Actualités : REPORTAGE
Alger, un matin de séisme
Certes, il n’a pas provoqué de gros dégâts matériels,
ni de grosses pertes humaines, mais le très fort séisme d’hier qui a
touché principalement la capitale et quatre des wilayas limitrophes n’a
pas été sans susciter une grosse panique parmi les populations.
M. Kebci - Alger (Le Soir)
Et le tout premier témoignage recueilli hier, hier dans le sillage
d’une tournée en certains endroits de la capitale, fortement touchés par
cette très forte secousse tellurique, renseigne sur cet état d’esprit
ayant prévalu. Témoignage juste en face du stade Omar-Hamadi, à
Bologhine, un vieux, la soixantaine, tenant une épicerie depuis 1962,
comme il le dira, affirme n’avoir jamais ressenti de frayeur comme celle
d’hier matin. «C’était comme une bombe tant la secousse était de forte
intensité», soutiendra-t-il, avant que ce sexagénaire, originaire de
Bouadnane, en haute Kabylie, ne remercie le Tout-Puissant puisque il n’y
a pas eu de gros dégâts matériels, ni beaucoup de pertes humaines,
faisant part néanmoins d’une grosse panique qui s’est emparée des
populations qui n’ont regagné leurs domiciles que plusieurs heures après
la très forte secousse tellurique.
Non loin de là, au lieu-dit Zemmouri-Boumediene, un immeuble tout
entier, érigé sur un rocher tout près de la mer n’a de lieu d’habitation
que le nom. Car, à la seule image extérieure qu’il dégage, l’édifice ne
pouvait raisonnablement être habité Et pourtant, des familles y vivent,
ou pour dire vrai, «risquent» leur vie depuis des années puisqu’aucun
paramètre d’une vie décente n’existe.
Escaliers vacillants, la toiture du dernier étage, en tuile, grandement
béante et à travers laquelle le bleu du ciel est continuellement
présent. Des parterres tout aussi d’infortune, que le séisme d’hier a
davantage rendu vulnérables quand ils n’existent plus par endroits.
Pour ces familles, certes la secousse d'hier était forte mais la peur
ressentie à cette occasion n'a d'égale que celle ressentie au quotidien
depuis des années. Et pour cause, ironise un père de famille, «nous
vivons au jour le jou, avec le risque pesant de se faire découvrir le
lendemain sous les décombres de la maison, qui risque à tout moment de
s'effondrer».
Au 28 boulevard Emir-Khaled, ce sont pas moins de 6 familles qui
vivotent dans ce semblant d’habitations. Soutenu par des pieds-droits
métalliques que leurs occupants ont dû placer dans l’urgence pour
soutenir le rez-de-chaussée, ce groupement d’habitation qui a perdu
depuis des lustres sa fonction, est aussi menacé par le phénomène de
l’érosion marine, édifié qu’il est sur des rochers en bordure de la mer.
Et la très forte secousse tellurique d’hier à l’aube a fini par avoir
raison de la patience de ses résidents ; une secousse qui n’a certes pas
eu à faire de gros dégâts, occasionnés il est vrai, par les précédents
séismes mais a eu pour effet de les faire sortir dans la rue.
En famille, les occupants de ce groupement d’habitation ont, en effet,
barré la route, créant un immense embouteillage. Femmes, enfants et
vieux dont un homme de 82 ans, se sont installés au beau milieu de la
chaussée, l’ont barricadée avec des objets divers dont notamment des
tables et des chaises. Les protestataires, déterminés à se faire
entendre «cette fois-ci ou jamais», crient à l’injustice et au deux
poids, deux mesures. «Les autorités, qu’elles soient centrales ou
locales, n'ont d’yeux que pour les quartiers La Paya et le 12», crient
plus d’un, exigeant la présence sur les lieux d’une délégation des
services techniques pour lever le camp comme souhaité plus d’une fois
par les agents de l’ordre diligentés sur les lieux. Un des habitants
affirme que le maire de Bologhine a été sur les lieux tôt le matin mais
une visite de pure forme, pour n’avoir pris aucun engagement envers les
sinistrés». Ces derniers n’exigent ni plus ni moins qu’un relogement
dans les meilleurs délais car nous estimons avoir trop attendu et nos
responsables n’attendent que pareilles catastrophes pour réagir, et
encore»
En plein cœur de Bab-El-Oued, plus exactement au niveau de la rue Omar-Zaghbib,
des occupants d’un immeuble ont failli perdre la vie hier matin. Ce qui
a soulevé le courroux de ces sinistrés, qui ont alors signifié
publiquement leur colère, non pas contre ce phénomène naturel qu’est le
séisme, mais pour dénoncer, selon eux, la passivité et l’indifférence
des pouvoirs publics.
Et pour cause, les 16 familles qui y «vivent» affirment attendre leur
évacuation depuis 2009, année à laquelle leur édifice a été déclaré par
les services techniques à évacuer. Et le séisme d’hier matin a eu pour
effet sur ce bâtiment, l’effondrement de plusieurs parties de toits, des
logements s’étant vu abrégés, qui de sa cuisine, qui de ses sanitaires.
Une vieille n’a dû son salut qu’à une famille voisine qui l’a prise en
charge, atteinte qu’elle est d’une maladie chronique. Autrement dit, la
secousse tellurique d’hier a achevé l’ultime raison de vie dans cet
immeuble, dont les occupants exigent tout simplement d’être relogés et
auplus vite.
Et pour ces derniers, la peur éprouvée hier à l'aube relève du
«routinier» tant la crainte de ne pas se réveiller le lendemain les
hante chaque soir.
Sans commentaires.
Barricades par-ci, sit-in par-là
La très forte secousse tellurique d’hier vendredi ayant touché
principalement la capitale et quatre de ses wilayas limitrophes a eu
pour effet «secondaire» de faire sortir de leurs «gonds» nombre de
citoyens.
Et pour cause, nombreuses sont les familles qui ont remis au goût du
jour, à l’occasion de cette funeste occasion, l’impératif de les reloger
elles qui «vivotent» depuis des années dans de semblants des logements.
Des toits auxquels, donc, le séisme d’hier a ôté le dernier «alibi»
recevable de viabilité et donc annihilé la fonction d’habitabilité.
D’où la vague de contestations enregistrée hier et qui risque de
perdurer encore, de familles qui en veulent terriblement aux pouvoirs
publics. Ces dernières exigent leur relogement, estimant que c’est là,
l’occasion où jamais, de voir le rêve tant caressé de bénéficier d’un
toit décent, enfin exhaussé.
Fermeture de route par-ci, sit-in devant le siège d’APC par-là, tel est
le décor planté hier à Alger au moment où le ministre d'Etat, ministre
de l'Intérieur et des Collectivités locales, Tayeb Belaïz, a affirmé
hier que les familles touchées par ce séisme, et vivant dans des
constructions précaires devaient d’être relogées, dès hier soir, dans de
nouvelles habitations.
M. K.
|