Chronique du jour : Les choses de la vie
Syriza, une hirondelle sur l'Acropole
Par Maâmar FARAH
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La
victoire de Syriza aux législatives grecques a fait trembler les «Etats»
européens, ou ce qui en reste, face au pouvoir absolu des argentiers de
la BCE. L'arrivée d'un mouvement politique radical de gauche, qui refuse
le système bien installé d'une finance au service des puissants,
brouille les pistes, déstabilise et inquiète. On parle alors de
contagion et les yeux se tournent vers les autres mauvais élèves
européens qui, sans atteindre le niveau de la Grèce, éprouvent les pires
difficultés à s'adapter à des règles de plus en plus étouffantes.
Les peuples européens, engagés dans la course aux performances
économiques, sont éprouvés par les difficultés sociales et les mille
privations imposées par les plans d'austérité. Ils ne peuvent plus
compter sur leurs Etats pour les tirer vers le haut car ces Etats ont
perdu leur autonomie de décision et se comportent comme des
administrations locales obéissant aux ordres d'un pouvoir supranational
rigide. Ce pouvoir oriente les économies et les finances selon les
besoins d'une minorité de décideurs et agit comme une secte maçonnique.
Non, nous ne sommes pas des «illuminés» adeptes de la thèse du
«complot», et la réalité est bien là. Il suffit de savoir l'observer.
La crise actuelle du capitalisme qui enfonce ces pays dans la gadoue de
l’endettement montre, à l’évidence, que des gouvernements soi-disant
«souverains» n’ont plus aucun pouvoir réel. Ils doivent s’incliner
devant la puissance d’une… banque ! Et le comble du ridicule dans la
crise grecque fut atteint lorsque l’ancien Premier ministre avait décidé
de consulter son peuple pour savoir s’il fallait rester ou non dans la
zone euro ! Les grands argentiers et les pouvoirs qu’ils ont mis en
Allemagne et en France notamment, paniquèrent et convoquèrent tous les
arguments, toutes les ficelles, toutes les menaces pour empêcher que ce
vote se déroule.
Bon sang : où est la démocratie dont ils se prévalent ? Le référendum
n’était-il plus l’un des moyens inventés par la démocratie pour
consulter les peuples sur des questions ayant trait à leur avenir ? Non,
vous rêvez si vous continuez de penser qu’il reste encore quelque chose
appelée liberté dans cette marche forcée du capitalisme qui agonise mais
ne veut pas mourir. Une agonie qui met des millions d'êtres humains en
marge du progrès social et accentue les inégalités et les injustices.
Dans un reportage de France 2 consacré à la Grèce en crise, Pujadas, le
présentateur vedette du JT, interroge une ancienne employée d'Athènes,
forcée au chômage, et qui vit grâce à la maigre pension de sa mère, une
pension réduite de 30%. Intrigué par le fait qu'elle n'a pas de
couverture sociale, le journaliste lui pose la question :
«Et quand vous êtes malade, comment faites-vous ?
- Je ne vais pas chez le médecin !»
La facture est lourde : les salaires étaient réduits de 30%, le SMIC
abaissé à 600 euros, l’essence et le mazout augmentés de 100%,
l’électricité, le gaz, les transports, de 50%. Autres résultats
dramatiques : plus de 50.000 entreprises ont fermé leurs portes. Des
familles qui vivaient à l’aise, se retrouvaient avec des
allocations-chômage, les employés du secteur public n'étaient pas payés
durant de longs mois… Ajoutez à cela une situation tragicomique : pour
porter plainte devant la police, on devait payer 150 euros sinon la
plainte n'était pas prise en charge. Les nouveaux impôts s’accumulaient.
Même la télévision publique a dû fermer ses portes! Beaucoup de familles
vivaient avec le strict minimum, sans chauffage, ni électricité. Il n’y
avait plus de livres dans les écoles. Les universités s'étaient arrêtées
jusqu’à nouvel ordre. Prisonnière de la fameuse «zone euro», la Grèce
devait adopter de nouvelles mesures d'austérité en échange du nouveau
plan d'aide de 130 milliards d'euros : baisse de 12 % des retraites
supérieures à 1300 euros par mois ; une réduction de 22% du salaire
minimum et de 32 % pour les jeunes de moins de 25 ans ; un gel des
salaires pour certaines catégories de salariés jusqu'à ce que le taux de
chômage tombe en dessous des 10 %.
