Par Hassane Zerrouky
La
Coupe du monde est passée, la fête et le rêve avec. Les sifflets du
stade Maracana envers la présidente du Brésil Dilma Rousseff, lors de la
remise des médailles et de la coupe aux vainqueurs de la compétition,
sont venus rappeler une vérité : le football ne peut pas assurer la
fonction d’opium du peuple souhaitée par des pouvoirs politiques en mal
de gouvernance. La mobilisation politique ayant précédé l’organisation
de cette coupe ne s’est donc pas tout à fait éteinte. Elle peut
reprendre sous d’autres formes ou s’exprimer à travers les urnes.
En effet, Dilma Rousseff, qui va briguer un second mandat lors de
l’élection présidentielle d’octobre prochain, aura fort à faire pour
convaincre les électeurs brésiliens. Ces derniers, selon de nombreux
sondages, estimaient que les lourds investissements consentis pour
l’organisation de la Coupe du monde, investissements qui, selon de
nombreux économistes, resteront sans lendemain, auraient dû servir à
l’amélioration des conditions de vie du plus grand nombre. Surtout dans
un pays où les inégalités sociales demeurent fortes au point où une
partie des couches moyennes et populaires est descendue dans la rue pour
exprimer sa colère. On a vu des gens planter des tentes devant les
stades où devaient se dérouler des compétitions pour exprimer leur
mécontentement contre le manque de logements. D’autres, exprimer leur
colère contre l’insuffisance des transports publics quand ce n’est pas
contre la qualité des services publics en général, notamment la santé et
l’école.
Elue de gauche, ancienne prisonnière politique et militante de longue
date, Dilma Rousseff n’est pas insensible aux protestations populaires.
Elle sait qu’elle est attendue au tournant et que ses adversaires de
droite ne lui feront aucun cadeau. Sous sa gouvernance, la pauvreté a
reculé. La violence dans les favelas a diminué, aucun incident majeur
n’a été signalé durant ce Mondial. Et en dépit d’une corruption héritée
des longues années de dictature militaire et de gouvernements de droite,
très présente dans les administrations et au sein de la police, la
présidente du Brésil bénéficie tout de même de 41% d’opinions
favorables, ce qui est de bon augure pour le scrutin présidentiel
d’octobre prochain.
Mais il n’y a pas que la droite brésilienne qui veut la peau de Dilma
Rousseff. Washington, les principales capitales occidentales et les
marchés financiers l’attendent également au tournant. Surtout depuis que
les Brics (Brésil, Russie, Chine, Inde et Afrique du Sud) réunis depuis
lundi à Fortaleza (Brésil) ont décidé de se doter d’instruments
financiers – Banque de développement, Réserve commune de devises – leur
permettant de s’affranchir des conditionnalités du FMI et de la Banque
mondiale dominés par les Etats-Unis, l’Union européenne et le Japon.
Pour aller vite, en créant cette Banque de développement dotée de 50
milliards de dollars, pouvant être portée ultérieurement à 100 milliards
de dollars, les Brics proposent donc une alternative au FMI et à la
Banque mondiale. La Chine y contribuera à hauteur de 41 milliards de
dollars, la Russie, l’Inde et le Brésil apporteront 18 milliards de
dollars chacun et l’Afrique du Sud 5 milliards de dollars. But de cette
nouvelle banque : financer les travaux d’infrastructure et les projets
de développement durable. Les pays du Tiers-Monde pourront ainsi, s’ils
en ont la volonté politique, se tourner vers des institutions
financières nouvelles qui ne leur imposeront plus ces conditionnalités
ultra-libérales visant à davantage les asphyxier et les maintenir dans
la dépendance. Il s’agit donc d’un enjeu considérable.
Quant à l’Algérie, qui a dépensé plus de 700 milliards de dollars en 15
ans dont plus de 300 milliards consacrés aux importations, elle aurait
pu faire partie des Brics. Mais pour ce faire, il aurait fallu investir
dans le développement au lieu de l’importation et de la consommation.
Des choix que l’Algérie risque de payer cher quand le pétrole ne pourra
plus financer la paix sociale.
H. Z.