Actualités : La secousse ne tue pas ! Ce sont les constructions faites par l'homme qui tuent !
Par Maâmar Farah
Cette secousse, classée dans la catégorie des séismes «modérés», aura
finalement causé des morts. Mais, dans l'ensemble, ce bilan reste minime
si l'on considère que l'épicentre de ce tremblement n'était situé qu'à
quelques kilomètres du Grand-Alger qui compte plus de 5 millions
d'habitants. On peut dire qu'il y eut plus de peur que de mal.
Un séisme se produit lorsque les plaques tectoniques, qui se chevauchent
ou se frottent durant une longue période, libèrent brusquement l'énergie
amassée au niveau des points de frottement. Le foyer d'un tremblement de
terre est profond mais ses effets se manifestent de différentes manières
à la surface où le point situé à la verticale de ce foyer, s'appelle
épicentre. Les dégâts seront plus importants dans la zone de l'épicentre
alors qu'ils iront en diminuant au fur et à mesure que l'on s'éloigne de
cette zone.
L'homme, qui cherchait à calculer la force de ces séismes, s'est
longtemps basé sur l'échelle Mercali qui attribue les degrés de
puissance en fonction des dégâts. C'est-à-dire que l'on observe d'abord
l'état des lieux dévastés et c'est l'évaluation des dommages qui
permettra de préciser la magnitude. Cette méthode sera dépassée par la
nouvelle échelle de Richter qui va classer les séismes selon des
magnitudes reposant sur l'étude des tailles des secousses. Le
tremblement de terre de ce jeudi (5,6) est considéré comme «modéré» par
rapport aux séismes majeurs qui peuvent atteindre 9 degrés de magnitude
ou même plus (l'échelle est ouverte).
L'épicentre de ce séisme est situé à 19 kilomètres au nord-est de
Bologhine. On peut considérer que ce point n'est pas éloigné
d'Alger-Centre et c'est vraiment par miracle que le bilan de cette
secousse n'ait pas été plus lourd. Dans une zone de forte concentration
humaine et à l'habitat vieillissant, les choses auraient pu être plus
dramatiques. Néanmoins, l'on a enregistré quand même 6 morts et 420
blessés ! Ce qui place ce séisme parmi les secousses modérées
meurtrières de ces dernières années et le bilan pourrait s'alourdir
parce que nous nous sommes basés sur les chiffres de la mi-journée.
Le retour des charlatans
Tout a commencé à 5h11 du matin. Les Algérois sont brutalement réveillés
par une force secousse. Les témoignages se rejoignent pour signaler un
«bruit sourd» et le «lit qui se met à tanguer». Quelques objets tombent
: des cadres, des lustres, des objets divers, etc. Les habitants de la
capitale n'ont pas besoin de cours intensifs de préparation aux
tremblements de terre. Les dernières années leur ont appris à avoir le
meilleur comportement en cas de forte secousse : se précipiter dehors !
C'est ce qu'ils ont fait et les scènes de panique auront été rares. Ils
se sont regroupés au milieu des places publiques et des rues afin
d'éviter la chute des balcons ou un quelconque projectile tombant des
immeubles. On l'a toujours dit : le tremblement de terre ne tue pas
directement. Certes, un tsunami provoqué par un fort séisme peut se
transformer en catastrophe majeure mais, à moins d'être englouti dans
une fissure ouverte par un tremblement de forte magnitude (cas rares),
les morts enregistrés sont toujours victimes des constructions humaines.
Donc, ce n'est pas le séisme qui tue mais l'habitat élevé par l'homme.
Les secouristes recommandent toujours de quitter rapidement les
immeubles ou, si l'on est empêché de le faire, de se réfugier dans les
cages d'escalier où le risque est moindre que lorsqu'on reste sous les
dalles de béton. Autre recommandation : si l'on ne peut sortir d'un
appartement, il faut se réfugier dans la salle de bains ou sous les lits
: la tuyauterie peut, dans certains cas, empêcher l'effondrement total
des murs et le lit peut constituer une protection provisoire. Mais ces
solutions ne réduisent que faiblement les risques de mort. Le moyen le
plus sûr d'y échapper est de sortir rapidement.
La Casbah, un exemple d'habitat antisismique
De tels phénomènes naturels donnent malheureusement lieu à des
interprétations erronées car l'irrationnel s'alimente souvent des
malheurs collectifs. On l'a constaté lors de la catastrophe d'El Asnam
de 1980 mais l'obscurantisme n'était pas aussi fort que dans les années
2000 lorsque le séisme majeur de Boumerdès (2 300 morts) donna lieu à
une gigantesque manipulation faisant croire qu'il s'agissait d'une
«punition divine». Or, nous savons qu'un séisme est un phénomène naturel
expliqué largement par la science et que ce sont les constructions
réalisées par l'homme qui tuent. Il est paradoxal que l'Algérie du XXIe
siècle réagisse de la sorte alors que les Deys algérois du XVIIIe siècle
avaient compris la nécessité d'édifier des cités dans les normes
parasismiques. C'était à la suite du tremblement majeur de mai 1716
(20.000 morts). Ils firent appel aux architectes qualifiés qui
trouvèrent rapidement un système ingénieux pour éviter l'effondrement
massif des maisons. Quand on parcourt La Casbah, on peut voir partout
des décors en bois reliant les habitations. Il ne s'agit pas d'une
simple ornementation : ces assemblages «soudent» les habitations et les
fortifient solidairement, empêchant leur chute.
Aujourd'hui, plus que jamais, il faut revenir à la science et c'est
peut-être elle qui aura permis d'éviter une catastrophe puisque les
normes de construction parasismiques sont draconiennes depuis peu. Reste
que l'on ne sait pas vraiment ce qu'aurait laissé un séisme plus fort.
Souhaitons qu'il n'arrive jamais et que les doses d'énergie contenues
dans la zone de frottement qui traverse la capitale continuent à
s'échapper périodiquement comme dans une cocotte-minute; ce qui éloigne
le risque d'un «Big One» !
M. F.
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