Le capitalisme, boulimique par essence, exploiteur par nature, refuse de
mourir dans le calme. En passant au stade financier global, à la faveur
de la mondialisation qui l’aide à étendre son hégémonie, il a fait un
super bond en avant dans… l’inconnu ! Il est contrôlé désormais par une
minorité d’actionnaires qui produisent du… vent et se font des milliards
de dollars par le jeu des placements, de la spéculation et du bluff.
Comme au poker. Mais dans ce dernier jeu, il y a prise de risques. Ici,
ils jouent gagnant-gagnant. Et, pour que la machine marche, il faut
pousser les travailleurs à consommer plus. On leur facilite l’octroi de
crédits pour le logement, la bagnole, les appareils électroménagers, les
voyages, toute la panoplie du parfait bonheur capitaliste ! Sauf que, à
force de pousser le système dans le sens d’une rentabilité maximum qui
ne profitera qu’aux patrons des banques et à quelques traders, la
machine s’enraye. C’est la fameuse crise des subprimes, grande débâcle
du capitalisme financier qui a montré que toute démarche humaine qui
crée et renforce les inégalités arrivera, un jour ou l’autre, à créer
les causes de sa propre destruction. Cette première alerte, qui a laissé
sur le carreau des centaines de milliers de familles et s’est parfois
soldée par des suicides et des dépressions, avait semblé agir comme un
clignotant rouge disant : « Attention ! Danger ! Revoyez le système !
Mettez-y un peu de bon sens, de réalisme, de justice, de solidarité,
sinon il déraillera pour de bon !» Peine perdue. La tempête passera et
les affaires reprennent. Mais les mêmes raisons produisent les mêmes
effets. A un niveau plus élevé : ce sont désormais des pays entiers qui
ploient sous le poids de la dette ! Cas d’école : la Grèce.
Mais on n’est pas arrivé là par hasard : en rentrant dans la zone euro,
la Grèce s’engageait à mettre en branle une politique ultralibérale qui
ne profitera qu’aux multinationales. Tout cela sous l’œil de la
super-puissante BCE qui refuse d’aider les Etats déficitaires, les
obligeant à aller chercher l’argent dans les marchés financiers. La
dette augmente. Il n’y a aucune solution à l’horizon : prisonnière de la
zone euro, la Grèce n’arrive pas à vendre ses produits, beaucoup plus
chers que ceux des autres pays européens. Le déficit commercial aggrave
la dette. En fin de compte, la Grèce donne tout à l’Europe sans rien
recevoir et l’argent cédé par l’Union européenne revient à… 97% dans les
caisses de la même UE !
C’est l’exemple parfait de ce qui arrive quand on ne défend pas
l’intérêt national et la souveraineté d’un peuple embarqué malgré lui
dans la mondialisation et son système économique le plus efficace :
l’ultralibéralisme. Du temps de l’impérialisme historique, les grandes
compagnies capitalistes utilisaient les armées et les administrations de
leurs pays pour spolier nos terres, exploiter notre main-d’œuvre et
piller nos richesses. La mondialisation leur offre tout cela et à
moindre prix : les pouvoirs locaux sont désormais chargés de ce sale
boulot.
Face au jeu stérile d'une démocratie bouffonne, faisant se relayer une
Gauche et une Droite au service des mêmes argentiers, les peuples
européens ont le choix entre le repli sur soi, autrement dit le retour
du fascisme, ou la prise en charge de leur destin en revenant aux
Etats-nations souverains, à la monnaie nationale et aux plans de
développement au service des peuples. Mais tout dépendra de ce que fera
Syriza et là, les vautours et leurs télés sont déjà à pied d'œuvre pour
lui conseiller de rester les bras croisés afin de barrer la route de la
liberté et du progrès au peuple grec qui a majoritairement exprimé son
rejet du système euro inique !
M. F.
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