Chronique du jour : Lettre de province
UGTA : un congrès décisif pour la survie
Par Boubakeur Hamidechi
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Après
avoir épuisé la totalité des artifices dérogatoires ayant permis à ses
instances de différer d’un an l’organisation de son congrès ordinaire,
l’UGTA est désormais tenue d’y aller dans des délais très courts.
Programmées officieusement dans moins de 60 jours, les assises en
question connaissent déjà leurs premières passes d’armes. Aussi bien au
plan organique que sur le sujet brûlant de la «ligne» imprimée par Sidi
Saïd, les critiques s’expriment violemment. Au niveau de la base, les
reproches pointent du doigt la méthode choisie pour désigner les
congressistes alors que bon nombre de dirigeants fédéraux commencent à
monter au créneau afin d’inscrire ce congrès dans la perspective des
ruptures. Celles qui devraient aboutir à une redéfinition de la vocation
syndicale de l’UGTA. Laquelle serait malmenée, en référence à
l’ambiguïté qui a prévalu jusque-là, illustrée par sa trop grande
proximité avec le pouvoir.
Manifestement, les courants qui prônent la refondation ne cachent pas
leur intention de peser d’abord par l’argument des bilans et son
corollaire la fin des reconductions dans les mandats. Évidemment, le
préalable vise notamment le secrétaire général et la plupart des membres
de la CEN dont la longévité aux responsabilités a été finalement la
source de bon nombre de déviations et surtout de défiances notoires dans
les strates du salariat.
La démarche qui se dessine à travers certaines déclarations laisse
d’ailleurs deviner que le prochain congrès pourrait tourner au chaudron
pour cramer la direction actuelle. Encore que cette probabilité risque
de se révéler difficile à atteindre compte tenu des interférences
habituelles de certains donneurs d’ordres.
Et c’est d’ailleurs sur les jokers du palais que table Sidi Saïd pour
rééditer sa légitimité de 2008 et même la précédente (2000). Or si cela
venait à se produire, une fois encore, ce secrétaire général, considéré,
jusque-là, comme un simple pion du pouvoir, ne sera-t-il pas taxé alors
par ses pairs de syndicaliste égaré qui a fait tout le contraire de ce
qu’il était attendu de son militantisme ? Car s’il subsistait quelques
doutes sur la lente déliquescence de l’organisation des travailleurs,
ils seront violemment mis en exergue dans les plénières si, par malheur,
un autre quitus était accordé à ceux qui sont en poste depuis 1997.
Alors l’UGTA ne pourra plus se prévaloir d’une quelconque profession de
foi relative aux luttes sociales par lesquelles elle justifiait son
existence.
Satellisée par le pouvoir politique et conciliante avec celui de
l’affairisme, elle s’est éloignée de ceux qui crurent qu’elle relayait
leurs doléances.
D’ailleurs, c’est ainsi que, de réunions bipartites en tripartites, elle
était toujours ressortie bredouille alors qu’elle fit chaque fois
accroire, aux rares syndiqués qui lui faisaient encore confiance,
qu’elle avait plaidé pour la bonne cause. Or cette posture de partenaire
dont elle avait fait une doctrine n’était rien d’autre qu’un oripeau
habillant de compromettantes concessions. Autrement dit, chaque fois
qu’il a été question de rogner sur les stratégies du plein emploi en
fermant les usines «obsolètes», elle ne trouva rien de mieux que
d’invoquer le «réalisme» au lieu de brandir le chiffon rouge des grèves.
Ballottée par conséquent entre les forces sociales impatientes parce que
de plus en plus précarisées et les lobbies d’intérêts en quête de
dividendes, elle fit le choix malheureux de cautionner les
pseudo-experts et se retrouvant de fait dans un marché de dupes. Cela a
fini par éroder sa représentativité jusqu’à détourner le potentiel de
syndiqués de l’adhésion à ses structures. Car ceux qui boivent du
petit-lait, en constatant sa dramatique désertification, ce sont bien
évidemment les syndicats libres, remarquables par leur combativité
jusqu’à devenir attractifs. Les travailleurs ont su, en effet, faire la
distinction entre la légalité octroyée à la moribonde «Union» et la
légitimité du terrain des coordinations. C’est que le monde du salariat,
c'est-à-dire celui de la colère et de la contestation justifiée, a
trouvé ses véritables médiateurs.
Or, quand bien même la «maison du 1er Mai» persistera à vouloir demeurer
le syndicat unitaire, les chiffres de ses adhérents iront à la baisse
tout le long de cette traversée du désert et du doute. Et c’est donc ce
congrès qui peut être en mesure de remettre à plat les causes de son
effondrement.
Comment, si ce n’est pour instruire un procès en bonne et due forme au
sujet des errements de 10 années de proximité politique. C’est seulement
à l’issue de cet exercice, éminemment douloureux, qu’elle pourra
envisager de renouer avec son désir de primauté sur le front social.
Autrement dit, elle n’a d’autres choix que de remettre en question une
ligne tactique qui lui a fait perdre l’essentiel de sa crédibilité.
Se renouveler doctrinalement, pour elle consiste simplement à remettre à
jour les crédos qui furent édictés lors du 7e congrès. Celui qui
l’émancipa du carcan «d’organisation de masse» du FLN ! Or il semble que
cela ne soit guère possible avec la reconduction d’un attelage qui,
durant des années, n’a fait que de la sous-traitance pour le compte du
palais.
B. H.
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