Actualités : 2014
Une année difficile s’achève
L’année s’achève sur fond d’incertitudes. L’embellie
financière cède la place à une période de doutes. Assise sur un
confortable matelas de réserves, l’Algérie risque de le voir fondre
comme neige au soleil. 2014 aura pourtant été presque jusqu’au bout,
celle des discours rassurants.
Les Algériens auront vécu durant cette année bien des événements. Le
plus marquant restera certainement la réélection inédite de Abdelaziz
Bouteflika sur fauteuil roulant. Une élection contestée par une partie
de la classe politique mais également par une société civile qui a
assisté à la naissance du mouvement Barakat et d’une coordination
regroupant des partis politiques que rien ne prédestinait à se retrouver
autour d’un projet commun. Sur le front social, la tension a été, tout
au long de l’année, à son comble. Pas un secteur n’a échappé à des
mouvements de protestation. Les Algériens ont assisté à l’une des plus
inédites des marches, celle des policiers. Le football a, pour sa part, été à l’origine de la liesse populaire.
L’équipe nationale a réussi la prouesse de passer au second tour de la
Coupe du monde, mettant du baume au cœur des Algériens. Retour sur ces
événements marquants.
Politique
Et de quatre pour Bouteflika !
Incontestablement, la réélection de Bouteflika pour un quatrième mandat
restera dans les annales de l’Algérie. Malade, le président de la
République et son entourage immédiat auront maintenu le plus longtemps
le suspense autour de sa candidature. L’opinion nationale était réduite
à guetter des signes pour tenter de connaître les intentions de l’homme
dont les activités officielles étaient réduites presque à néant. En
plein débat sur la nécessité d’appliquer l’article 88 de la
Constitution, le Premier ministre rompra le silence. Il choisira de
faire l’annonce de la candidature de Bouteflika à partir d’Oran.
Profitant de la tenue d’une conférence de presse en marge du salon
africain dédié à l’économie verte, Sellal met fin à un insoutenable
suspense : Bouteflika sera bel et bien candidat à sa propre succession.
La machine s’est alors mise en branle. Les doutes de l’opposition et de
la société civile quant aux capacités de Bouteflika à gouverner
n’avaient d’égale que la ferme intention de l’entourage de Bouteflika à
mener à bien ce projet. Les Algériens découvriront au JT de l’ENTV les
images d’un Bouteflika affaibli, remettant son dossier de candidature à
Medelci. D’une voix inaudible, le Président s’est livré à cet exercice
contraint par les dispositions de la Constitution. Les Algériens
n’étaient pas au bout de leur surprise. Le jour de l’élection, ils
découvraient des images inédites : le Président sortant votait sur une
chaise roulante. Un tabou venait d’être cassé. La présidence par
procuration pouvait alors commencer.
La communication institutionnelle en panne
Malade et réduisant ses activités au strict minimum, le président de la
République est régulièrement évacué vers l’étranger. Des épisodes qui
donnent lieu aux rumeurs et aux supputations. Ils mettent surtout à nu
une communication officielle en panne et incapable de faire face à la
demande sans cesse croissante des Algériens à connaître la vérité.
Dernier épisode en date, le transfert de Bouteflika dans une clinique de
Grenoble.
Le site internet d’un quotidien régional français donnait l’information
: le Président Bouteflika a bel et bien été admis pour soins.
L’information est relayée en boucle par les chaînes d’information
françaises. A Alger, silence assourdissant. Pour en savoir plus, les
Algériens devaient guetter les informations outre-mer.
Ministres et proches du Président ont tous adopté la même posture :
personne ne savait rien sur le transfert de Bouteflika. La présidence de
la République n’a comme d’habitude pas daigné faire un communiqué
officiel pour faire taire la rumeur.
Rentré au pays discrètement, le Président était montré quelques jours
plus tard recevant des ambassadeurs. Libre aux Algériens d’interpréter
ces images comme ils le peuvent puisque la communication officielle, en
manque d’imagination, n’a pas trouvé mieux que d’adopter la posture de
l’autruche à l’ère des réseaux sociaux où l’information circule comme
une traînée de poudre.
Barakat, un mouvement qui dit non !
Au moment où la scène politique était divisée au sujet de la candidature
de Bouteflika, des jeunes issus de plusieurs bords se rencontrent autour
d’un objectif : la nécessité de changement. Le mouvement Brakat était
né. Ses animateurs multipliaient les rassemblements faisant face à une
répression inédite. Harcelés par les forces de l’ordre, les jeunes
animateurs du mouvement continuaient à activer sur les réseaux sociaux.
Leur mot d’ordre : barrer la route à Bouteflika. Le peu de soutien dont
ils bénéficieront auprès de la classe politique aura finalement eu
raison du mouvement. En plus des multiples arrestations, ses animateurs
ont dû faire face à une campagne de dénigrement rarement égalée.
La vie privée des animateurs du mouvement est fouillée, des chaînes de
télévision privées connues pour leur soutien à Bouteflika feront un
véritable travail de sape qui viendra finalement à bout du mouvement
Barakat.
L’opposition s’entend autour d’un Smig
En juin dernier, la conférence de Zeralda signait la naissance
officielle de la Coordination nationale pour les libertés et la
transition démocratique (CNLTD). Des partis politiques que tout oppose
théoriquement se sont mis d’accord sur un socle commun : la nécessité de
changement de régime. Sous les feux des critiques des proches de
Bouteflika, la CNLTD dérange. Non pas qu’elle constitue une force
politique en mesure de faire basculer le régime mais dans toute
l’histoire de l’Algérie, rarement des partis politiques radicalement
opposés auront réussi à s’entendre sur un minimum de prérequis. Et c’est
certainement cette perspective d’une opposition forte qui fait perdre
son sang froid aux relais du pouvoir. Les partis satellites ne ratent
pas une occasion pour dénigrer la démarche de la Coordination nationale
pour les libertés et la transition démocratique. En dépit de ses
attaques, les partis membres de ladite coordination sont restés fidèles
à leur démarche : exiger un changement de système.
