises
entre 2004 et 2009, ce jeune, né le 17 avril 1985 à Roubaix, est sorti
libre de prison le 4 décembre 2012. C’est durant son séjour en prison,
au contact de détenus islamistes salafistes qu’il s’est radicalisé,
expliquent plusieurs témoins. Quatre semaines après sa sortie de prison,
le 31 décembre, il part en Syrie combattre dans les rangs de l’Etat
islamique d’Irak et du Levant (EIIL). Il y restera une année, se rend
ensuite en Turquie puis en Malaisie, en passant par la Thaïlande et
Singapour, avant de revenir en Europe via Frankfurt. L’homme a donc
beaucoup voyagé et était, assurent plusieurs médias citant les services
de renseignement français, suivi à la trace.
Si on ignore les raisons pour lesquelles Nemmouche n’a pas été
interpellé en temps voulu, son cas, qui n’est pas unique mais révélateur
d’un phénomène ayant pris de l’ampleur, soulève d’autres interrogations.
Ainsi, pourquoi, malgré les appels au secours des familles dont les
enfants sont embrigadés pour aller s’exploser en Syrie, les autorités
françaises, belges, britanniques,... ne sont-elles pas intervenues à
temps ? Pourquoi ont-elles laissé partir ces jeunes, dont certains âgés
à peine de 15 ans, en Syrie ? Pourquoi ne
s’en sont-elles pas inquiétées ?
Bien qu’on ne dispose pas de réponses adéquates à de vraies questions,
on serait tenté de se laisser guider par le bon sens et d’écrire que si
Nemmouche et des centaines d’autres jeunes sont partis combattre le
régime syrien, considéré par les capitales occidentales comme un ennemi
déclaré de l’Occident capitaliste, de surcroît, allié de la Russie et de
l’Iran, et bien c’est parce que la France, étant en première ligne
contre le régime de Bachar et ses alliés, a choisi de fermer les yeux.
Et rien ne dit que par leur silence, les puissances occidentales n’ont
pas encouragé en sous-main ces départs massifs de jeunes en Syrie. Autre
observation de bon sens : si la Syrie de Bachar avait accepté, à
l’instar de l’Arabie Saoudite et du Qatar, qui ne sont pas des modèles
de démocratie, de se mettre sous la coupe de Washington, de prendre ses
distances avec l’Iran et la Russie comme le suggérait Nicolas Sarkozy à
Bachar al-Assad du temps où ils étaient «amis-amis», le régime syrien
aurait été soutenu jusque dans sa politique répressive envers son
peuple. A-t-on entendu un jour la Maison Blanche, l’Elysée, protester
contre l’absence totale de liberté et de démocratie, la répression et la
prison envers les opposants en Arabie Saoudite et dans les pays du Golfe
comme ils le font envers l’Iran ?
Aujourd’hui, les dirigeants occidentaux et les médias, qui relaient et
justifient complaisamment leur politique anti-Bachar quand ils
n’appellent pas ouvertement à l’intervention militaire en Syrie, font
mine de découvrir que «les combattants de la liberté» de l’EIIL et de
Djebhet al-Nosra comme les nomme un certain BHL, sont antisémites !
Allons donc, ils ne le savaient pas ? Ils ne savaient pas qu’un jour ils
allaient retourner leurs armes contre eux ? Mais enfin, il faut être
logique et conséquent avec soi-même : on ne peut pas d’un côté taire les
crimes de ces djihadistes quand ils sont commis en Syrie contre leurs
propres frères et s’indigner quand ils commettent un attentat antisémite
! Les djihadistes sont antisémites, antidémocrates, anti-modernistes,
point barre !
Bien sûr que le régime de Bachar n’est pas un modèle de démocratie et de
vertu humaniste. Bien sûr qu’il réprime à coups de canon toute
expression démocratique, allant jusqu’à organiser, à l’ombre des
baïonnettes, un simulacre d’élection présidentielle. Mais est-ce une
raison pour construire comme le font de nombreux médias occidentaux, par
leurs écrits à sens unique, sans discernement, sur la situation syrienne
via une vision manichéenne, le mythe d’une résistance «démocratique» au
régime de Bachar, où les bons «guerriers» sont forcément les islamistes
et leurs alliés, et les mauvais les soudards de Bachar al Assad. Or,
dans le contexte de la guerre civile qui se poursuit, les crimes et
exécutions extra-judiciaires sont commis par tous les protagonistes du
conflit.
H. Z.
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