Actualités : Mohamed Mechati : la grandeur, jusqu'au bout de la vie
Par Noureddine Fethani
Qui a vu Si Mohamed résister aux ultimes douleurs du corps aura su avec
quelle superbe et avec quelle dignité il avait, sa vie durant, tout
affronté.
S'il a été en telle unanime faveur, il l'a du à son opiniâtreté, son
courage intellectuel, son humilité, sa sociabilité, son immense empathie
et sa prodigieuse générosité.
Je l'ai vu dans une grande gêne, rougissant presque, chaque fois que,
apparaissant dans les rues d'Alger, dans les halls des salles de
conférences, dans tous les endroits, toutes les têtes penchaient
humblement vers lui. Il ne lésinait sur rien pour être agréable,
accessible.
Extraordinairement prodigue, Il donnait plus qu'un milliardaire, lui qui
ne vivait que de sa pension. On l'aimait dès qu'on le rencontrait, son
amitié comblait de joie et de reconnaissance confuse. Comme un cadeau
insuffisamment mérité. Il fallait le côtoyer pour saisir la grandeur
sans pareille de sa présence. Son sourire lumineux et sa sollicitude de
tous les instants brillaient bien au dessus de bien de ses pairs
ensevelis sous les accommodements, l'allégeance et la flagornerie ; On
se redressait, on restaurait peu à peu de sa présence, de sa condition
et de ses propos une épopée qui eut du faire de ce pays autrement que ce
lamentable motif de désespoir et de frustration et de révolte ; Il
fallait la foi embrasée de cette figure, l'exemple de sa rectitude et de
sa probité pour réhabiliter, rallumer de tous ses feux notre Révolution,
la ré-appréhender sous toute sa gloire et toute sa noblesse. Un être
roboratif, revigorant, vivifiant.
Son amitié subodorait avec une attention affectueuse la moindre occasion
de faire plaisir alors qu'on ne s'y attendait pas.
Sa sincérité, tantôt tranquille, tantôt tonitruante, ne l'autorisait à
rien enjoliver, rien cacher ; il se racontait sans prétention, sans
jamais essayer de faire passer pour héroïque une existence pourtant peu
commune. Cette démarche, comme celle qui marque son ouvrage sur son
itinéraire révèlent un personnage d'une émouvante humilité et qui fut
pour ses raisons entièrement détaché de lui-même.
Patriote à l'état pur, symphonie du patriotisme. Il aura été ainsi l'un
des rares révolutionnaires chez qui l'on pouvait voir aussi
distinctement les attributs primordiaux de l'engagement pour la lutte de
libération.
Mohamed se tenait loin des cérémonies, des ors et des fastes ; Il se
consacrait à la fidélité aux compagnons de combat , à ses amis, à la
mémoire de ceux qui avaient partagé son idéal. Son observation et son
écoute de la société lui en faisaient capter les vibrations les plus
ténues et il se bouleversait, s'insurgeait en permanence, se rendait
malade de la profusion des prébendes, des privilèges, des passe-droits
et de la corruption qui enlaidissent et rétrogradent un pays auquel il
aura tant donné sans jamais le crier, sans jamais avoir rien demandé,
rien accepté pour lui- même.
Au plus fort de la douleur et de la maladie, il a puisé dans ses
dernières énergies pour sortir et retrouver de brefs moments ses amis,
ses habitudes dans le centre d'Alger où, superbe chevelure au vent,
déambulait sa silhouette familière et tellement respectée. Jusqu'à la
fin, il observe son propre état avec une vigilance tout simplement
héroïque.
Jusqu'à la fin, il observe son propre état avec une vigilance tout
simplement héroïque.
Dans ses derniers instants, il fera la recommandation à sa famille de
refuser une inhumation officielle, comme il avait toujours rejeté de
rien devoir à un régime qu'il avait si copieusement pourfendu. Il
reposera, comme il l'avait souhaité, dans le petit et paisible cimetière
algérois de Sidi Abderrahmane.
Il n'est pas beaucoup à qui je sois aussi redevable d’amitié qu'à cette
figure héraldique, encore si présente et d'une si formidable humanité.
Et je ne suis pas le seul à le ressentir aussi intensément.
Sans lui, les petits-déjeuners au «Big Bag» et les sardines de Zidi
n'auront plus la même saveur .
N. F.
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