Les cours du pétrole sonnent la fin de l’embellie
L’année se termine sur une note pessimiste : dans leur chute, les cours
du pétrole emportent avec eux toutes les certitudes des autorités
algériennes. Après avoir longtemps fait croire que l’Algérie faisait
figure d’exception, le gouvernement revient à un discours plus réaliste.
La crise n’est peut-être pas encore installée mais elle n’est pas bien
loin. C’est dans ce contexte que le Président a fini par réunir les
ministres concernés pour évoquer un plan anti-crise. Les premières
mesures n’ont pas tardé à tomber. L’Etat devra réduire son train de vie
et le citoyen est appelé à faire preuve de plus de rationalisation.
L’annonce du gel du recrutement dans la Fonction publique est venue
rappeler de manière brutale que le pays ne pouvait être à l’abri d’une
conjoncture mondiale marquée par la baisse des prix du pétrole. Dans
l’incapacité d’influer sur les décisions de l’Opep, l’Algérie est
aujourd’hui dans l’obligation de sortir d’un système rentier qui a trop
longtemps permis d’acheter la paix sociale sans asseoir une véritable
économie.
Une année noire pour le transport
24 juillet dernier : un avion d’Air Algérie se crashe au Mali. 116
personnes trouvent la mort. Le crash du vol AH5017 donne lieu à un
cafouillage monumental. Pour se dédouaner, les autorités algériennes
choisissent une stratégie de communication inédite : faire admettre que
la compagnie nationale n’avait aucun lien avec l’accident puisque
l’appareil était affrété. Dans toutes les interventions des officiels,
cet aspect était mis en avant. Pendant qu’en Algérie, on se livrait à
cet exercice inutile, la France prenait la main dans ce dossier.
Avec un nombre important de ressortissants victimes du crash, la France
a en effet dépêché ses équipes d’enquêteurs sur place. C’est le début
d’un long épisode de polémique autour des boîtes noires. Alors que la
France officielle affirmait les avoir transférées à Paris pour analyse,
à Alger, on répétait que l’enquête faisait l’objet de coordination entre
les parties algérienne, malienne et française. Le ministre des
Transports a même dû se livrer à une sortie théâtrale. En déplacement au
Mali, il a posé face aux photographes et aux caméras exhibant avec
fierté ce qu’il présentait comme les boîtes noires. Aujourd’hui, encore,
aucune piste n’est privilégiée pour expliquer ce crash. Le mauvais temps
avait été mis en cause mais la piste de l’attentat terroriste avait
également été évoquée.
L’inédite marche des policiers
Inédit en Algérie. En octobre dernier, des milliers de policiers étaient
aux portes de la présidence. Ils avaient marché sur Alger en provenance
de plusieurs wilayas pour exiger l’amélioration de leurs conditions de
travail. L’étincelle avait été allumée depuis Ghardaïa. La vallée du M’zab
était en proie, depuis de longs mois, à des affrontements sanglants. Les
membres des deux communautés qui y cohabitent de tradition s’y
affrontaient.
En première ligne, les policiers en fonction à Ghardaïa devaient faire
face à des manifestants souvent agressifs. Pris en tenaille entre cette
violence et les instructions de leur hiérarchie, les policiers censés
maintenir l’ordre ont vite été dépassés par les événements. En plus des
pressions au quotidien, les policiers étaient montrés du doigt. On leur
reprochait de prendre position dans le conflit qui déchirait les deux
communautés. C’est dans ce contexte tendu que les policiers en fonction
à Ghardaïa ont entamé une action de protestation, réclamant un roulement
dans les affectations dans les régions difficiles.
Dépêché sur place pour circonscrire le mouvement, le ministre de
l’Intérieur sera rapidement contraint de rejoindre la capitale. Le
mouvement fait tache d’huile : des milliers de policiers marchent sur la
capitale, direction la présidence. Ils passeront la nuit devant le
palais d’El-Mouradia, réclamant la prise en charge d’une plate-forme de
22 revendications. A leur tête, le départ du général Hamel. Le ministère
de l’Intérieur s’engagera à satisfaire les revendications «apolitiques»,
faisant évidemment l’impasse sur la toute première des exigences des
policiers. Ces derniers rejoindront finalement leurs casernes, mettant
un terme à l’un des plus inédits des mouvements de protestation en
Algérie.
Le Brésil sourit aux Algériens
S’il y a un secteur qui aura donné beaucoup de satisfaction aux
Algériens, c’est bien celui du sport. L’équipe nationale de football a
réussi au Brésil un exploit : passer au second tour du Mondial. Les
Verts ont fait rêver leurs fans. A mesure que la plus prestigieuse des
compétitions avançait, les Algériens croyaient de plus en plus aux
chances de leurs représentants au Mondial brésilien. Les plus optimistes
ont même cru au miracle brésilien. Le match Algérie-Allemagne avait fait
rêver plus d’un. Les Allemands ont mis fin au parcours de l’équipe de
l’Algérie mais pas à l’engouement que suscite l’équipe nationale de
football. La ferveur footballistique n’a pas baissé d’un cran en dépit
de l’élimination des Verts. La jeune génération de footballeurs a
réconcilié les fans avec la génération des années 1980 qui avait
également à l’époque suscité autant de ferveur.
N. I.
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