Soirmagazine : L’entretien de la semaine
Docteur Mohammed-Tahar Zerouala, médecin et auteur, au soirmagazine :
«C’est faux de dire que plus on mange, plus on est productif»


Par Sarah Raymouche
Docteur Mohammed-Tahar Zerouala est médecin généraliste et titulaire d'un CES en hématologie à Paris. Il a publié quatre ouvrages de vulgarisation médicale à destination du grand public dont le dernier Gérer son assiette et bouger. Dans cet entretien,
Dr Mohammed-Tahar Zerouala diagnostique l’assiette des Algériens et dresse son bilan.
Il donne aussi des conseils sur un bon régime alimentaire.

Soirmagazine : Selon vous, quelle est la relation qu’entretiennent les Algériens avec la nourriture?
Dr Mohammed-Tahar Zerouala : Pour répondre à votre question, je dirai que la plupart de nos compatriotes considèrent la nourriture comme source énergétique sans laquelle les efforts qu'ils pourraient fournir seraient vains. Cela veut dire qu’ils pensent que plus on mange, plus on se porte mieux. Ils valorisent, de ce fait, le concept quantitatif au qualitatif, résumé en cette phrase : «Plus on mange et plus on est productif.» Ce qui est complètement faux.
La qualité peut apporter plus d’énergie que la quantité quand l'assiette est bien gérée. A titre d’exemple, ce qui est devenu du reste le quotidien d’une large majorité des Algériens, c’est cette ruée vers les fast-foods et autres pizzérias à l'heure du déjeuner pour les deux sexes et à tout âge. Cela nous éclaire sur la manière dont nos citoyens se nourrissent. Vous voyez très clairement que ce sont toujours les mêmes plats qui sont proposés : frites-omelette, shawarma, morceaux de pizza, sandwichs..., le tout accompagné de sodas ou de jus industriels. L’attrait est souvent la moindre dépense et un service rapide. A ce désastre culinaire, il faut ajouter les conditions d’hygiène qui l'accompagnent qui ne sont pas du tout reluisantes.

Comment s'organiser pour avoir une bonne hygiène de vie ? En fait, quelle est la définition que vous donnez à une bonne hygiène de vie ?
il y a des notions de base à expliquer. L'organisme a besoin de produits qu'il ne peut pas synthétiser, qui ne peuvent être apportés que par l’alimentation. C'est le cas des acides aminés essentiels qui entrent dans la composition des protéines et des substances graisseuses que sont les acides gras essentiels. Quant aux sucres, on les divise en sucres rapides et sucres lents. Ils sont dits rapides car leur absorption intestinale est rapide. Ce sont les jus industriels, les sodas, les sucres artificiels, les pâtisseries... Les sucres lents se retrouvent dans les pâtes alimentaires et renferment des fibres utiles pour le tube digestif. Evidemment ils sont plus intéressants. Les fruits sont certes des sucres rapides, mais ils ont l'avantage d'être naturels ; consommés en fin de repas, leur absorption est plus lente. Fruits et légumes apportent des vitamines et des sels minéraux qui sont indispensables. Sans oublier l'apport fondamental qui est l'eau.
Un minimum d’un litre et demi par jour est conseillé. Les quantités de nourriture apportées par l'alimentation sont en fonction de ce que nous dépensons comme énergie. La ration calorique d'un travailleur de force est plus importante que celle d'une personne sédentaire.
Grosso modo, la ration calorique nécessaire pour une femme est de l'ordre de plus ou moins 2 200 kilocalories/jour.
Celle d'un homme de plus ou moins 2 500 kilocalories/jour. Un gâteau au chocolat de 100 g apporte environ 500 kilocalories. Un gâteau sucré de 100 g près de 300 kilocalories. Chers lecteurs, faites votre calcul ! Donc, une bonne hygiène de vie s'appuie sur deux concepts : le premier consiste à se nourrir convenablement en tentant de varier ses apports culinaires par : les légumes cuits ou, mieux, crus. Les protéines animales doivent être variées par l'apport non exclusif de la viande. Les apports de poisson et d’œufs sont intéressants.
A ce titre, je dois dire qu’il ne faut pas bouder le poisson congelé, bien sûr, si la chaîne de froid est respectée et ceux en conserve comme les sardines et les thons. Préférer ceux qui baignent dans de l'huile à ceux à la tomate, surtout pour les enfants.
Le mieux est d’organiser son repas à l'avance où le fruit doit conclure afin de créer la satiété, ce dernier étant un coupe-faim.
A cela j’ajoute un mot sur la consommation anarchique du pain. Le pain est présent sur toutes les tables des foyers algériens. Celui-ci est nécessaire, il fait partie des céréales dont l'individu a besoin particulièrement pour ses intestins à cause de ses fibres. Mais il vaut mieux lui préférer le pain complet, plus digeste, ou mieux, ce sera la grande tendance dans un temps pas très lointain, les céréales sans gluten, il y a déjà le riz et le maïs. Le deuxième concept d'une bonne hygiène de vie est l'exercice physique. Il s’agit de pratiquer du footing ou de la marche, selon l’état physique de l'individu, à raison de trois entraînements par semaine et une demi-heure pour chaque séance.
Ces séances, à ce rythme, sont largement suffisantes pour maintenir un état physique optimal. L’exercice physique prévient les affections redoutables liées à la sédentarité.
Il concourt à guérir certaines maladies organiques et psychologiques. La pratique du sport est aussi motivée par le désir de retarder le vieillissement, par l'aptitude de fournir l'effort demandé et la recherche de... l'esthétique.

Qu'en est-il des plats traditionnels qui sont en général riches en calories, sont-ils bons pour notre santé ?
Il faut déjà se poser deux questions : d'abord qu'appelle-t-on les plats traditionnels? Est-ce les plats destinés aux petites bourses ou les plats qui constituent des festins ? Il y a des plats traditionnels simples, de qualité, que l'on sert régulièrement dans les maisons, qui apportent un certain équilibre par leur composition où les légumes côtoient volontiers viandes, poissons ou œufs par exemple. Et il y a, selon les régions, ceux qui apportent exclusivement du sucre, du gras, du salé.
Il faut dire qu’être accros aux plats traditionnels riches est évidemment néfaste pour la santé. Et aussi, abuser du sucre, du salé ou du gras aboutit inéluctablement à une surcharge pondérale jusqu’à l’obésité pourvoyeuse de maladies graves : cardiovasculaires, métaboliques (diabète...).
Je dirai pour répondre à votre question : oui aux plats traditionnels variés mais les plats traditionnels riches doivent relever de l'exception.

Quelle est la relation entre l’effort physique et les maladies diététiques ?
Les maladies diététiques sont dues à des erreurs dans le programme alimentaire de l'individu. Ce sont des maladies qui sont le plus souvent causées par l’excès d'apports alimentaires. Grignotage, sodas, jus industriels, sucreries..., ces excès aboutissent, comme il a été cité plus haut, à des maladies : diabète, hypertension, cardiopathies et obésité qui est classée comme une maladie authentique. Pour pallier à cela, il faut brûler les calories. Pour les brûler, il faut une activité physique régulière. Cette activité ne doit pas être contraignante mais plutôt une détente, un plaisir.





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