Chronique du jour : Kiosque arabe
La sécheresse qui menace l'Égypte
Par Ahmed Halli
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Erdogan
en rêvait, sans trop y croire, Al-Baghdadi qui ne jurait que par sa
grandeur, l’a fait : le califat est ressuscité, avec son calife bien
sûr, son passeport, dont on ne sait encore s’il est biométrique ou non,
et sa capitale Mossoul. En attendant d'imposer son autorité à tout le
monde islamique, Al-Baghdadi installe les rudiments de l'État islamique
en territoires conquis. Il s'agit essentiellement, vous l'aurez compris,
de l'instauration de la Charia, et principalement de sa réglementation
en matière de statut et de costumes féminins. Sont aussi concernés au
premier chef les citoyens appartenant à des religions minoritaires et
soumis désormais à l'impôt dit de capitation (djizia). Normalement, les
pays qui ont soutenu le bras armé du califat, à savoir l'État islamique
en Irak et au levant (EIIL), auraient dû se manifester sans tarder. Mais
ils se tiennent cois, sans doute gênés et quelque peu honteux, après une
victoire aussi facile, et si peu glorieuse, mais surtout inquiets devant
les débordements des maîtres de Mossoul. L'Arabie Saoudite, qui a tout à
voir malgré ses dénégations, dans les succès des insurgés sunnites, joue
l'apaisement pour l'instant, en attendant que leurs alliés américains
décident du sort de l'Irak. Ceci, alors que se dessine déjà en
pointillés la partition du pays sur des bases confessionnelles, en plus
du Kurdistan autonome qui deviendrait un État indépendant.
Toujours est-il que ce califat nouveau ne paraît pas devoir semer la
joie autour de lui, et surtout au sein de la famille qui l’a engendré.
Comme il fallait s'y attendre, l'internationale des frères musulmans a
refusé de donner sa bénédiction à la nouvelle entité
politico-religieuse. Le cheikh Karadhaoui, cité ce dimanche par le
quotidien Al-Quds, affirme que la proclamation du califat est nulle et
non avenue. Cette initiative ne contribue pas à la réalisation du projet
islamique, a affirmé le mufti du Qatar, parlant au nom de l'Union
internationale des savants musulmans, dont il est le président. «Nous
sommes plus que jamais pour l'avènement du califat, et aujourd'hui plus
que demain, dit-il, mais l'initiative de l'État islamique en Irak et au
Levant peut avoir des conséquences dangereuses pour les sunnites en
Irak, et pour la révolution en Syrie». Karadhaoui estime, au demeurant,
que l'EIIL, cette organisation connue pour son extrémisme porte atteinte
au projet du califat, et qu'elle est la moins qualifiée pour contribuer
à la réalisation de ce projet. Autrement dit, le califat doit être porté
et dirigé par les Frères musulmans, la mouvance de Karadhaoui, dont les
plans ont été m^is à mal, depuis la chute du président Morsi en Égypte.
Un an après la chute du président islamiste, on apprend que la décision
de l'armée de le déchoir n'est pas due seulement à l'impopularité
grandissante de sa gestion des affaires du pays. Selon Mustapha Bakri,
le très médiatisé directeur du magazine Al-Yawm-Al-Sabaa, l'armée
égyptienne aurait décidé de destituer Morsi, dans l'urgence, et pour
deux raisons :
1- Le président élu avait décidé de faire intervenir l'armée égyptienne
en Syrie, afin d'aider à la chute de Bachar Al-Assad contre lequel il
avait pris publiquement position.
2- Il s'apprêtait à destituer Sissi, le chef de l'armée, qui ne voulait
pas engager le pays dans cette aventure.
Mustapha Bakri, que l'on dit proche des dirigeants militaires, rappelle
le discours enflammé du président Morsi, lors du meeting du 15 juin 2013
au stade du Caire, dans lequel il annonçait la rupture avec le régime de
Damas, et son engagement aux côtés des insurgés. Le lendemain, un
communiqué de l'armée précisait que le rôle des forces armées
égyptiennes se bornait à défendre la sécurité nationale, et non pas à
intervenir à l'étranger. Ce communiqué peut être considéré comme le
premier coup de semence au président Morsi, ajoute notre confrère. Plus
grave encore, en réponse à un mémorandum de l'armée sur la situation du
pays, Morsi a répondu comme à son habitude : «Nous allons voir», puis il
a demandé, comme si de rien n'était, que l'armée prenne en charge
l'entraînement des insurgés syriens. Encore plus présent dans le champ
médiatique, quoique moins crédible, Tewfik Okacha, le propriétaire de la
chaîne satellitaire Les Pharaons, a été lui aussi un adversaire virulent
de l'ex-président Morsi. Conséquence de son hostilité, la chaîne avait
été suspendue et interdite de diffusion(1), avant de reprendre à nouveau
ses activités après la chute du pouvoir des Frères musulmans. Comme il
ne perd jamais le sens des réalités et des opportunités, l'ancien député
du parti de Moubarak se mêle volontiers de morale publique et de défense
de la vertu offensée. Il vient de se distinguer, en tirant à boulets
rouges sur la chanteuse libanaise Haïfa Wahbi, déjà mise à mal par la
presse égyptienne, à cause d'une série interdite, et parce qu'elle a des
projets de mariage avec un Égyptien. Haïfa, dont un simple déhanchement
fait chavirer les stades, vient de défrayer la chronique avec la série «Halawat
rouh»(douceur de l'esprit ou des sens ?) interdite par la censure
égyptienne(2). La série contiendrait des séquences hard et inflammables
en vertu de la plastique particulière de l'artiste libanaise, souvent
accusée de recourir à la chirurgie esthétique. Ce qui ne suffit pas à
décourager ses admirateurs mâles, dont le futur mari égyptien. Or, c'est
semble-t-il à cet heureux élu que Tewfik Okacha s'adresse indirectement
en s'en prenant à tous les artifices dont l'artiste se serait pourvue
durant ces dernières et longues années. Selon lui, la peau de Haïfa
serait desséchée à force de recours systématiques à la chirurgie
réparatrice, tout en nous chantant «Bouss-Al-Wawa», un tube plein de
promesses. L'homme de télévision jure en bon patriote que la moins
favorisée des paysannes d'Égypte est plus douce et plus tendre que
Haïfa. Question de point de vue et de doigté, mais alors pourquoi Tewfik
Okacha s'acharne-t-il à demander au ministre de l'Intérieur l'expulsion
de la sculpturale libanaise?
A. H.
1) Merci de ne voir là aucune allusion ou signe de sympathie à
l'égard d'une chaîne privée nationale suspendue il y a quelques mois, et
dont le directeur arpente le pavé parisien en se faisant passer pour une
victime du «système». Une précision nécessaire ayant été justement
victime, comme de nombreux autres confrères, des pratiques de ce
marchand de quincaillerie et de ses acolytes, plus ou moins anonymes.
J'y reviendrai en temps voulu.
2) Déjà disponible sur certains sites pour ceux qui veulent s'assurer
que les atouts de Haïfa n'ont pas encore succombé à la sécheresse
saisonnière.
http://ahmedhalli.blogspot.com/
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